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Rencontre avec Valeria Sepe, une artiste prudente dans sa carrière mais à suivre de près…

Rencontre avec Valeria Sepe, une artiste prudente dans sa carrière mais à suivre de près…

mercredi 1 janvier 2025

©Leonardo Marciano

Née à Naples, Valeria Sepe a remporté, en 2016, le prix « Oscar lyrique » du meilleur soprano de la nouvelle génération. Après avoir décroché son diplôme du Conservatoire G.F. Ghedini de Cuneo avec le maximum de voix et de félicitations, la jeune artiste s’est perfectionnée auprès de Raina Kabaivanska. Après avoir débuté sa carrière dans les principaux théâtres de la Péninsule (Florence, Palerme, Parme, Vérone, Naples et Rome) puis, successivement, sur quelques-unes des grandes scènes internationales, Valeria Sepe a eu très vite l’occasion de travailler avec des chefs d’orchestre de l’envergure de Zubin Mehta, Michele Mariotti, Daniel Oren, Renato Palumbo, dans des mises en scène signées Franco Zeffirelli, Pier Francesco Maestrini, Ferzan Ozpetek, Davide Livermore ou David Mc Vicar.

Parmi les productions au sein desquelles elle a obtenu un grand succès personnel, on peut citer ses interprétations de Liù, pour l’ouverture 2019 du teatro Massimo de Palerme, Mimi à l’Opéra de Sydney, à Parme et à Catania, Nedda à l’arène de Vérone et à Rome, Micaëla au Mai Musical Florentin, Leonora (Il Trovatore) à Tokyo, Desdemona à Hong Kong…

Ces derniers mois, Valeria Sepe aura été Cio-Cio-San dans Madama Butterfly au teatro San Carlo de Naples et au festival de Torre del Lago, Margherita et Elena dans la nouvelle production de Mefistofele signée Simon Stone à Rome, Tosca dans le spectacle de Marina Abramovic Les sept morts de Maria Callas à Naples, Adriana Lecouvreur au Liceu de Barcelone. Elle vient de participer à la tournée de concerts organisée dans le cadre du centenaire de la mort de Giacomo Puccini aux côtés du ténor Jonas Kaufmann.

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©Leonardo Marciano

Le public monégasque et français vous a découverte au Grimaldi forum à l’occasion du Gala Puccini donné aux côtés de Jonas Kaufman. Même si vous êtes une jeune artiste, vous êtes pourtant loin d’être une débutante dans le métier ! L’Italie, l’Espagne mais aussi l’Australie et le Japon comptent parmi les lieux où vous vous êtes déjà produite. On peut dire que de bonnes fées se sont penchées sur votre berceau ? Comment en êtes-vous arrivé là et quelles sont les personnalités artistiques qui, à ce jour, ont le plus influencé votre parcours ?

Je pense que l’étude est à la base de toute la construction d’une carrière. Sans elle, on n’arrive pas à grand-chose ! Ce qu’on appelle le talent, à l’origine, un chanteur n’en prend guère la mesure sauf peut-être parce que, vu de l’extérieur, quelqu’un nous le fait remarquer…mais, de l’intérieur, la découverte de mon instrument a nécessité un travail en profondeur ! C’est bien différent de la visibilité musicale que confère le jeu d’un pianiste, d’un violoniste ou d’un violoncelliste ! Avec le chant, c’est vraiment tout un monde qui est à découvrir puisqu’il s’agit ici non seulement de notre voix mais également de notre corps et de notre âme… Comme j’aime souvent à le dire, c’est un peu comme si l’on se retrouvait devant un bloc de marbre brut qu’il faille travailler et auquel on doive se consacrer par l’étude d’un répertoire adapté.

J’ai effectivement eu la chance immense de croiser sur mon chemin la grande Raina Kabaivanska qui est, pour moi, comme une étoile. Avec elle, c’est tout un travail technique que j’ai amorcé voilà plusieurs années et qui continue encore ! Ainsi, je n’aurais pas l’orgueil de dire : « Je suis arrivée ! » mais seulement  « Je suis ! » car, sans cela, on perd la notion de recherche et d’étude, ce qui pour moi est capital. Chaque fois que je suis sur scène pour y être Mimi ou pour y être Liù, je recrée un personnage qui ne se termine pas avec ma seule étude de celui- ci mais qui va être amené à évoluer grâce à l’angle de vision différent d’un chef d’orchestre ou d’un metteur en scène. Le public verra sans doute, avant tout, la chanteuse sur scène mais, en ce qui me concerne, je me sens surtout comme l’instrument d’un travail collectif de longue haleine : c’est ce qu’il y a de plus beau dans la musique !

Je pense sincèrement qu’à partir du moment où l’on vit un personnage, il devient réel ! C’est d’ailleurs ce qui rend la version de concert plus difficile pour vivre l’évolution toute entière du personnage. Personnellement, j’ai besoin d’entrer dans la psychologie du personnage : c’est ce qui rendait, au début, mon approche de Madama Butterfly difficile puisque je me mettais à pleurer… dès l’ouverture de la partition (rires) ! Puis, progressivement, j’ai compris qu’il me fallait réfléchir avec la mentalité du personnage, comprendre ce qui se passait dans la tête de celui-ci et non dans la mienne.

Bien évidemment, parmi les autres personnalités qui m’ont profondément marquée, c’est sans doute un lieu commun que de dire que Maria Callas est l’artiste qui a véritablement mis le chanteur au centre de la scène ! C’est tout de même extraordinairement magique de parvenir à mêler à ce point le chant à la théâtralité, comme peuvent le laisser transparaître les quelques extraits vidéos de cette interprète hors-catégorie qui sont parvenus jusqu’à nous. Kabaivanska – qui avait travaillé avec Callas – savait faire, elle aussi, d’un simple mouvement de robe, dans Tosca, un acte théâtral ! Mais j’adore aussi Mirella Freni, Maria Chiara, Renata Scotto !!

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©Leonardo Marciano

Comment qualifieriez-vous l’évolution de votre voix ? Vous avez à votre répertoire Mimi et Liù et vous chantez, en concert du moins, de larges extraits de Tosca et de Manon Lescaut : votre tessiture vous prédispose-t-elle aux grands rôles de soprano lyrique ?

Je me qualifie comme un pur soprano lyrique qui, effectivement en concert pour le moment, peut chanter Tosca ou Manon Lescaut mais je souhaite respecter l’évolution de ma voix. Par exemple, si j’ai pu aborder sur scène à la fois Margherita et Elena de Mefistofele qui sont deux rôles aux tessitures vocales différentes – lyrique pour le premier, plus spinto pour le deuxième – c’est parce que je ne me suis jamais sentie mal à l’aise dans Elena, pas même dans les graves de son air… . C’est sans doute là une conséquence de mes années d’étude au Conservatoire où je travaillais un répertoire de mezzo belcantiste (rires).

Dans le répertoire puccinien, j’adore développer ce concept particulier de « chant dans la conversation », qui nécessite, au-delà des notes, un goût et une aptitude pour la musicalité, pas toujours facile à trouver…. Je me sens, de fait, très proche de cette conception si puccinienne du chant.

D’une façon plus générale, dans tout ce répertoire du tournant du siècle (Puccini et la Giovane Scuola….), je me sens totalement à mon aise du fait d’une théâtralité peut être plus forte que celle que je pourrais trouver chez d’autres compositeurs … . Par exemple, quand je chante Nedda – en particulier dans la production d’I Pagliacci de Franco Zeffirelli où j’ai eu la chance de souvent être distribuée -, chaque geste est étudié, dirigé, pour répondre à ce sens de la théâtralité extrême…et en plus, l’air Stridono lassù est un véritable bonheur vocal !

Vous avez eu l’occasion de chanter Micaëla dans Carmen. Est-ce à dire que vous aimeriez chanter davantage dans notre langue ?

J’adore les ouvrages français et j’ai déjà eu l’occasion en concert de chanter l’air de Sapho « Ô ma lyre immortelle ! ». Le rôle-titre de Mignon me plaît également beaucoup et je l’ai étudié au Conservatoire.

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©Leonardo Marciano

Le constat est de plus en plus évident de l’impérieuse nécessité de renouveler l’auditoire des théâtres lyriques et, en particulier, de faire en sorte que l’Opéra se tourne davantage vers le jeune public. Quelle est votre point de vue sur cette question ?

Les jeunes ont aujourd’hui tellement d’alternatives culturelles que ce n’est pas évident de les faire aller à l’Opéra : c’est un fait. Il est donc fondamental d’éduquer les jeunes à l’écoute de l’opéra et le rôle de l’école est essentiel ici puisque les enseignants sont en contact régulier avec les attentes manifestées par leurs élèves. Amener ainsi les élèves dans les théâtres, c’est, à une toute petite échelle, contribuer à créer le futur public mais aussi les artistes lyriques de demain ! Je crois sincèrement que plus on arrive à créer des liens entre les écoles et les théâtres d’opéras, plus on pourra se féliciter de faire découvrir aux jeunes la notion de spectacle vivant. En outre, je pense que la multiplication des réseaux sociaux peut permettre à tous les artistes lyriques d’aujourd’hui d’arriver jusqu’aux jeunes et c’est aussi une étape fondamentale ! Personnellement, j’ai du me mettre à apprendre cette nouvelle forme de langue – en particulier via Instagram, réseau social moins polémique selon moi – pour mieux percevoir les exigences de ces nouvelles générations. Il faut donc encourager toutes les formes d’initiatives pour favoriser la venue dans les théâtres des enfants et développer, depuis tout petit, leur sens de l’écoute. Aujourd’hui, dans un monde dominé par les téléphones portables où tout va très vite , retrouver ce sens de l’audition « réelle », et sur un laps de temps plus ou moins long, n’est pas chose évidente : il faut pourtant impérativement arriver à stimuler la curiosité de nos jeunes ! On doit donc essayer de rendre l’Opéra beaucoup plus stimulant, en expliquant par exemple que, même si l’on connaît l’histoire de tel ou tel ouvrage, on va aller l’entendre dans de nouveaux costumes, avec une direction et une scénographie différentes…. En outre, je pense qu’il faut trouver de nouvelles clefs d’expression pour parler d’Opéra avec des jeunes. Par exemple, dans un ouvrage relativement contemporain comme  Napoli milionaria ! de Nino Rota, on peut tout à fait expliquer que ce qui est raconté pourrait se produire aujourd’hui exactement sur un mode similaire… De même, pour La Bohème qui peut directement parler à des ados, quel que soit leur âge, car chacun peut s’identifier à un personnage et comprendre parfaitement, dans les derniers moments de l’ouvrage, ce qu’est la douleur de l’absence…

Quels sont les rôles que vous aimeriez aborder ?

Je crois qu’il faut laisser l’évolution naturelle de ma voix, foncièrement lyrique, décider de cela (rires) !

Il me faut sans doute encore un peu de temps avant de pouvoir aborder Tosca ou Manon Lescaut et c’est l’étude intense de ces rôles qui me permettra progressivement de m’identifier vocalement à eux.

Aujourd’hui, je me concentre avant tout sur Cio-Cio-San, un rôle rêvé que je vais de nouveau incarner à Catania, en avril 2025.

Propos recueillis à Naples en décembre 2024 et traduits de l’italien par Hervé Casini

 

The credits:
@krissbaronemakeupartist
@leonardo__marciano
@gennymattpro
@cosimosassano
Artdirector/makeup/edit: @krissbaronemakeupartist
Ph: @leonardo__marciano
Hairstylist: @cosimosassano
Makeup Assistant: @gdc_mua
Posing: @gennymattpro
Skincare: @nobilibellezze_carmen_barone
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