Logo-Resonances-Lyriques
Menu
Siegfried au Théâtre National de la Sarre (Saarländischen Staatstheater)

Siegfried au Théâtre National de la Sarre (Saarländischen Staatstheater)

vendredi 28 février 2025

c_Kaufhold

« Was ist wird » ou SIEGFRIED, prototype des Laboratoires WLHLL

Les deux réalisatrices Alexandra Szemeredy et Magdolna Parditka présentent leur « Siegfried », super-héros dans un décor dystopique.

L’expérience des « Laboratoires WLHLL » menée dans la Walkyrie de l’année dernière passe à l’étape suivante, en activant le prototype Siegfried , troisième volet du gigantesque dispositif expérimental.

20 siegfried gp c Kaufhold 3628
c_Kaufhold

Avec sa soif de progrès en matière d’optimisation humaine, Wotan, père des Dieux et chef de laboratoire semble être parvenu avec succès au bout de ses expériences. Siegfried est prêt pour lutter contre Fafner. Mais comme dans la Walkyrie, la force créée virtuellement à l’aide de puces, de transfusions, d’électrochocs devient bientôt incontrôlable. Il est temps pour Siegfried de découvrir la seule chose qui puisse l’arrêter : l’amour naissant pour Brünnhilde…

siegfried khp c Kaufhold 4025
c_Kaufhold

La mise en scène de Szmeredy et Parditka dépeint avec beaucoup de force, de violence aussi, la confrontation de Siegfried avec son père adoptif Mime dans un décor de laboratoire très épuré, carrelé en noir et blanc lorsqu’il lui arrache le secret de ses origines. Sur tous les murs, on peut voir les mots suivants : « war – ist et wird ». Des vidéos passées dans le programme « Gemini » défilent inlassablement sur de grands écrans d’ordinateur. C’est ainsi que l’on revoit l’échographie des jumeaux Sieglinde et Sigmund (parents de Siegfried) et la naissance de Siegfried. Le défilé de blouses blanches, de salopettes blanches et noires, les nombreux câblages… tout cela devient récurrent, lassant et ennuyeux (plusieurs personnes ont d’ailleurs quitté la salle avant la fin du 1er acte).

Comme dans toute science-fonction, le public est confronté à des moments hors du temps et surtout hors du livret de Wagner, et aussi d’humour noir. Fafner accroché à de nombreux tubes, crée des clones de Freiea qui sortent de gros réservoirs de refroidissement, puis tombent, se relèvent et rampent jusque chez Fafner qui tel un vampire suce leur sang… carrément horrible à voir.

04 siegfried gp c Kaufhold 0576
c_Kaufhold

Une idée intéressante qui tient la route : celle du jeu d’échecs avec ses pièces noires et blanches, déjà présent dans l’Or du Rhin et la Walkyrie. Il symbolise le conflit intellectuel entre Wotan, devenu « Wanderer » et le père des Dieux, à la fois cynique et distant. C’est le fameux « Wotan Control ».

Après la mort de Fafner, Siegfried libéré peut enfin comprendre la voix de l’oiseau, chanté par Bettina Marie Bauer et qui avec son partenaire ressemblent étrangement aux parents de Siegfried qui évoluent dans un monde virtuel apparemment… paradisiaque.

La confrontation de Wotan avec Erda, branchée de tuyaux d’où jaillit une fumée, est formulée par des sons agités et excités. Pourtant, Erda bien que suspendue à des tubes, est vibrante d’émotion, attirante dans sa tenue noire et blanche (encore).

siegfried khp c Kaufhold 2099
c_Kaufhold

Quant au réveil de Brünnhilde par Siegfried, on est loin du rocher entouré du cercle de feu. Elle aussi sort d’une cabine de refroidissement, puis découvre sur le jeu d’échecs la figure de son cheval préféré Grane avant d’apercevoir Siegfried.

Dans cette mise en scène, aux longueurs interminables et où il ne se passe pas grand-chose, sinon des robots-clones qui circulent sans arrêt avec leur « i-pad », on ressent cruellement le manque d’émotion et la soif de compensation du vide intérieur.

Heureusement le plateau vocal sauve ce « cyber Siegfried », chanté par le ténor allemand Tilmann Unger, qui a accepté le rôle-titre dans un délai court avant les représentations. Il incarne durant la première partie un Siegfried au charme juvénile, très crédible, avec une belle voix, une diction parfaite, mais qui au fur et à mesure, se fatigue et devient moins convaincant. On est loin du « Helden Tenor » de Klaus Florian Vogt, mais il est vrai qu’il n’a pas été particulièrement servi par cette mise en scène où l’intelligence artificielle prend de plus en plus le contrôle de la vie.

Paul McNamara campe un Mime parfaitement idiomatique, tantôt victime tétanisée, tantôt fourbe, au timbre bien sonore .

Simon Bailey est remarquable dans le rôle du Wanderer, prisonnier de ses contradictions et des évènements. Son interprétation tout en délicatesse, faite à la fois de retenue et d’autorité confirme que Baley est l’un des meilleurs titulaires actuels de ces deux rôles (Wotan et le Wanderer).

Werner Van Mechelen donne à Alberich son épaisseur et il est à la fois nigaud et manipulateur.

Markus Jaursch campe un Fafner d’envergure et de noirceur, diabolique et vampire.

Les voix féminines brillent par leurs performance et beauté. Dans le rôle d’Erda, Melissa Zgouridi nous a éblouit par sa voix large, au timbre velouté et en pleine maîtrise de son instrument.

Aile Asszonyi a chanté avec bravoure le rôle de Brünnhilde avec des nuances riches et chaudes en couleur. Son timbre magnifique dégage une grande sensibilité et un bel épanouissement vocal.

Le « Waldvogel » est interprété avec beaucoup de délicatesse par la soprano Bettina Maria Bauer.

Le chef français Sébastien Rouland, à la tête du Saarländische Staatsorchester a accompagné les chanteurs d’une manière sensible, dirigeant cette 2e journée du Ring avec chaleur et conviction. Sébastien Rouland connaît bien la musique de Wagner, mettant sans cesse en valeur les cuivres chantants, les bois luxuriants et les cordes de « velours ».

Le succès de ce « Siegfried » tient davantage à cette interprétation intense de la musique de Wagner qu’à la mise en scène où l’IA prend le contrôle de tout. On craint pour le dernier jour du Rhin :  le Göttedämmerung.

Marie-Thérèse Werling
28 février 2025

Direction musicale : Sébastien Rouland

Mise en scène : Alexandra Szemerédy et Magdolna Parditka

Siegfried :Tilmann Unger

Mime : Paul McNamara

Der Wanderer : Simon Bailey

Alberich : Werner Van Mechelen

Fafner : Markus Jaursch

Erda : Melissa Zgouridi

Brünhilde : Aile Asszonyi

Waldvogel : Bettina Maria Bauer

Saarländisches Staatsorchester 

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.