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OPERA NATIONAL DU RHIN « Un très pâle OTELLO »…..sauvé par Desdémone et la musique de Verdi

OPERA NATIONAL DU RHIN « Un très pâle OTELLO »…..sauvé par Desdémone et la musique de Verdi

jeudi 6 novembre 2025

© Klara BECK

Après le succès d’Aïda en 1871, Giuseppe Verdi se retire de la scène pour se consacrer à la composition de musique religieuse et à la révision de ses opéras. Grâce à la persévérance de son éditeur, l’enthousiasme passionné du librettiste et compositeur Arrigo Boito et aussi la perspective de se mesurer une nouvelle fois à Shakespeare, Verdi fait un retour triomphal avec Otello, en signant une partition d’une rare intensité, portée par une orchestration aux couleurs fauves. C’est la cheffe italienne, Speranza Scappucci (assistante de Riccardo Muti pendant 8 ans au Festival de Salzburg) qui dirige et sublime ce chef d’œuvre dramatique de Verdi.

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© Klara BECK 

Trois murs formant une immense boîte blanche, percée de trois grandes portes, larges pour permettre à la foule (nombreuse) d’entrer et de sortir avec fluidité, un plateau recouvert de laiton, tel un immense miroir. Un espace clos et neutre, quelques fauteuils et chaises au 1er acte et après la pause, de nombreuses tables rondes d’une réception (celle des dîners sur scène !!!), des costumes modernes, sans époque précise, certains élégants d’autres moins heureux et parfois catastrophiques pour certaines silhouettes, des lumières relativement bien soignées, très réussie au second acte. Voici le concept de cette nouvelle production d’Otello de Verdi à Strasbourg , qui au vu du minimalisme n’a pas dû coûter cher en conception.

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© Klara BECK 

Quant à la mise en scène de Ted Huffmann, elle est bien décevante, plate, avec une grande absence dramatique. Il fait déambuler les chanteurs impassibles, trop souvent assis, faute d’inspiration scénique. Le couple d’amoureux Otello/Desdémona n’est jamais proche, assis la plupart du temps, dans un duo dépourvu de poésie et de sensualité. Il en est de même pour le banquet en l’honneur des dignitaires de la République de Venise : pas de mouvements, toujours assis… Fuyant l’angoisse de la chambre nuptiale, Desdémona cherche refuge dans cet espace public, sans personne, mais ne pourra pas échapper à la jalousie morbide d’Otello, qui l’abat d’un coup de révolver (qu’il aura du mal à sortir de sa veste !!!) à défaut de l’étrangler, avant de retourner l’arme contre lui.

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© Klara BECK 

De plus, Verdi exige des voix qui interdisent de tricher. Et là, ces exigences font cruellement défaut, à commencer par le rôle-titre où l’on avait annoncé le ténor afro-américain Issachah Savage, lequel a été remplacé, sans recours au maquillage, (évitant certainement la question raciale à laquelle Ted Huffmann a voulu échapper) par le ténor géorgien Mikheil Sheshaberidze. Scéniquement très emprunté, il a l’air de s’imposer vocalement, avec un timbre certes pas séduisant, métallique. Mais on est loin du bel canto italien, car son chant est en dents de scie, son grave se dérobant et son aigu trop sommaire est poussé, tendu et sans éclat. Son ultime air (un altro bacio) pathétique, étouffé n’est qu’un râle… Et son jeu scénique est pataud. Triste et pâle Otello !!!

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© Klara BECK 

Face à lui, le baryton polonais Daniel Miroslaw incarne un Iago jeune et élancé, scéniquement très crédible et glaçant dans le rôle manipulateur du traître. Dommage car vocalement il est limité et sa voix reste très engorgée. Malheureusement le duo de la vengeance avec Otello fait un flop. Dans les seconds rôles, Joel Prieto campe un Cassio crédible scéniquement et vocalement. Les chœurs de l’Opéra National du Rhin, renforcés par ceux de l’Opéra National de Nancy-Lorraine brillent par leur efficacité.

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© Klara BECK 

Heureusement pour les spectateurs, deux femmes ont redonné de la couleur à ce fade Otello strasbourgeois. Tout d’abord, la soprano franco-guatémaltèque Adriana Gonzalez est une Desdémona proche de la perfection. Elle possède un soprano irradiant, un vrai chant « verdien ». Elle a les moyens de tenir tête à Otello, son duo d’amour est sublime. Quant, à sa « chanson du Saule » c’est un vrai bijou et l’Ave Maria » un moment de pure et grande émotion où l’on retient son souffle. Dommage que la mise en scène et surtout cette nuisette d’une laideur et ses babouches l’ont fortement desservie.

La seconde est évidemment la cheffe italienne Speranza Scappucci. Avoir été assistante de Riccardo Muti est déjà un gage de parfaite connaissance du style verdien. Elle empoigne la tempête avec une forte tension, ne relâchant rien jusqu’à la fin, mettant en marche le côté dramatique qui manque cruellement à la mise en scène. Elle dirige avec une battue aussi précise qu’impeccable. C’est cela que les chefs appellent le « bras ». Elle a réussi à faire sonner l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg avec exubérance, sublimant avec force et vigueur tous les contrastes de la musique d’une grande maturité de Verdi.

Marie-Thérèse Werling
6 novembre 2025

Distribution :

Direction : Speranza Scappucci
Mise en scène et décors : Ted Huffman
Costumes : Astrid Klein
Lumières : Bertrand Couderc
Mouvements : Pim Veulings

Otello : Mikheil Sheshaberidze
Adriana González : Desdemona
Daniel Miroslaw : Iago
Joel Prieto : Cassio
Lodovico : Jasurbek Khaydarov
Emilia : Brigitta Listra
Roderigo : Massimo Frigato
Montano : Thomas Chenhall

un Héraut :Young-Min Suk

Chœur de l’Opéra national du Rhin (Chef de chœur : Hendrik Haas),

Chœur de l’Opéra national de Nancy-Lorraine (Préparation du chœur : Christophe Talmont),

Orchestre philharmonique de Strasbourg,

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