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Un hommage vibrant au chant français : Pene Pati éblouit dans une version lumineuse des Pêcheurs de perles à Aix

Un hommage vibrant au chant français : Pene Pati éblouit dans une version lumineuse des Pêcheurs de perles à Aix

samedi 19 juillet 2025

Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

Le Festival d’Aix-en-Provence célèbre en 2025 le 150ᵉ anniversaire de la disparition de Georges Bizet en accueillant pour la première fois Les Pêcheurs de perles dans sa programmation. Un événement symbolique pour un opéra pourtant composé par un Bizet de 25 ans, admirateur de Gounod, et créé en 1863 au Théâtre Lyrique.

Avant même le premier accord, le chef Marc Minkowski dédie la soirée à deux figures emblématiques récemment disparues : Pierre Audi, ancien directeur artistique du Festival, et la mezzo-soprano Béatrice Uria-Monzon, légendaire Carmen et fervente ambassadrice du chant français, dont on venait juste d’apprendre la disparition. D’emblée, le propos s’impose : il s’agit d’un hommage au lyrisme national.

Si le livret des Pêcheurs de perles puise dans les codes du mélodrame romantique, la partition dévoile déjà le génie de Bizet : une mélodie fluide, racée, d’une élégance rare. Que ce soit dans les arabesques de « Comme autrefois », la rêverie suspendue de « Je crois entendre encore » ou l’intensité du duo « Oui, c’est elle, c’est la déesse », la ligne vocale règne en maîtresse. Un orientalisme stylisé, presque abstrait, sublime la voix autant que celle-ci exalte la musique.

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Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

C’est cette essence même que Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre s’efforcent de restituer. Leur lecture, rigoureuse et musicologiquement éclairée, privilégie des tempi vifs, des ralentissements expressifs pour souligner les moments forts, et une continuité dramatique préservée grâce à l’absence de coupures. L’orchestre peint des tableaux sonores d’une grande finesse – flots apaisés, nuit étoilée –, la harpe faisant scintiller la mer.

L’esthétique est résolument adaptée à l’ouvrage : un son clair, équilibré, jamais lourd, où les cordes s’élèvent avec grâce et les vents s’affirment avec délicatesse. Minkowski redonne à l’œuvre une fraîcheur d’origine, laissant l’imaginaire du public tisser les paysages exotiques, sans recourir à une mise en scène.

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Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon incarne une présence puissante, quasi dramaturgique. Malgré quelques hésitations initiales dues aux tempi soutenus dans « Sur la grève en feu », il retrouve rapidement cohérence et énergie. Diction précise et nuances subtiles témoignent d’un travail exigeant du chef.

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Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

Un plateau vocal d’exception, dominé par l’éclat de Pene Pati

La révélation de la soirée porte le nom de Pene Pati. Dans le rôle de Nadir, le ténor samoan signe une prestation bouleversante : lumineuse, sensuelle, d’une aisance naturelle. Son « Je crois entendre encore » est un bijou de phrasé, de souffle et de finesse, où les piani veloutés contrastent avec des aigus flamboyants. Ambassadeur idéal du chant français, il allie articulation parfaite, ligne mélodique pure et technique irréprochable. Le public, envoûté, lui réserve une standing ovation.

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Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

Elsa Benoit, en Leïla, opère une belle évolution au fil de la soirée. D’abord retenue, elle s’émancipe progressivement, atteignant une intensité dramatique et une sensualité troublante dans « Me voilà seule dans la nuit ». Sa voix souple, chaude et agile, révèle une artiste idéalement taillée pour le répertoire français, nous promettant de belles soirées sur les scènes lyriques.

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Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Vincent Beaume

Florian Sempey campe un Zurga d’une profonde humanité. Sa voix puissante et nuancée traverse les tourments du personnage – loyauté, jalousie, repentir – avec une intensité dramatique saisissante. Le duo « Au fond du temple saint » gagne en noblesse grâce à la restitution de passages souvent omis, notamment l’évocation de l’« amitié sainte », superbement chantée en parfaite osmose avec Pati.

Enfin, Edwin Crossley-Mercer incarne un Nourabad solennel et autoritaire. Son timbre sombre et sa diction impeccable apportent la gravité rituelle nécessaire au prêtre de Brahma.

Une soirée mémorable, hommage à un grand compositeur

Avec cette restitution fidèle à l’esthétique originelle de Bizet, Marc Minkowski signe bien plus qu’une simple interprétation : un vibrant hommage à la musique française.

Grâce aux instruments d’époque, à une direction d’orchestre d’une rigueur et d’une clarté exemplaires, et à un plateau vocal éblouissant – dominé par un Pene Pati en état de grâce –, le Grand Théâtre de Provence a offert une expérience lyrique d’une rare intensité.

Sylviane Corduan
19 juillet 2025

Direction musicale : Marc Minkowski

Leïla : Elsa Benoit
Nadir : Pene Pati
Zurga : Florian Sempey
Nourabad : Edwin Crossley-Mercer

Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Chef de chœur : Alan Woodbridge
Les Musiciens du Louvre

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