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Rencontre avec Benoît Bénichou : A propos de La Veuve joyeuse à l’Opéra de Nice

Rencontre avec Benoît Bénichou : A propos de La Veuve joyeuse à l’Opéra de Nice

samedi 4 décembre 2021
 Photo : Julien Benhamou/Ground Control Champs-Elysées 

Quelle a été votre formation ?
Natif de Nice où résident mes parents, j’ai découvert l’opéra à l’âge de 7 ans à l’occasion d’une représentation de La Flûte Enchantée. Je suis entré dans le chœur d’enfants de l’Opéra où j’ai rencontré le Directeur Général actuel Bertrand Rossi. J’ai aussi entrepris des études de musicologie, de piano au Conservatoire puis pris des cours de chant à Paris. J’ai d’ailleurs interprété sur scène avec une tessiture de ténor des ouvrages de Rossini comme l’Italienne à Alger ou Le Voyage à Reims et d’Offenbach comme La Belle Hélène ou encore Barbe Bleue. Plus récemment, j’ai poursuivi une formation à l’École Internationale de théâtre Jacques Lecoq. 

Votre activité actuelle réside pour l’essentiel dans la mise en scène ?
J’ai commencé en effet, dans les années 2010. J’ai monté L’Heure Espagnole de Ravel pour le Conservatoire National Supérieur de Lyon. A Montpellier j’ai mis en scène La Chauve-Souris pour le Festival Folies d’O, puis à l’Opéra de Montpellier Geneviève de Brabant d’Offenbach et L’Étoile de Chabrier. J’ai aussi travaillé avec l’Opéra National de Lorraine pour Trouble in Tahiti de Bernstein et L’Enfant et les sortilèges de Ravel ainsi qu’avec le Théâtre de Caen. Il y a un an, j’ai monté Croesus de Reinhard Keiser au Théâtre de L’Athénée à Paris.

Quelle est votre conception de La Veuve joyeuse ?
Le principal handicap de cet ouvrage est sa version française qui est relativement éloignée de la version originale viennoise. A vrai dire, le texte français est assez inintéressant et infidèle à l’original et manque de force et les personnages sont mal cernés psychologiquement. Cette version est essentiellement « décorative » et au bout du compte ne raconte pas exactement l’histoire écrite par les librettistes autrichiens Victor Léon et Léo Stein. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé un nouveau texte en français à partir de la version viennoise en langue allemande en réduisant les dialogues parlés au minimum (la version française est inutilement bavarde) et j’ai bien entendu aussi traduit l’ensemble des parties chantées. Je ne prendrai qu’un seul exemple : le duo de l’acte III « Heure Exquise » est non seulement incompréhensiblement inversé dans les répliques Danilo/Hanna dans la traduction française mais comporte des aberrations à double sens quelque peu vulgaires (« Le gazon glisse et l’air est doux/Et la brebis te dit je t’aime loup »), c’est tout simplement absurde alors même que les deux protagonistes se disent « Je t’aime » pour la première fois.
J’ai aussi souhaité dans ma version introduire l’unité de temps (tout se passe en une seule soirée) et l’unité de lieu (l’Ambassade du Pontévédro). Faut-il rappeler en outre que dans l’original viennois l’acte chez Maxim’s n’existe pas et qu’il s’agit en réalité d’une fête organisée par l’héroïne ? Ce qui m’intéresse surtout c’est de raconter l’histoire d’amour entre Danilo et Hanna de manière cohérente, logique et avec une dramaturgie et un langage plus proche de notre sensibilité d’aujourd’hui en faisant table rase de nombre de scènes comiques qui ne font nullement avancer l’histoire. Au deuxième acte, j’ai supprimé le dialogue redondant entre Missia et Danilo pour ne conserver que la musique du kolo et de la valse, avec la projection d’une vidéo qui rappelle les moments heureux de la première rencontre entre Danilo et Hanna, tandis qu’en transparence les deux protagonistes assistent en témoin à leurs souvenirs.

Comment avez-vous traité l’épilogue de cette histoire ?
En fait je l’ai simplifié : Danilo est furieux car il pense qu’Hanna l’a trahi avec Camille. S’ensuit une dispute et tous les personnages se séparent. De dépit, Danilo tombe raide dans les escaliers et s’endort. Il a un cauchemar qui est illustré par des grisettes entièrement vêtues de blanc, parmi lesquelles se trouve Valencienne qui est la seule avec laquelle il n’a jamais eu d’aventure et qui ébauche une sorte de danse sexuelle sur son corps. Cette sorte de « harcèlement » constitue chez lui un déclencheur qui va lui permettre de demander à Hanna de lui pardonner et de lui dire enfin « Je t’aime ».

Quel est le rôle des femmes dans cet ouvrage ?
Dans La Veuve joyeuse les hommes sont singulièrement misogynes. C’est la raison pour laquelle dans le septuor particulièrement acerbe des hommes à l’encontre de la gent féminine, j’ai fait intervenir des femmes qui viennent faire contrepoids par de légitimes revendications et tout se termine par une sorte de bagarre générale. D’ailleurs à la fin de l’ouvrage, cette révolte des femmes connaît une issue : elles prennent toutes l’avion et abandonnent leurs maris ou compagnons, à l’exception de Hanna, qui part avec Danilo (et adieu les millions pour la Principauté !). Quant à Valencienne, elle donne libre cours à son attirance pour Camille et s’enfuit également avec lui.

Un mot des décors et des lumières 
J’avais déjà quelques idées de mise en scène mais j’ai proposé une sorte de challenge à l’Opéra de Nice : « Montrez-moi ce que vous avez dans votre stock de décors et cela conduira ma scénographie ». C’est ainsi que nous avons récupéré un immense escalier volontairement dégradé (des Noces de Figaro), une terrasse bosselée (de Roméo et Juliette) et un immense sol orné (de Peter Grimes) qui ont fini, une fois assemblés, par constituer l’Ambassade en ruines (n’oublions pas que la crise économique sévit en l’occurrence dans la Principauté du Pontévédro et que les caisses de cet état sont vides).
Nous avons ensuite travaillé de concert avec Mathieu Cabanes, chargé des éclairages, lequel a monté une véritable « scénographie lumineuse » à la fois moderne et également un clin d’œil au « show » (n’oublions pas qu’Hanna est ici une vedette du cinéma hollywoodien). J’ai voulu aussi que ce spectacle soit « interactif ». C’est ainsi que les spectateurs sont en fait, les invités de la fête à l’Ambassade. Le Baron Zeta arrive en limousine devant l’Opéra accompagné de Valencienne et ils accueillent le public. Un certain nombre d’entrées comme celle d’Hanna se font de la salle avec traversée de l’allée centrale et pendant l’entracte aux divers étages de l’Opéra les grisettes donnent un mini concert à l’attention du public.

Quels sont votre actualité et vos projets ?
Je vais reprendre ma production de Didon et Enée de Purcell produit par l’Arcal et ce, à l’Opéra Grand Avignon et à l’Opéra de Reims. Je dois aussi mettre en scène Noye’s Fludde (l’Arche de Noé) à Caen et je retournerai l’été prochain au Festival de Gstaad en Suisse pour La Flûte enchantée. Enfin, je viens de faire l’acquisition d’un théâtre de 200 places à Béziers que je suis en train de réhabiliter avec un certain nombre de travaux pour y accueillir non seulement du théâtre parlé mais aussi des concerts.

Quel est votre rêve ?
Monter la Tétralogie de Wagner

Propos recueillis par Christian Jarniat

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