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Puccini, une biographie musicale et Le Villi, un concert de l’Orchestre de la Radiodiffusion munichoise

Puccini, une biographie musicale et Le Villi, un concert de l’Orchestre de la Radiodiffusion munichoise

dimanche 13 octobre 2024

Kang Wang, Anita Harting, Ivan Repušić, Boris Pinkhasovich  et Stellario Fagone ©Luc-Henri Roger

En ouverture des traditionnels concerts dominicaux de la saison 2024/25, l’Orchestre de la Radiodiffusion munichoise (Münchner Rundfunkorchester) a proposé au Prinzregententheater un double programme spécialement consacré à Puccini, dont on commémore cet automne le centenaire du décès, survenu à Bruxelles le 29 novembre 1924. La première partie était consacrée à une biographie musicale du compositeur, — ses débuts à l’opéra et sa carrière mondiale, — racontée par Udo Wachtveitl et accompagnée d’extraits de ses œuvres les plus connues. En deuxième partie, on a pu entendre Le Villi, la première œuvre scénique de Puccini, avec Anita Hartig, Kang Wang et Boris Pinkhasovich dans les rôles solistes. L’orchestre et le chœur sont placés sous la direction d’Ivan Repušić, le chef d’orchestre principal du Münchner Rundfunkorchester. 

La soprano roumaine Anita Hartig a été membre de la troupe de l’Opéra d’État de Vienne et a incarné Mimi dans La Bohème, notamment à l’Opéra d’État de Bavière, au Metropolitan Opera et au Semperoper. Le ténor australo-chinois Kang Wang est l’un des jeunes ténors lyriques les plus demandés dans le monde de l’opéra. Cette saison, il sera notamment le Macduff de Macbeth à Washington, le Pinkerton de Madama Butterfly à la Canadian Opera Company, l’Alfredo de La Traviata et le Rodolfo de Luisa Miller. Boris Pinkhasovich se produit régulièrement à la Bayerische Staatsoper. Le baryton russo-autrichien s’est également produit à l’Opéra d’État de Vienne, au Festival de Salzbourg et à la Scala de Milan.

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Udo Wachtveitl, Ivan Repušić, Münchner Rundfunkorchester©Luc-Henri Roger

Biographie musicale de Puccini, 

L’histoire de la vie de Puccini narrée par Udo Wachtveitl est captivante. L’acteur, bien connu du public allemand pour être depuis 1991 un des plus fameux commissaires enquêteurs de la série télévisée Tatort (Le lieu du crime), est aussi passionné de musique. Il est la voix principale de la série des biographies musicales audio de Jörg Handstein diffusées et publiées en CD par BR-KLASSIK, dont une nouvelle édition est annoncée pour le printemps prochain. Udo Wachtveitl a évoqué, sans épargner les côtés plus sombres de la personnalité du compositeur, le parcours musical et amoureux de Giacomo Puccini, ses débuts désargentés, son tabagisme de fumeur à la chaîne, ses séjours et sa villa de Torre del Lago, l’opulence financière et le goût du luxe après le succès de La Bohême, son machisme d’homme qui, au quotidien, déconsidérait les femmes tout en les magnifiant dans sa musique, — sauf sa mère qu’il adulait, — ses héroïnes vouées à des morts tragiques, sa mort douloureuse après l’opération du cancer à la gorge. 90 minutes passionnantes pendant lesquelles la narration alternait avec des extraits des opéras les plus célèbres du compositeur, de Manon à Turandot, que la mort du compositeur laissa inachevé. 

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Kang Wang et Anita Hartig©Luc-Henri Roger

L’orchestre, dirigé avec énergie par Ivan Repušić, fait merveille. Le chœur préparé par Stellario Fagone fait preuve d’une unisson et d’une maîtrise technique époustouflantes, particulièrement remarquées dans son air murmuré “A bocca chiusa” de la fin du deuxième acte de Madama Butterfly. On découvre l’élégance du timbre lumineux et chatoyant, aux clartés d’un bronze doré, du ténor Kang Wang, le soprano vibrant d’Anita Hartig, qui donne une bouleversante Suor Angelica dans la scène du suicide chantée avec une implication émotionnelle d’une rare intensité, les débuts en Scarpia du  baryton Boris Pinkhasovich qui rend admirablement la virilité haineuse et la prépotence abusive de son personnage.

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Boris Pinkhasovich ©Luc-Henri Roger

Le Villi

Giacomo Puccini est né à Lucca en 1858. Un de ses premiers biographes qui fut aussi son premier librettiste, le poète Fontana, a dit que la maison de Giacomo était une grande caisse harmonique, et que l’air y était saturé de notes de musique. C’est que Giacomo, issu d’une vraie famille de musiciens, avait de qui tenir. Par malheur, le pain quotidien ne se distribue pas aussi facilement que les leçons d’harmonie et la pauvreté aurait été un terrible obstacle à sa carrière si Giacomo n’avait obtenu de la reine Marguerite une pension qui lui permit de terminer ses études. C’est alors qu’il écrivit un Capriccio sinfonico qui attira sur son nom l’attention de la critique et du public. Puccini obtint de M. Fontana, qui s’inspira d’une nouvelle d’Alphonse Karr, son premier poème d’opéra, Le Villi, qu’il présenta sans succès, sans même obtenir de mention, au concours de l’éditeur Sonzogno, qui fut aussi le propriétaire du Teatro Lirico de Milan. Cependant, grâce à l’aide d’amis zélés, comme Boïto, Marco Sala, Litta et Trêves, l’opéra fut représenté en 1884 au Teatro del Verme de la capitale lombarde. Puccini n’avait pas encore vingt-six ans. Son sens inné de la mélodie parfaite en a fait le grand espoir de la scène lyrique italienne. Le Villi popularisèrent vite son nom. Partout où on les représenta, le succès couronna l’effort, si bien que la maison Ricordi lui commanda un autre ouvrage, Edgar, qui fut donné à la Scala en 1889 et qui confirma toutes les espérances conçues autour de lui.

La presse française, dont le Nîmes-journal, un journal qui se présente comme satirique, mondain, théâtral et financier, raconta en 1905 les circonstances de la composition des Villi : ” En 1905, Puccini, de passage à Londres, a fait à un journaliste du Daily Chronicle des confidences sur les quatre mois que durèrent la composition des Villi : il avoue que manger à crédit chez un empoisonneur et se serrer tous les matins la ceinture au lieu de déjeuner n’est pas agréable à son goût ni favorable à son hygiène. Ce n’est qu’un apprentissage ; il conduit souvent à la maîtrise. M. Puccini a aussi raconté à notre confrère ses débuts. Les compositeurs sont inépuisables sur ce sujet, même les plus grands, tous, ils nous ont analysé leurs sensations et leurs émotions de débutants, avec plus de complaisance parfois que de sincérité ; car tous les compositeurs portent en eux un « m’as-tu vu » qui ne sommeille pas toujours…

M. Puccini avec une modestie qui l’honore, s’attache plutôt à raconter ses déboires que ses succès. Quand il a fini son histoire avec son propriétaire, il nous conte tout au long celle de son restaurateur. Celle-ci n’est pas moins piquante que celle-là.

Son premier opéra Le Villi, qui fut joué à Milan en 1884 rapporta à M. Puccini 2.000 francs. Pendant les quatre mois qu’il avait passé à l’écrire, il avait été logé et nourri à crédit dans un petit restaurant appelé — était ce un présage ? — Aida. Comme il mangeait toujours sans jamais payer, le garçon l’unique garçon de l’Aida, le considérait avec mépris et le servait avec une lenteur désobligeante. Le patron de l’endroit lui-même ne semblait pas pénétré, à l’égard de son pensionnaire, de sentiments très sympathiques. Et M. Puccini, qui ne touchait qu’avec discrétion aux plats mal cuits de son hôtelier, méprisait son aubergiste et écrivait son opéra. Le Villi fut joué et le compositeur connut pour la première fois l’ivresse de palper des droits. Il courut chez son mastroquet et, d’une voix de stentor, réclama sa note. On la lui présenta ; il la régla d’un geste négligent et généreux. Alors, le mastroquet se récria, déclarant qu’il ne toucherait pas un centime, que M. Puccini (alors connu grâce à son opéra) devait continuer à prendre ses repas chez lui.

« Jamais de la vie, répliqua Puccini avec hauteur, je vous paye et jamais plus je ne mettrai les pieds dans votre boîte. Vous m’avez traité, c’est vrai, mais sans délicatesse. Vous m’avez hébergé sans grâce, et nourrit sans affabilité. Vous m’avez fait sentir le poids de ma misère. A mon tour de vous faire sentir mon opulence. »

Et ayant jeté avec un geste large les trois cents francs sur une table. M. Puccini s’en fut en faisant claquer les portes et sonner à ses talons d’imaginaires éperons…” in Nîmes-Journal du 22 juillet 1905

Puccini  a mis en musique de manière souveraine la légende terrifiante et belle d’un fiancé infidèle qui trouve la mort dans la danse endiablée des Willis, dont la légende avait été évoquée par le poète Henri Heine en 1835 dans De l’Allemagne, un livre essentiellement destiné au public français : « Dans une partie de l’Autriche, il y a une légende qui offre certaines similitudes avec les antérieures, bien que celle-ci soit d’une origine slave. C’est la légende de la danseuse nocturne, connue dans les pays slaves sous le nom de “willi”. Les willis sont des fiancées qui sont mortes avant le jour des noces, pauvres jeunes filles qui ne peuvent pas rester tranquilles dans la tombe. Dans leurs cœurs éteints, dans leurs pieds morts reste encore cet amour de la danse qu’elles n’ont pu satisfaire pendant leur vie ; à minuit, elles se lèvent, se rassemblent en troupes sur la grande route, et, malheur au jeune homme qui les rencontre ! Il faut qu’il danse avec elles ; elles l’enlacent avec un désir effréné, et il danse avec elles jusqu’à ce qu’il tombe mort. Parées de leurs habits de noces, des couronnes de fleurs sur la tête, des anneaux étincelants à leur doigts, les willis dansent au clair de lune comme les elfes. Leur figure, quoique d’un blanc de neige, est belle de jeunesse ; elles rient avec une joie si effroyable, elles vous appellent avec tant de séduction, leur air a de si doucettes promesses ! Ces bacchantes mortes sont irrésistibles. »

Ce fut pour beaucoup de spectateurs une soirée découverte de cet opéra rarement donné, dont les parties instrumentales sont fort importantes. Ivan Repušić, l’Orchestre et le Chœur de la Radio bavaroise transmettent la facture élégante, le lyrisme, les beautés mélodieuses et l’intensité tragique de cet opéra-ballet. Anita Hartig est attendrissante, charmante et ingénue en Anna, elle a les douceurs et la modestie de la plante printanière dans l’air des myosotis (“Se come voi piccina io fossi…Non ti scordar di mè”). Kang Wang atteint au sublime dans l’air final “Torna ai felici dì” qu’il interprète avec une puissance dramatique saisissante. Boris Pinkhasovich fait ses débuts dans le rôle plus modeste de Gugliermo, le père d’Anna.

Tous les acteurs de cette soirée recevront une ovation méritée avec de vibrants applaudissements et les honneurs d’un trépignement soutenu.

Luc-Henri ROGER
Programme du dimanche 13 octobre 2024


Giacomo Puccini – Une biographie musicale présentée par Udo Wachtveitl

Manon Lescaut – Intermezzo / Donna non vidi mai

La Bohème – O soave fanciulla / Che gelida manina

Tosca – Finale 1. Akt, Te Deum (Tre sbirri … Va Tosca)

Madama Butterfly – Coro a bocca chiusa / Intermezzo de l’acte 3

Suor Angelica – Finale

Turandot – Coro Gira la cota / Perché tarda la luna


Giacomo Puccini: Le Villi – Opéra en deux actes (version de concert)

Anna :  Anita Hartig (Soprano)

Roberto :  Kang Wang (Ténor)

Gugliermo  : Boris Pinkhasovich (Baryton)

Orchestre et chœur de la radio bavaroise

Direction  Ivan Repusic

 Audio à la demande : le concert est disponible pour 30 jours en ligne sur br-klassik.de : https://www.br-klassik.de/audio/20241013-on-demand-chor-ro-giacomo-puccini-le-villi-ivan-repusic-100.html . L’opéra Le Villi commence à 1:50.

Photos Luc-Henri Roger  

 

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