Il faut défendre l’opérette ! Ceux qui pensent que cet art est dépassé n’ont jamais assisté à un spectacle de ce genre musical ou bien, comme les moutons de Panurge, se laissent entraîner par la vague de déstructuration culturelle qui inonde les milieux intellectuels « bien pensants ». Important : il faut que les spectacles soient bien réalisés car sinon ils peuvent être, en effet, ringards.
Un exemple de réussite : Paganini de Franz Lehár, donné au théâtre de l’Odéon à Marseille.
Il fallait voir, lors de la générale, la joie des jeunes qui y ont assisté – des jeunes d’aujourd’hui certainement accros, par ailleurs, à leurs tablettes, leurs jeux vidéos, leurs sites internet, leur répertoire rap ! Il fallait voir, à l’issue de représentation, le public, enthousiaste, exploser en bravos. Il fallait voir, à la sortie, les spectateurs assaillant les artistes, leur demandant des autographes, sollicitant des selfies. Bref, il fallait voir un public heureux ! L’opérette est, en France, une espèce en voie de disparition. Défendons la !
Paganini est un petit chef d’œuvre. Il raconte l’histoire du légendaire violoniste dont une sœur de Napoléon, Elisa Bonaparte (Anna Elisa pour l’opérette), tomba amoureuse. Cela causa un joyeux remue-ménage dans le duché de Lucca, en Italie, sur lequel elle régnait.
Mis en scène par Carole Clin avec finesse et classicisme, ce spectacle fut un petit régal. Elisa fut chantée et jouée à ravir par la gracieuse et délicieuse Perrine Madoeuf.
Le rôle de Paganini revint à Samy Camps. On a connu naguère ce chanteur dans la tessiture de ténor léger. Sa voix est en train d’évoluer vers le grave. Elle n’est pas stabilisée dans sa tessiture définitive donc difficile à juger présentement. Au milieu du spectacle, il nous a fait un épatant numéro d’ombre chinoise dans lequel il imitait à la perfection les mouvements de la violoniste qui jouait en coulisse à sa place. Cette remarquable Paganini marseillaise s’appelait Alexandra Jouannié.
On eut droit également à la réjouissante performance de deux protagonistes qui, par leur savoir-faire, leur présence, leur brio, leur habileté théâtrale et vocale, incarnent l’excellence de l’opérette française : Fabrice Todaro et Julie Morgane. Même chose pour un troisième qui, lui, ne chantait pas et se contente de jouer la comédie – et cela depuis plus… d’un demi siècle : Jean-Claude Calon !
Franz Lehár, compositeur de Paganini, est aussi l’auteur du célèbre Pays du sourire. Le pays du sourire ? Pas besoin de le composer ou l’inventer. Il existe vraiment : c’est l’Odéon à Marseille.
André PEYREGNE
25 février 2024
Direction d’orchestre Federico Tibone
Mise en scène : Carole Clin
Assistante de réalisation : Luigia Frattaroli
Chorégraphie : Anne-Céline Pic-Savary
Costumes : Opéra de Marseille
Chœur Phocéen
Orchestre de l’Odéon
violon solo : Alexandra Jouannié
Distribution :
Anna Elisa : Perrine Madoeuf
Bella : Julie Morgane
La comtesse de Laplace / Caroline : Cécile Gallois
Anita : Sabrina Kilouli
Paganini : Samy Camps
Bartucci : Jean-Claude Calon
Pimpinelli : Fabrice Todaro
Beppo/Marco : Philippe Béranger
Le général : Jean-Luc Epitalon
Le prince Felice : Joris Conquet
Foletto/Emmanuel : Dominique Desmons
L’aubergiste : Antoine Bonelli
2e gendarme : Damien Barra