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Rencontre avec Sophie Tournier à propos de l’écriture de sa pièce « Le Fruit le plus grand »

Rencontre avec Sophie Tournier à propos de l’écriture de sa pièce « Le Fruit le plus grand »

mercredi 26 mars 2025

©DR

Sophie Tournier, vous venez de faire paraître aux Éditions l’Harmattan, une pièce de théâtre sous le titre Le Fruit le plus grand. S’agit-il de votre première pièce ?

C’est ma première pièce éditée. J’ai une compagnie de théâtre à Nice et je monte des spectacles à partir de textes poétiques ou dramaturgiques que j’écris mais avec Le Fruit le plus grand, je franchis une autre étape. On va pouvoir me lire. Et c’est une grande joie.

Pourquoi avoir choisi le mythe de Sisyphe comme thématique ?

Je n’ai pas choisi le sujet. Mon fils, qui me voyait un peu me perdre dans mes poèmes, m’a demandé pourquoi je n’écrivais plus de théâtre. J’étais en mal d’inspiration. C’est lui qui a lancé le sujet. Je me souviens très bien lui avoir répondu, que je n’avais rien à dire dessus. Mais il était obstiné comme je l’avais été moi-même dans ma jeunesse, fascinée par l’image de Sisyphe poussant son rocher au sommet de la montagne. Ce mythe un peu oublié était toujours vivace dans l’imaginaire de la jeunesse. Je me suis prise au jeu de ce que je pourrais en dire et comment le théâtre pouvait s’y retrouver.

Comment vous sont venues ces trois histoires qui constituent la pièce ? Vous avez donc lu beaucoup autour pour écrire sur Sisyphe ?

La pièce est composée de trois histoires en effet, qui sont indissociables et qui explorent le mythe. Il y a le récit mythologique. Sisyphe, roi de Corinthe, se mesure aux dieux. Pour avoir trahi Zeus qui a capturé la nymphe Égine, il est envoyé aux Enfers, mais au cours de multiples péripéties il échappe à la mort par deux fois. La vengeance des dieux est celle qu’on connaît. Il est condamné à pousser éternellement un rocher au sommet d’une montagne, rocher qui redescend à peine est-il arrivé en haut. C’est un travail forcé à perpétuité. Voici la première histoire qui en croise une autre. Celle de Césaire et Meryl qui se sont installés, de nos jours, sur une petite île grecque du nom d’Erémia. Ils ont acheté une carrière et font face à l’adversité des gens de l’île. Que cachent-ils ? pourquoi sont-ils là ? Et puis, entre ces personnages d’hier et d’aujourd’hui, il y a le récit d’un montagnard qui a fort à faire avec un rocher qui chaque soir redescend de la montagne…

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C’est un travail documenté, imaginaire ?

Au départ et même tous les jours, je suis partie d’une page blanche et sans savoir ce que j’allais écrire. Un fil d’écriture. Et j’ai accumulé beaucoup de matériaux, d’histoires, de bouts de dialogues. Je n’avais pas de construction préalable du texte. Mais peu à peu, mes interrogations, toutes les questions que je me posais se sont rejointes à travers des histoires que j’avais plus de plaisir à suivre que d’autres. L’histoire de Césaire et Meryl par exemple questionne elle-aussi le sens de la vie. Que peut-on espérer, savoir du pourquoi nous sommes là ? C’est quoi la liberté, le bonheur, la vie ? Des grandes questions qui m’ont poursuivie. Et lorsque j’écrivais les récits du montagnard, c’était du rocher que j’avais envie de parler. Et d’ailleurs, il parle dans la pièce ou il ne parle pas, mais gardons le mystère.

Vous avec écrit une pièce longue et dense ?

Le sujet est si vaste. Oui, pas moins de 17 personnages, mais qui peuvent être réduits à 6 ou 7 comédiens, des lieux différents, des époques. Je ne me suis pas censurée mais j’ai voulu écrire quelque chose de « grand » et de romanesque qui embrasse notre condition d’être humain. Ce qui m’a intéressé c’est les liens qu’on peut faire entre les grands mythes qui racontent quelque chose de l’origine du monde et notre petite histoire, celle de gens ordinaires qui cherchent tout simplement à vivre. Il me semblait que tout était lié à travers l’espace et le temps. Les questions d’aujourd’hui étaient celles d’hier et comment trouver des réponses à cette angoisse de savoir qui nous sommes et si nous avons un destin.

Il y a des styles d’écriture totalement différents selon les histoires de la pièce, c’est voulu ?

Quand j’écrivais les scènes mythologiques, il me venait souvent un esprit facétieux. Il y a des scènes drôles entre les dieux et Sisyphe,  personnage rusé, à la manière quelquefois d’un Scapin quand il se joue des dieux. Mais il y a aussi un chœur antique. Le style est complètement différent quand j’écris sur les personnages de la partie Erémia, plus dramatique, peut-être, et une façon de parler propre à certains personnages comme Sofia, la fille qui tient le bar de l’île. Et enfin, les monologues du montagnard sont un peu comme des récits de roman.

Si vous étiez l’un de vos personnages, Sofia peut-être alors ?

On pourrait s’imaginer que je suis le personnage central de Sofia, la fille derrière ce bar lieu de rencontres et de tensions où beaucoup de scènes prennent vie. Mais non, je les porte tous en moi, et je les aime avec leur grandeur et leur bassesse. Sinon comment les écrire ? Même Zeus, qui est effroyable en vérité.

Pourquoi le titre ?

Je cherchais quelque chose en lien avec Sisyphe, son goût de la liberté qui est orgueil, qui se surestime et se considère au-dessus des autres, au-dessus des dieux même. Car ce personnage est caractérisé par l’hubris, la démesure qui entraîne sa perte. Et voilà que je tombe (fruit du hasard ?) sur une citation d’Épicure « le fruit le plus grand de la suffisance à soi-même : la liberté », citation qui colle parfaitement au personnage. Je m’en suis inspirée pour le titre.

Et je voudrais mentionner que l’image de couverture du livre, qui représente les montagnes, et si on regarde minutieusement le dessin, la grotte aux corbeaux et la carrière, est un dessin à l’encre de chine de l’artiste Werner Pfarr qui m’a fait la joie de cette illustration.

Une dernière question, allez-vous monter cette pièce avec votre compagnie ?

Non car j’ai une petite structure qui n’a pas les moyens de créer la pièce. Mais je souhaite évidemment que ces personnages s’incarnent et prennent vie et que le texte voyage, loin. Bien sûr que cette pièce est écrite pour être représentée. Et j’espère que quelque part, en France, un metteur en scène, en tombe amoureux avec l’envie de conduire ce projet.

Sophie Tournier est niçoise. Elle est dramaturge, metteure en scène, comédienne et directrice de compagnie. Elle monte des spectacles à partir de textes qu’elle écrit, drames, récits, poésies. Ses pièces font l’objet de lectures publiques et bénéficient d’aides à la création. Le Fruit le plus grand est sa première pièce éditée.

Propos recueillis par Christian Jarniat

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Rencontre autour du livre et du mythe de Sisyphe, animée par Elisabeth Blanc, le mercredi 26 mars à 19h15 à la librairie Les journées suspendues, 23 avenue Borriglione – Nice.

Des extraits de la pièce seront lus par la comédienne Bénédicte Allard.

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