L’approche des fêtes de fin d’année 2025 réserve une excellente surprise, grâce au nouveau CD du ténor bavarois Richard Resch. Accompagné par l’Ensemble La Silla, cet artiste d’une grande finesse a su composer un programme de chants de la Nativité s’éloignant avec une vraie intelligence des éternels « Minuit, Chrétiens » et autres pages dites incontournables. Bref, un parcours attractif et de haut niveau …
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La vie de chanteur – comme toute vie – réserve parfois des moments peu agréables. L’excellent ténor bavarois Richard Resch en a fait l’expérience en mai 2025, lors de l’enregistrement – à Berlin – du CD dont il est traité dans le présent article. Réalisé avec l’Ensemble « La Silla », il aura eu pour particularité que son protagoniste principal – Richard Resch – ait souffert d’un fort refroidissement durant six jours de travail dans l’Église commémorative de l’Empereur Guillaume. Mais le vocaliste a fait contre mauvaise fortune bon cœur, s’opposant avec détermination à une adversité à tout le moins déplaisante. Chanter avec une température de près de quarante degrés en gardant un niveau artistique élevé suscite l’admiration.
Le CD en question, publié chez Carpe Diem Records, est à même de constituer un superbe cadeau de Noël. Il réunit en effet des chants liés à la Nativité. Mais il ne rassemble pas – signe de créativité – des classiques du genre comme « Adeste, Fideles », « Il est né le divin enfant » ou encore « O Tannenbaum ». Les admirateurs de compilations à la façon de Luciano Pavarotti ou de Peter Schreier sont sûrement étrangers aux choix de Richard Resch. Pour lui, la curiosité se trouve être la compagne de l’art de l’interprétation. Les chants de Noël ici rassemblés s’étendent du 17ème au 20ème siècle. Signés Buxtehude, Byrd ou Britten, ils utilisent l’allemand, le français, l’anglais et l’arabe. Cette dernière langue est employée dans un trope byzantin ancien, toujours en usage dans la liturgie chrétienne du Proche-Orient. Il célèbre l’arrivée du Christ comme l’apparition de la lumière, se trouve rendu de manière magistrale par Richard Resch, suscitant ainsi notre compassion à l’égard des communautés chrétiennes de la zone s’étendant jusqu’à Bagdad. On sait qu’elles sont victimes d’un fanatisme sanguinaire.
La compassion, justement. L’album de Richard Resch s’ouvre et se ferme sur des séquences liées au destin terrible de l’Allemagne entre 1933 et 1945. La première utilise un texte de Jochen Keppler (1903-1942), mis en musique par Johannes Petzold (1912-1985). Théologien, romancier et poète, Keppler se suicida avec son épouse d’origine juive pour échapper à la déportation. Ses mots célèbrent la victoire de la Nativité sur les ténèbres de la haine. L’ultime séquence du CD fait appel à une page du compositeur Otto Abel (1905-1977), écrite sur un texte de Dietrich Bonhoeffer (1906-1944). Ministre du culte luthérien et opposant absolu à la terreur hitlérienne, il fut assassiné par les nazis dans un camp de concentration. Le grand chef d’orchestre Christophe von Dohnányi (1929-2025) était le neveu de Bonhoeffer, poète de la présence divine s’étant manifestée à Bethléem. On est ici dans une expérience de la souffrance, étrangère aux vitraux sonores fabriqués à la même époque par le jeune Olivier Messiaen. Il ne fut jamais au nombre des persécutés.
La lecture du monde propre à Richard Resch se manifeste par une spiritualité à la fois intrinsèque et acquise au cours de ses études au Lycée musical de Ratisbonne, intégrant le célèbre chœur d’enfants nommé « Moineaux de la cathédrale ». Son directeur fut longtemps Mgr. Georg Ratzinger (1924-2020), le frère du Pape Benoît XVI. Une telle formation est à l’origine de la diction très soignée de Resch, tout comme de sa précision en matière d’intonation. En outre, la restitution impeccable des pages de musique ancienne – intégrant l’Ensemble La Silla – du CD atteste du séjour du ténor à l’excellente Schola Cantorum de Bâle, autre établissement d’enseignement très recherché. Avec un parcours de ce type, le refroidissement de Richard Resch passe inaperçu. Il l’habille – pour notre complète délectation – de couleurs parfois barytonantes.
Dr. Philippe Olivier
