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Printemps des Arts de Monaco : Triomphe pour la monumentale 8e Symphonie d’Anton Bruckner

Printemps des Arts de Monaco : Triomphe pour la monumentale 8e Symphonie d’Anton Bruckner

jeudi 13 mars 2025

©Alice Blangero

À l’instar de leur idéal de pierre, les cathédrales sonores brucknériennes se dressent telles des édifices grandioses, mais fragiles. C’est particulièrement vrai pour les symphonies n°4 à 8, la profonde 9e occupant une place à part dans cet univers.

La 8e Symphonie, en ut mineur, ici mise à l’honneur, est un monument complexe en quatre mouvements s’étendant sur près de quatre-vingts minutes. Cette œuvre exigeante ne pardonne aucun déséquilibre : un dosage imprécis des dynamiques, une perte des lignes directrices ou une mauvaise gestion de l’ensemble peut mener à son effondrement ou, pire, à une implosion. Même les plus grands chefs se sont parfois égarés, cédant à des excès d’intentions, qu’elles soient d’ordre mystique ou dictées par une tentation hédoniste.

Bruckner est, en effet, un « tentateur » par excellence, concevant des chevauchées épiques et des sursauts éclatants, rendus possibles grâce aux interventions grandioses, « merveilleuses » et presque surnaturelles des cuivres. Mais il est aussi un « rédempteur », capable de ménager des espaces d’une rare intensité émotionnelle : ainsi, le thème au parfum oriental qui ouvre le 3e mouvement, avant que les arpèges légers des harpes ne semblent entrouvrir les cieux, ou encore le calme motif terminal du 4e mouvement, « do ré mib sol », magistralement structuré par les cordes pour porter l’ascension vers une charge finale éclatante.

Dans un brillant propos introductif, Bruno Mantovani a rappelé la surprise suscitée, en 1996, par l’interprétation de Pierre Boulez à la cathédrale Saint Florian avec le Philharmonique de Vienne, orchestre de la création. Boulez, dont l’intellectualisme rigoureux et la critique souvent acerbe d’un certain romantisme l’avaient jusqu’alors tenu éloigné du répertoire brucknérien, avait su transcender ses préjugés avec une lecture singulièrement éclairée.

2025 03 13 Orchestre Philharmonique de Monte Carlo Jukka Pekka Saraste Grimaldi Forum ©2025 03 13 Orchestre Philharmonique de Monte Carlo Jukka Pekka Saraste ©DSC 6708Alice Blangero
© Alice Blangero

Quant au chef finlandais Jukka-Pekka Saraste, reconnu pour ses interprétations magistrales de Sibelius, mais aussi de Beethoven, Brahms, Berlioz et Mahler, il connaît parfaitement les subtilités et les pièges des architectures monumentales. Saraste, qui rappelle l’immense Michael Gielen, excelle dans l’art de dégraisser les œuvres sans en sacrifier la substance. Ses précieuses interprétations des symphonies chorales de Mahler, notamment la 2e et la 8e, ou encore des Requiem de Verdi et Berlioz, en témoignent.

2025 03 13 Orchestre Philharmonique de Monte Carlo Jukka Pekka Saraste Grimaldi Forum ©2025 03 13 Orchestre Philharmonique de Monte Carlo Jukka Pekka Saraste ©DSC 6895Alice Blangero
© Alice Blangero

Avec une direction sobre et précise, observant un tempo rapide dans la lignée de Boulez, Saraste galvanise l’orchestre philharmonique de Monaco. En formation élargie et dans une forme éclatante, les musiciens avancent idéalement, mouvement après mouvement, évitant toute baisse de tension malgré la complexité de l’écriture brucknérienne, tissée de successions et superpositions thématiques et de ruptures.

Le programme s’ouvre avec une interprétation lumineuse du célèbre Prélude de Parsifal. Wagner y intègre un motif central emprunté à Mendelssohn, issu de sa symphonie dite « Réformation », offrant ainsi une introduction pédagogique pour éclairer l’écriture richement cuivrée de ces deux géants du romantisme.

2025 03 13 Orchestre Philharmonique de Monte Carlo Jukka Pekka Saraste Grimaldi Forum ©2025 03 13 Orchestre Philharmonique de Monte Carlo Jukka Pekka Saraste ©DSC 6976Alice Blangero
© Alice Blangero

Le public, témoin d’une complicité remarquable entre le chef et ses musiciens, a salué cet hommage vibrant. Quant aux auditeurs moins familiers de Bruckner, ils ont pu découvrir à quel point les compositeurs de musiques de films d’épopées, qu’elles soient historiques ou intergalactiques, doivent tant au « maître de Saint Florian ».

Olivier Romani
13 mars 2025

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