Depuis le début de la saison, l’Opéra de Monte-Carlo présente ses productions dans des décors virtuels en trois dimensions dûs à un système aussi efficace que mystérieux nommé D-Wok. Ainsi le Requiem allemand de Brahms, donné par le chœur de l’Opéra et l’orchestre des Musiciens du Prince en la Salle Garnier, nous a-t-il procuré l’illusion d’être chanté dans une cathédrale baroque autrichienne ou allemande.
En programmant de grandes œuvres chorales, le but de la directrice de l’Opéra de Monte-Carlo Cecilia Bartoli est de mettre en lumière les qualités du chœur de l’Opéra de Monte-Carlo. Le but a été atteint. De ce point de vue, le concert a été réussi. Ces chœurs monégasques sont magnifiques. Leur chant est soutenu, brillant, vibrant, « habité ». Le romantisme du Requiem de Brahms leur convient. Ils doivent regretter que Brahms n’ait pas composé d’opéra !
Autre point fort de la soirée : l’excellente soprano suisse Regula Mühlemann. Une beauté de timbre, une élégance de phrasé ! La partie de baryton devait être initialement assurée par Simon Keenlyside. Celui-ci, souffrant, fut remplacé par la voix claironnante de Florian Boesch.
Ce concert avait une particularité : la présence de l’orchestre des Musiciens du Prince. A priori, le répertoire de cet orchestre est baroque. Que venait-il faire dans le Requiem de Brahms ? Oh, les violonistes ne se privèrent pas de jouer avec vibrato, avec des archets modernes, les violoncellistes avaient des piques à leurs instruments, les instruments à vents étaient dotés de clés et de pistons. Mais le chef, lui, Gianluca Capuano n’avait pas totalement abandonné l’esprit baroque ou classique. Sa direction fut bien en place, avec des moments de grande intensité. Mais où étaient les longues phrases et les longs élans qu’on aurait espérés dans la musique romantique ? La deuxième partie de l’œuvre est, certes, indiquée « marche » (tout en étant… à trois temps!) mais elle eut un aspect un peu trop « militaire » ce soir-là. La sixième des sept parties, qui proclame la victoire de la vie sur la mort, avec sa fugue colossale au centre, fut dirigée avec rigueur mais manqua de souffle. A la décharge du chef Gianluca Capuano : il se trouvait au milieu d’une série de magnifiques représentations de l’opéra Jules César qui, soir après soir, épuisait son énergie. (Voir le compte-rendu de Jules César à Monaco par ailleurs)*
L’ensemble eut quand même belle allure. Le public ne lui ménagea pas ses bravos.
André PEYREGNE
29 Janvier 2024
Direction Musicale : Gianluca Capuano
Chef de Choeur : Stefano Visconti
Distribution :
Soprano : Regula Mühlemann
Baryton-Basse : Florian Boesch
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo
Les musiciens du Prince – Monaco