Une soirée de grande qualité, en hommage au répertoire et aux personnalités mythiques de Frank Sinatra et… de Dean Martin.
Dans une ambiance évoquant parfaitement, en particulier par ses jeux de lumières, celle de l’hôtel Sands de Vegas, longtemps repère, sur le Strip1, de Sinatra et de ses compères du Rat Pack, la tournée internationale The Voice is back, conduite par l’excellent Stephen Triffitt, pose ses bagages salle Pleyel, le temps d’une soirée au parfum de temps retrouvé.
Pour le fan des ambiances musicales et des shows du Rat Pack dans le Vegas mythique des années 1950-60 où Everything was possible (« Tout était possible ») entre Dino (Dean Martin), Sammy (Sammy Davis jr) et Frankie (Frank Sinatra), bien encadrés par les orchestrations d’arrangeurs d’exception tels que Nelson Riddle, Billy May ou Quincy Jones, la soirée proposée, salle Pleyel, ce samedi 22 novembre, jour béni de la Sainte Cécile – ce qui ne pouvait être un hasard ! – aura comblé toutes les attentes.
Un programme faisant la part belle aux standards de l’âge d’or de la grande musique populaire américaine
Que l’on ne s’y méprenne pas ! Le répertoire musical le plus courant des hôtels-casinos du Vegas de l’âge d’or fut tout… sauf de la musique dite d’ascenseur, siropeuse et sans élaboration : la plupart des titres que l’on entendait alors étaient, en effet, signés des grands noms du théâtre musical de Broadway, souvent passés à Hollywood : des frères Gershwin à Jule Styne en passant par Cole Porter, Irving Berlin, Jerome Kern ou Richard Rodgers… autant dire la crème de la crème du patrimoine musical nord-américain.
Dès le medley donné par le New York swing orchestra, une formation jazzy de quatorze musiciens de belle facture, donnant la prépondérance aux soufflants – pas de pupitres de cordes par contre, ici, alors qu’il pouvait y en avoir dans certains des big bands de l’époque – le son est donné : il sera rond, chaud et velouté… tout comme la voix des crooners de ces temps mémorables !
Comme l’on pouvait s’y attendre, le choix des titres au programme du show sera exactement calqué sur ces soirées où, en un set et une dizaine de titres, l’interprète faisait un numéro de chant lui permettant, parfois, de commenter son choix auprès d’un public conquis d’avance, et – en particulier dans le cas du Rat Pack – de faire des jokes – avec le recul du temps, d’un goût plus ou moins douteux …- qui mettaient le public en pâmoison2.
C’est donc, en immersion totale, que nous nous sommes laissés envahir par les arabesques musicales et le swing nice and esay de Everybody loves somebody (Sam Coslow), Volare, That’s amore, Ain’t That a Kick in the Head (Jimmy Van Heusen/ Sammy Cahn), dans une première partie où, comme il se doit, Dino vient régaler la salle de ce style si cool dont Mark Adams, artiste et chanteur bien connu outre-Manche, sait combiner à la perfection le côté décontracté et l’élégance. Un régal pour les oreilles et pour les yeux !
Avec la deuxième partie, c’est à un festival de standards, qui met l’oreille en état d’excitation permanente, auquel nous avons droit ! On y entendra, entre autres, Come fly with me (toujours issu du duo compositeur-parolier Van Heusen/Cahn), It was a very good year (Ervin Drake), I’ve got you under my skin et I love Paris (Cole Porter), en passant par One for my baby (Harold Arlen et Johnny Mercer) et les incontournables – quoique pas toujours préférés de The Voice lui-même – Strangers in the night (Bert Kaempfert), My way (Jacques Revaux/Claude François) et New York, New York (John Kander et Fred Ebb). Est-il utile d’écrire que, dans ces derniers titres entendus lors de cette soirée, la salle est en délire ?! L’impact « Sinatra » est bien toujours présent… cent dix ans après sa naissance !
Stephen Triffitt, the song is you !
Également originaire du Royaume-Uni, Stephen Triffitt, qui a commencé à travailler en tant que vendeur, est bien davantage qu’un simple sosie d’Ol’blue eyes : c’est un chanteur de grand talent avec des qualités de projection et de souffle (dont il donne sur New York, New York, une démonstration bluffante !) qui permettent d’avoir une idée assez juste de la voix de Sintra, dont on aime à se rappeler qu’il avait travaillé son souffle en observant Tommy Dorsey jouer des balades romantiques au trombone et qu’il prenait conseil auprès du grand baryton, vedette du Met, Robert Merrill.
Dès son entrée en scène, on est donc non seulement frappé par la manière, très « sinatresque », de l’artiste d’évoluer sur scène – par exemple, dans le standard Luck be a lady (Frank Loesser) où Triffit mime le geste d’un joueur de dés au casino ! – mais également par sa capacité à construire de beaux instants musicaux, en particulier avec le pianiste sur une torch song3 de saloon telle que One for my baby, à la ligne de chant épousant subtilement le legato du musicien, puis avec le trombone du chef d’orchestre, nous gratifiant d’une version enthousiasmante d’I’ve got you under my skin dans l’arrangement incontournable du grand Nelson Riddle !
Une soirée au parfum de temps retrouvé sans nul doute et… pour notre plus grand bonheur !
Hervé CASINI
22 novembre 2025
1 The Strip : célèbre boulevard central de Las Vegas, sur lequel tous les grands hôtels étaient situés dans les années 1950, âge d’or de l’hôtel Sands en particulier.
2 Sur cette période, on lira avec intérêt l’ouvrage passionnant d’Alain Gerber, Frankie, le sultan des pâmoisons, Fayard, 2008.
3 Désigne les chansons d’amour tristes et mélancoliques du répertoire de cabaret américain.
Les artistes
Mark Adams et Stephen Triffitt accompagnés par le New York swing orchestra
Le programme
Standards du répertoire de Dean Martin et de Frank Sinatra.
22 mai : Théâtre municipal de Denain
23 mai : Théâtre Le Colisée de Lens
20 juin : Jazz’Opale Festival de Neufchâtel-Hardelot
25 sept : Théâtre le Normandy au Havre
