Créée en 2015, à l’occasion de l’année de la Russie, par l’Opéra de Monte-Carlo et la FSCI (Fondation pour les Initiative Sociales et Culturelles), en collaboration avec le ministère de la Culture russe et l’ambassade de la Fédération de Russie en France, « l’Académie des jeunes chanteurs d’opéra de Russie à l’Opéra de Monte-Carlo » proposait, ce 30 octobre, salle Garnier, son concert de clôture, venant ainsi parachever trois semaines d’études des répertoires français et italien, sous la houlette de personnalités majeures de l’art lyrique telles que Barbara Frittoli et Ludovic Tézier.
Choisis principalement par Jean-Louis Grinda, directeur de l’Opéra, les dix chanteurs de la session 2019 s’étaient vu rejoindre, cette année, par les sept lauréats du concours national de ballet russe qu’organise également la FSCI.
Autant dire qu’à l’intérieur de l’écrin patrimonial que constitue la Salle Garnier, cette soirée, placée sous le signe de la double identité lyrique et chorégraphique de l’Opéra de Monte-Carlo, ne pouvait qu’être brillante.
Comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit d’artistes russes, on ne sait que louer le plus, tant chez ces jeunes danseurs que chez ces chanteurs lyriques : rigueur stylistique, générosité, technique, identité ou, tout simplement, amour de leur futur métier et romantisme jusqu’à ce brin de folie qui fait écarquiller les yeux et voyager ailleurs devant les danses extraites de Taras Boulba ou le Pas de deux de Spartacus.
Dans une efficace mise en espace et de belles lumières signées Yves Coudray, que l’on retrouve toujours avec plaisir, les chorégraphies sont coordonnées par Andreï Bolotine, soliste du Bolchoï, et la partie musicale (pour celle qui n’est pas enregistrée) est assurée avec bienveillance et grand professionnalisme par Kira Parfeevets et Samuele Pala.
Encadré par deux ensembles- le sextuor de Così fan tutte et la scène introductive de l’acte II de Carmen- permettant d’entendre la totalité des jeunes chanteurs de l’Académie (ils ont entre 25 et 30 ans) et de prendre la mesure de leur sens de la scène, en particulier dans une très belle restitution scénique de la taverne de Lilas Pastia, le programme travaillé réserve, d’ores et déjà, quelques belles surprises.
Si les voix féminines sont encore un peu « vertes » et pourront encore gagner en assise dans la partie aigue (on pense en particulier aux soprani Iouliya Pogrebniak en Susanna et Polina Koumylganova en Adina), on a plaisir à entendre un rondo final de La Cenerentola permettant à la mezzo Tsvetana Omeltchouk, déjà soliste de l’Académie du Théâtre Mariinsky de St-Pétersbourg et qui bénéficie d’un beau matériau, de se risquer à une trille techniquement bien assurée et de faire preuve d’agilité dans sa vocalise. Dommage que l’aigu final soit encore éloigné de ce que l’on se doit d’entendre ici car on tient là une voix de mezzo intéressante.
A suivre également, la voix soyeuse d’Elizaveta Mikhaïlova, mezzo de 27 ans au beau tempérament, qui a su faire un effort de prononciation particulièrement satisfaisant dans la chanson bohême de Carmen.
Les belles surprises de la soirée sont à rechercher, selon nous, du côté des lauréats masculins avec, tout d’abord, la voix de baryton de Valeri Kalaboukhov, lui aussi soliste de l’Académie du Théâtre Mariinsky, qui donne à entendre un « Pieta, rispetto, amore » de Macbeth, à la fois sobre stylistiquement et à la projection adéquate, y compris dans les passages les plus périlleux où la voix garde son assise et sa couleur. Son colistier Grigori Tchernetsov dispose indéniablement d’un sens de la dramaturgie qui, dans la mort de Posa, extraite de Don Carlo, peuvent emporter l’adhésion du public. Si, lui aussi, dispose indéniablement d’un beau matériau, il lui faudra encore discipliner son instrument pour achever de nous convaincre dans ce type de répertoire.
Enfin, on découvre avec bonheur une voix de ténor lyrique de belle facture en la personne de Kirill Belov, âgé de 25 ans, qui s’est déjà distingué dans des concours internationaux et a été admis en 2017 à l’Académie du Mariinsky. Choisissant de se présenter au public dans le célèbre lamento de Federico extrait de L’Arlesiana, un air dont il dispose complètement des moyens, ce jeune ténor enthousiasme déjà par une musicalité sans faille dans l’art du falsetto et des nuances sur le souffle qui traduisent une solide technique que vient parachever un aigu final solide et particulièrement sonore. Kirill Belov, un nom à retenir sans nul doute.
Afin que cette belle soirée se termine, comme il se doit chez des russes, en joie et en mélancolie, l’ensemble des lauréats du concours national de ballet et de l’Académie 2019 chantent et dansent sur Kalinka et Podmoskovnye Vechera (Les Nuits de Moscou) et cela fait toujours un bien fou !
Vivement la prochaine session !
Hervé Casini
30 octobre 2019