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Théâtre de Bâle : 2e Journée du Ring avec Siegfried, devenu Adulte

Théâtre de Bâle : 2e Journée du Ring avec Siegfried, devenu Adulte

samedi 7 juin 2025

© Ingo HOEHN

Dans cette production du Ring de Benedikt von Peter, la saga wagnérienne racontée par Brünnhilde continue de passionner et dans cette deuxième journée, la guerre est déclarée entre Wotan et sa fille préférée, mais il faut attendre plus deux heures avant que ne se fasse entendre une voix féminine, sauf la voix parlée de Brünnhilde, qui comme dans L’Or du Rhin et La Walkyrie apostrophe son père de questions, d’affirmations, d’ordres et de reproches. Elle est, bien décidée à affronter Wotan, le grand conteur d’histoires de son enfance et de son adolescence. Devenue adulte, elle entend non seulement s’affranchir, mais surtout faire définitivement tomber le masque d’un géniteur qui a encore de belles proies devant lui, notamment le plus jeune de la fratrie, Siegfried passionné et plein de fougue.

Dans le premier acte, Brünnhilde conseille au petit Siegfried de ne surtout pas accepter les morceaux de l’épée paternelle tendus par Mime. Mais sans résultat, car le jeune Siegfried, immature et conditionné par les belles histoires, pense trouver un sens à sa vie d’adulte dans les divers scénarios machinés par son grand-père : la forge et l’épée, le combat avec le dragon….

Benedikt von Peter maîtrise tellement le scénario de son Ring avec les secrets de famille (par ex. Siegfried se travestit en loup plutôt qu’en ours), qu’il n’a pas besoin d’un nouveau décor. Une nouvelle fois, on retrouve la maison familiale, les arbres sous la lune, la fosse énorme dans le jardin d’où jaillit le feu de la forge et la longue table des repas de famille.

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© Ingo HOEHN

Pendant les vingt années séparant La Walkyrie de Siegfried, les marionnettes de l’enfance ont grandi elles aussi. Échappées du petit château de Wotan, elles sont omniprésentes sur le plateau. A l’instar des souvenirs emmagasinés au fil du temps, elles sont plus nombreuses : aux Filles du Rhin et au Crapaud Alberich, se sont rajoutés les Wälsungen à tête de loup, Siegmund et Sieglinde aux bras démesurés dans lesquels le petit Siegfried trouve refuge et consolation, un Géant Fasolt et son crâne fracassé et même le Dragon trucidé.

Le public est toujours aussi fasciné, dans ce deuxième jour du RING, par ce rêve wagnérien de l’orchestre invisible où la musique sortant des profondeurs du plateau focalise l’attention sur les interprètes. Dirigé par le chef plus qu’inspiré Jonathan Nott, l’Orchestre Symphonique de Bâle délivre ce soir encore une prestation quasi de « musique de chambre » mais d’une suffocante beauté : le Chant de la forge est martial, l’arrivée au sommet du Rocher des Walkyries révèle un son aigu des cordes d’une rare élévation.

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© Ingo HOEHN

Le plateau vocal est une nouvelle fois captivant. Kalr-Heinz Brandt, ténor de caractère campe un Mime de belle allure. Andrew Murphy confirme une nouvelle fois son excellente forme en Alberich. Peluche rouge au plumage coloré et scintillant, Álfheiuður Erla Guðmundsdóttir est un oiseau de luxe, de surcroît merveilleusement expressif scéniquement et vocalement (le ramage est aussi beau que le plumage !!!).

On admire une fois encore l’art avec lequel, en Erda aux graves remarquablement profonds, Hanna Schwarz gère une voix qui, rappelons-le fut une éclatante Fricka dans la mise en scène de Patrice Chéreau à Bayreuth. Parfaitement ronflant et grognant lors des affrontements, Runi Brattaberg sait tout de même rendre le caractère de Fafner plus humain. Trine Møller, très habitée, était ce soir plus convaincante et meilleure Brünnhilde que dans La Walkyrie, jusqu’au final où, sur les dernières mesures, elle domine quelque peu Siegfried, interprété par Rolf Romei.

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© Ingo HOEHN

Après avoir chanté Lohengrin et Parsifal (il fut également Max à Bregenz l’été dernier), le ténor suisse allonge à l’évidence la liste des Siegfried du moment, sans toutefois égaler un Klaus Florian Vogt. Son Chant de la forge sonne sans fatigue apparente, porté par l’orchestre flamboyant et lumineux de Jonathan Nott. Dans le second acte, les Murmures de la forêt sont interprétés d’une brûlante poésie. On admire jusqu’à l’Acte III, le style avec lequel il campe le rôle le plus terrible de Wagner, mais une légère fatigue apparaissant sur les dernières mesures. Et pour finir, Nathan Berg, en faux Wanderer, disparaît sous d’odieux ricanements.

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© Ingo HOEHN

Plus crépusculaire que solaire, (surtout dans le 3e acte), la production bâloise de ce Siegfried est un mélange de nombreux flashs plus ou moins réussis : la forge savamment reconstituée entre sol et sous-sol, la grande beuverie avec Wotan et Erda, l’arrivée au sommet du « rocher » avec le bestiaire au complet se serrant les coudes dans les fumigènes autour d’un éclatant et beau cheval blanc, les sombres orages. Une nouvelle vision saisissante montre Brünnhilde se relevant soudainement du lit où elle vient de céder à Siegfried, pour planter son regard accusateur dans celui, goguenard, de Wotan, lequel a assisté à la première relation sexuelle de sa fille, mais en plus, accompagné de l’adolescente qu’était Brünnhilde, vingt ans plus tôt : une forme de voyeurisme malsain, sans parler de l’accoutrement de Brünnhilde et de Siegfried, une nouvelle fois en sous- vêtements, chaussettes…

Dommage, tout le romantisme semble perdu et lointain. Le rideau final fut ovationné bruyamment, mais aussi hué…..

Marie-Thérèse Werling
7 juin 2025

Musikalische Leitung : Jonathan Nott
Inszenierung : Benedikt von Peter
Co-Regie : Caterina Cianfarini
Bühne : Natascha von Steiger
Kostüme : Katrin Lea Tag
Kostümmitarbeit : Karoline Gundermann
Lichtdesign : Roland Edrich
Videodesign : David Fortmann
Sounddesign : Robert Hermann
Dramaturgie : Roman Reeger

Siegfried : Rolf Romei
Mime : Karl-Heinz Brandt
Der Wanderer : Nathan Berg
Alberich : Andrew Murphy
Fafner : Runi Brattaberg
Erda : Hanna Schwarz
Brünnhilde : Trine Møller
Waldvogel : Álfheiður Erla Guðmundsdóttir

Sinfonieorchester Basel

Statisterie Theater Basel

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