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Un plateau vocal impressionnant pour Attila de Verdi à l’Opéra de Marseille

Un plateau vocal impressionnant pour Attila de Verdi à l’Opéra de Marseille

dimanche 29 octobre 2023
© Christian Dresse
Attila (1846) est le neuvième opéra de Verdi et fait partie de ses œuvres de jeunesse après Giovanna d’Arco (1) (1845) et Alzira (1845). C’est le genre d’ouvrage qui peut se dispenser d’une version scénique car l’imagination des spectateurs est apte à transposer dans leur esprit les diverses péripéties de l’histoire au travers du narratif qui est conté via les dialogues au moyen du surtitrage. D’autant que, somme toute, alors qu’il pourrait s’agir d’une grande fresque épique, l’action du livret demeure relativement immobile, les personnages exprimant essentiellement ici leurs sentiments d’amour, de jalousie, de haine et de vengeance par la voie du chant.

Nous avons dans nos colonnes très souvent vanté le mérite des versions de concert qui permettent aux chanteurs de se libérer de la contrainte de la mise en scène (donc des déplacements et des changements de costumes etc.) pour se concentrer exclusivement sur le chant. Pour avoir assisté à maintes prestations de ce type (encore cet été, trois en peu de jours, au Festival d’Aix-en-Provence), nous sommes à nouveau convaincus que la formule est particulièrement payante.

Dans les opéras de maturité de Verdi (on pense évidemment à Otello et Falstaff) – une tragédie et une comédie – toutes deux empruntées à Shakespeare, les réalisations scéniques s’imposent car, au-delà de la partition, il s’agit d’œuvres extrêmement complexes d’un point de vue psychologique dans lesquelles le théâtre et la musique sont indissolublement parties prenantes.

En revanche, Attila comme Giovanna d’Arco, à l’instar de nombre d’œuvres du belcanto romantique italien, sont divisés en une série de numéros de chant confiés successivement à des tessitures telles que soprano, ténor, baryton, basse qui tour à tour exécutent le même numéro composé d’une structure tripartite identique : récitatif, aria, cabalette comme trois mouvements inéluctables d’une symphonie.

L’Opéra de Marseille cultive, avec autant de pertinence que de réussite depuis un certain nombre d’années, ce type de version concertante. Pour la circonstance cet Attila, donné sous pareille forme, réunissait un quatuor particulièrement exaltant sous la baguette d’un éminent spécialiste du lyrique italien : Paolo Arrivabeni à la tête d'un orchestre de l’Opéra de Marseille flamboyant ainsi que d'un choeur sonore et efficace sous la houlette de Florent Mayet.

Le roi des Huns a été confié à Ildebrando d’Arcangelo dont on connait la remarquable carrière et qui se trouve actuellement à son zénith. L’allure du personnage conviendrait parfaitement à une version scénique tant on le sent physiquement engagé dans pareil emploi. La voix mordante d’une belle et d’une admirable homogénéité sur toute la tessiture fait valoir des graves profonds, un médium solide et un registre aigu en adéquation avec le caractère belcantiste de l’œuvre.

Juan Jesús Rodriguez (Ezio) habitué de l’Opéra de Marseille (où il a notamment interprété Simon Boccanegra, Macbeth, Nabucco, Giovanna D'Arco) est en quelque sorte l’enfant chéri de ce théâtre qui ne manque pas de lui faire fête à chacune de ses apparitions. Vraie voix typique de baryton Verdi, il fait état, comme ce fut le cas en l’occurrence, d’un style particulièrement châtié.
Même si elle n'avait pas entièrement emporté notre conviction dans La Gioconda de Ponchielli aux Chorégies d’Orange en 2022 Csilla Boross, après avoir été Abigaille dans Nabucco, donne le meilleur d’elle-même ici à la fois par son engagement et sa vaillance d'autant qu'Odabella nécessite une très longue ampleur dans la tessiture ainsi qu’une endurance de la voix qu’elle ne ménage à aucun moment dans un emploi indéniablement parsemé de difficultés comme le sont souvent ceux des sopranos dramatiques dans le répertoire verdien.
Enfin, l’excellente surprise est venue de celui qui était en quelque sorte « l’inconnu » de la distribution à savoir Antonio Poli en Foresto. Et quel bonheur ! Voici un ténor, comme nous n’en avions pas entendu depuis longtemps, paré de multiples qualités : la voix est ample et remplit sans problème le vaste vaisseau de l’Opéra de Marseille. Par ailleurs le timbre d’une grande beauté et l'émission franche se doublent d’une articulation et d'une diction souveraines comme celle que l’on attend pour cette typologie d’ouvrage avec une ardeur éloquente qui n'est pas sans rappeler celle d'ainés glorieux qui s’illustrèrent dans pareil répertoire comme, par exemple, Veriano Luchetti ou encore Carlo Bergonzi.
Les quelques phrases musicales prononcées par le jeune Louis Morvan dans le rôle du Pape laisse augurer pour ce jeune artiste d'une brillante carrière car il dispose d’un timbre de basse chaleureux, d’ores et déjà fondé sur une belle technique. Arnaud Rostin-Magnin complète la distribution dans le rôle d’Uldino.

Le public nombreux en cette première d’Attila a particulièrement apprécié l’ouvrage comme la distribution réunie ainsi que les forces de l’Opéra de Marseille, orchestre et chœur sous la direction de Paolo Arrivabeni.

Nombreux rappels et longs applaudissements sans conteste amplement mérités.

Christian Jarniat
29 octobre 2023

(1) Donné également en version de concert à l’Opéra de Marseille en 2022.

Distribution :

Direction musicale : Paolo Arrivabeni
Odabella : Csilla Boross
Attila : Ildebrando d’Arcangelo
Ezio : Juan Jesús Rodriguez
Foresto : Antonio Poli
Le Pape Léon 1er : Louis Morvan
Uldino : Arnaud Rostin-Magnin

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

 

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