Sur la scène de l’Opéra de Nice il y a un poste de radio de la fin des années 50. On entend la voix d’Edith Piaf qui répond aux questions de Pierre Desgraupes : « Je me tire toujours des plus mauvais cas, parce que j’ai la foi, la foi en tout… » « J’ai tout donné au public et je pense, comme tout ce que je fais, que si je donne quelque chose, je le donne entièrement… » « De l’amour j’attends tout ce qu’il m’a donné : le merveilleux, le triste, le tragique, l’extraordinaire… je n’ai jamais été déçue »
Un prélude qui fait battre le cœur plus vite et frissonner d’émotion d’autant que l’on sait depuis des années que « Piaf ! Le Spectacle » a été acclamé dans un grand nombre de pays (Etats-Unis et Chine compris). Il a investi des salles prestigieuses comme le Carnegie Hall de New York, le Royal Albert Hall de Londres et l’Olympia à Paris (qui a vu sur scène la présence « historique » de Charles Dumont, lequel composa des chansons pour Piaf) et l’Opéra de Monte-Carlo. Le spectacle avait déjà été représenté à l’Opéra de Nice mais, comme partout ailleurs, dans sa version « variétés » avec une formation habituelle de quelques musiciens. Son énorme succès (ce spectacle est celui qui a sans doute réuni, en tant que production française de variétés, le plus grand nombre de spectateurs à l’étranger) a suscité l’idée de le proposer avec un grand orchestre classique. Son producteur, Gil Marsalla, qui est un enfant du pays niçois passionné par la chanson française (et qui fait tourner, entre autres, « Formidable ! Aznavour, l’histoire d’une légende » consacré à Charles Aznavour avec l’excellent Jules Grison), s’est donc rapproché du compositeur Nobuyuki Nakajima pour réorchestrer les chansons de Piaf avec de nouvelles harmonies afin d’aboutir à une nouvelle version musicale pour orchestre symphonique.
Ce pari a été relevé haut la main car l’adaptation du maître japonais, non seulement s’intègre parfaitement au répertoire de la mythique Edith mais, de surcroît, donne une dimension inattendue, originale et magnifique à toutes les introductions des chansons. On ne peut s’empêcher de penser aux musiques de grands films hollywoodiens tels que : « Autant en emporte le vent » « Out of Africa » « Il était une fois dans L’Ouest » et tant d’autres servis par d’admirables musiciens comme Max Steiner, Alfred Newman, John Barry, Ennio Morricone, John Williams. Un lyrisme échevelé qui transcende les compositions que l’on pensait connaître par cœur pour les sublimer et auquel l’Orchestre Philharmonique de Nice, sous la direction sensible de son chef György G.Rath, confère un relief tout particulier.
Après une ouverture intitulée : « Hymne à la Môme », subtil medley de ses plus grands succès, qui prend l’allure d’une frémissante et réjouissante page symphonique, apparaît sur scène Anne Carrere qui, depuis près de 5 ans, participe à cette extraordinaire aventure consistant à redonner vie à l’une des plus célèbres ambassadrices du chant français sans pour autant abdiquer sa propre personnalité. Belle, charismatique, rayonnante et aussi émouvante qu’émue (au point de ne pouvoir, a plusieurs reprises retenir ses larmes) son osmose avec l’Orchestre Philharmonique de Nice est pleine et entière et l’auditoire est sous le charme d’autant que Nobuyuki Nakajima au piano et Guy Giuliano à l’accordéon sont deux pierres précieuses qui ne font qu’embellir un somptueux bijou lequel, en la circonstance, brille de mille feux. « Paris », « Les trois cloches », « Les amants d’un jour », « Milord » « Mon Dieu », « Hymne à l’amour », « La vie en rose », « Non, rien de rien »… En 14 titres tout est dit, chanté et joué en un vibrant hommage à ces merveilleux compositeurs que sont Marguerite Monnot, Charles Dumont, Norbert Glanzberg et les autres… Un moment intense, chaleureux, populaire — au meilleur sens du terme- qui soulève le public conquis et ravi dans le même élan de bonheur.
Christian Jarniat
14 juin 2019
