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THEÂTRE DE BALE : Un Ring ou l’album de la famille WOTAN en quatre jours raconté par Brünnhilde

THEÂTRE DE BALE : Un Ring ou l’album de la famille WOTAN en quatre jours raconté par Brünnhilde

mercredi 4 juin 2025

© Ingo Höhn

Prologue avec l’Or du RHIN

L’histoire commence avec la voix parlée de Brünnhilde, déjà présente dans l’Or du Rhin, où elle égrène ses souvenirs d’enfance, puis ceux de son adolescence. Remontant le fil de l’histoire, elle se remémore les récits que Wotan leur racontait quand ils étaient enfants.

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© Ingo Höhn

Tel un conte pour enfants, on assiste à une fête d’anniversaire à laquelle assistent : Fricka (en tailleur Chanel), Donner et Froh avec des petits chapeaux pointus, Siegmund avec des cheveux longs et roux et une peau de bête, Freia en robe fleurie de jeune fille, traînant tout au long du spectacle 3 ballons, Wotan vêtu d’un manteau en peau d’ours (oversize !) offrant au petit Siegfried, petit garçon blondinet avec une couronne de papier doré sur sa tête, un petit théâtre de marionnettes, un petit dragon vert et une épée en bois. A cette fête d’anniversaire assiste également une petite fille blonde également, du même âge que Siegfried, Brünnhilde bien sûr, qui fouillera dans le coffre à jouets pour en sortir un masque de loup (allusion à Siegmund qui dit « Wolfe, der war mein Vater ».

Dans cet Or du Rhin (comme dans toute la tétralogie), le metteur en scène Benedikt von Peter ne se soucie pas du tout de la chronologie. Tout est anachronisme, anticipation, allusions, espièglerie parfois…

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© Ingo Höhn

Pour le décor, il est réduit à une vaste structure de maison installée à gauche qui servira de Walhalla, et à droite un arbre énorme où se balance Brünnhilde, adolescente, présente sur le plateau tout au long de l’Or du Rhin, assistant à ce sac d’embrouilles avec les Géants, la bagarre avec Alberich. Elle verra également les trois sirènes (les filles du Rhin) sous la forme de grandes marionnettes, animées chacune par trois manipulateurs, un énorme crapaud…. Une table toute en longueur servira de plateau à tout faire (on verra par la suite).

Le théâtre moderne, sans charme mais avec une acoustique efficace, a voulu reproduire un son presque comme à Bayreuth. En effet, la salle n’a pas de fosse d’orchestre et on a placé l’Orchestre symphonique de Bâle et son chef Jonathan Nott sous la scène, sans visibilité autre que par un système de vidéo. Ainsi les chanteurs ne voient le chef que par le biais de cinq écrans. Ce n’est pas identique à la fosse de Bayreuth, mais le son arrive par des grilles au milieu de la scène, et on s’approche de l’effet fondu, mystérieux voulu par Richard Wagner, de sorte de mettre en valeur le jeu des acteurs et le texte des opéras.

L’effet acoustique est très intéressant, surtout dans la scène des Filles du Rhin, toutes les trois remarquables, en longue robe noire où l’on apprécie la richesse de couleur, le piquant bien rendu sous la baguette rapide, nerveuse et bien inspirée de Jonathan Nott, tel que le voulait Wagner. L’autre effet déconcertant provient de la voix d’Alberich que l’on entend non pas sortir du crapaud gigantesque, mais d’une voix chantée à gauche en hauteur.

La direction d’acteurs est extrêmement bien coordonnée et très efficace, dans une approche véritablement théâtrale. La conception particulière de la salle, la proximité des chanteurs-acteurs et des spectateurs implique un jeu très détaillé, notamment les mimiques de Wotan et lorsque le jeu devient trop exagéré (surtout Loge), le naturel des enfants sur scène suffit à équilibrer le jeu.

Wotan, personnage omniprésent qui au début apparaît comme « paternel » et conteur d’histoires, se révélera bien vite comme un être machiavélique, ne quittant jamais sa bouteille, ni sa lance, et toujours obsédé sexuel (d’où sa nombreuse progéniture). On le verra même disparaître, pendant cette fête d’anniversaire, sous la nappe de la table avec trois femmes opulentes, en robes à paillettes, les trois Nornes, et en remonter le pantalon sur ses chaussures…du plus mauvais goût.

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© Ingo Höhn

Dans ce prologue, la distribution est dominée par Nathan Berg, un Wotan formidable, d’une grande autorité, de surcroît excellent dans la veulerie, la fourberie, la trahison, la cruauté du personnage. Sa voix a l’ampleur et la profondeur qu’exige le rôle mais en plus, il manie avec aisance le parler-chanter, accentuant avec esprit les subtilités du personnage, notamment dans la longue querelle avec Fricka chantée de manière remarquable et convaincante par Solenn’Lavanant Linke.

Les deux géants sont étonnants. Le baryton-basse Thomas Faulkner, aux phrasés remarquables, incarne un Fasolt, escogriffe maigrichon en salopette et cheveux longs filasses, tandis que Runi Brattaberg campe un Fafner à la corpulence d’un bûcheron en chemise écossaise.

Michael Laurenz, ténor de caractère, à la coiffure décolorée et costume jaune beurre, rusé à souhait, intrigant, sarcastique, sournois et manipulateur incarne un Loge de grande envergure. Karl-Heinz Brandt, est un excellent Mime, avec ses airs de vieil intellectuel craintif et malmené par Alberich, en surgissant du Nibelung. Andrew Murphy n’a peut être pas toute la noirceur qu’il faudrait au personnage d’Alberich, mais il a la qualité d’une voix proche de celle de Wotan, faisant bien ressortir derrière la cupidité et le désir de pouvoir, une humanité profonde. Le ténor lyrique et clair de Ronan Caillet (Froh) et le baryton chaleureux de Michael Borth (Donner) complètent cette distribution d’une grande homogénéité. L’apparition fragile d’Erda, dans de vilains oripeaux, est touchante, incarnée par Hanna Schwarz, dont la voix n’a rien perdu de son émotion, elle qui fut la Fricka de Patrice Chéreau, il y a cinquante ans….

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© Ingo Höhn

Et pour conclure ce prologue, cet Or venu d’un Nibelheim, est posé en un amoncellement de plats, ciboires, moules à gâteaux, candélabres sur cette longue table, recouvrant le corps de la pauvre Freia en échange de sa liberté.

Un prologue fort bien réussi par l’implication des chanteurs-acteurs, d’un Orchestre Symphonique de Bâle de haut niveau, dirigé par l’excellent chef Jonathan Nott… en attendant le 1er jour, La Walkyrie.

Marie-Thérèse Werling
4 juin 2025

Direction musicale Jonathan Nott
Mise en scène : Benedikt von Peter avec la collaboration de Caterina Cianfarini
Scénographie : Natascha von Steiger
Costumes : Katrin Lea Tag
Lumières : Roland Edrich
Dramaturgie :Roman Reeger

Wotan : Nathan Berg
Alberich :Andrew Murphy
Loge : Michael Laurenz
Donner : Michael Borth
Froh :Ronan Caillet
Fricka :Solenn’ Lavanant Linke
Freia :Lucie Peyramaure
Mime :Karl-Heinz Brandt
Fasolt :Hubert Kowalczik
Fafner :Runi Brattaberg
Woglinde :Harpa Ósk Björnsdóttir
Wellgunde :Valentina Stadler
Flosshilde :Sophie Kidwell

Orchestre symphonique de Bâle

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