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OPERA NATIONAL DU RHIN redonne vie à GUERCOEUR, opéra méconnu d’Albéric Magnard

OPERA NATIONAL DU RHIN redonne vie à GUERCOEUR, opéra méconnu d’Albéric Magnard

samedi 4 mai 2024

©KLARA BECK

Dans le cadre du Festival Arsmondo « UTOPIE », l’Opéra National du Rhin, présente la nouvelle production de Guercoeur, avec dans le rôle-titre l’exceptionnel baryton Stéphane Degout.

Œuvre posthume, Guercoeur n’a plus jamais été donné en France, après sa création en 1931, à l’Opéra de Paris. A l’étranger, seul l’opéra d’Osnabrück l’a présenté en 2019. Un seul enregistrement légendaire, datant de 1986 existe sous la direction de Michel Plasson.

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©KLARA BECK

Détruite en 1914 dans l’incendie de la maison que Magnard tentait de défendre contre l’envahisseur allemand, la partition fut reconstituée par son ami Guy Ropartz. C’est donc un opéra atypique, à l’image du compositeur, idéaliste, dreyfusard, anticlérical et féministe avant l’heure. Musicalement, Magnard en grand symphoniste, influencé par Wagner, n’a pas négligé sa partition. Leitmotiv, flux continu et refus de l’anecdote : tout rappelle le Maître de Bayreuth. Comme lui, Magnard a écrit le livret de son ouvrage… mais n’est pas homme de théâtre qui veut. L’histoire, un peu lourdaude, est celle d’un vaillant guerrier qui s’ennuie au paradis, entouré de muses allégoriques : Vérité, Bonté, Beauté et Souffrance. Il demande à retourner sur terre pour retrouver Giselle, la femme qu’il aimait. Mais cette dernière le trompe avec son meilleur ami Heurtal, élu dirigeant dictateur. Guercoeur meurt donc une deuxième fois et est accueilli au paradis par la muse Souffrance. Il y a bien des naïvetés dans le livret, des longueurs dans les actes, mais on est pris dans l’action, sans moquerie, tant la sincérité et la morale adoucissent une époque tellement éloignée de l’utopie.

Dans cette nouvelle production signée Christof Loy, on est plus proche de l’oratorio. Sa mise en espace est sobre et élégante, minimaliste. Le royaume des vivants est représenté par une immense paroi blanche, celui des morts par une paroi noire, séparées par un couloir étroit orné d’un paysage du peintre Claude Lorrain. Quelques chaises posées le long des parois, des fleurs éparpillées au sol, sont les seuls décors. Ce dépouillement pourrait paraître frustrant, mais la direction d’acteurs révèle à chaque instant un humanité touchante.

Rompu au répertoire contemporain, le chef allemand Ingo Metzmacher s’est littéralement emparé de Guercoeur. Son engagement est total. Il en explore les subtilités, sait faire jaillir la puissance, le lyrisme sans jamais dénaturer la partition. Il a créé des effets de spatialisation surprenants : les chœurs de l’Opéra National du Rhin, mis à contribution pendant toute l’œuvre, et la fanfare jouant en coulisse. Les portes ouvertes des loges ont même laissé passer un courant d’air glacé. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, une fois de plus, était dans une forme olympique (2024 oblige !!!).

Pour la production de Strasbourg, l’Opéra National du Rhin a fait appel à un casting vocal soigné et raffiné où domine dans le rôle de Guercoeur, le baryton français Stéphane Degout. Il explore toutes les nuances du héros avec une maîtrise de la diction impressionnante et si naturellement. Il enchante par son incarnation concentrée, mais surtout par ses qualités vocales : puissance de l’émission, richesse du timbre et élégance du phrasé.

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©KLARA BECK

A ses côtés, Catherine Hunold campe une déesse Vérité, avec autorité. Dommage que des aigus difficiles et une fragile puissance la desservent au 1er acte. Mais elle s’affirme au dernier acte face aux muses : Beauté incarnée avec délicatesse par Gabrielle Philiponet, Bonté jouée avec soin et charme par Eugénie Joneau et Souffrance interprétée avec profondeur et noirceur par la contralto Adriana Bignagni Lesca.

Dans le second acte où se situe l’essentiel de l’action, on découvre avec bonheur Antoinette Dennefeld, mezzo-soprano alsacienne dans le rôle complexe de Giselle (épouse infidèle de Guercoeur et maîtresse de Heurtal). Elle est parfaite aussi bien scéniquement que vocalement. Elle est convaincante tant par la volupté naturelle de sa voix que par sa candeur lorsqu’elle demande pardon, et qu’ensuite elle tombe dans les bras de Heurtal. A ses côtés, le ténor français Julien Henric campe un Heurtal très présent par sa voix de stentor et sa présence vaillante, autoritaire et cruelle dans le rôle du tyran.

Le quatuor féminin du dernier acte était de toute beauté. Un beau clin d’œil au moment des saluts, le chef a brandi la partition pour rappeler que s’il faut applaudir particulièrement un personnage ce soir, c’est bien sûr le compositeur Magnard.

Marie-Thérèse Werling

28 avril 2024

Opéra national du Rhin

Direction : Ingo Metzmacher 

Mise en scène : Christof Loy

Décors : Johannes Leiacker 

Costumes : Ursula Renzenbrink 

Lumières : Olaf Winter 

Orchestre philharmonique de Strasbourg

Chœur de l’Opéra national du Rhin

Hendrik Haas, Chef de chœur

Distribution :

Guercœur : Stéphane Degout 

Giselle : Antoinette Dennefeld

Heurtal : Julien Henric 

L’Ombre d’une femme : Marie Lenormand 

L’Ombre d’une vierge : Alysia Hanshaw 

L’Ombre d’un poète : Glen Cunningham 

Vérité : Catherine Hunold 

Beauté : Gabrielle Philiponet 

Bonté : Eugénie Joneau 

Souffrance : Adriana Bignagni Lesca 

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