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Opéra de Nice Le Barbier de Séville : le rêve psychédélique de la Comtesse Almaviva

Opéra de Nice Le Barbier de Séville : le rêve psychédélique de la Comtesse Almaviva

vendredi 2 mai 2025

©Dominique Jaussein

Dans cette nouvelle production de l’Opéra de Nice du Barbier de Séville, Benoît Bénichou – qui avait déjà, in loco, mis en scène La Veuve Joyeuse de Franz Lehár (en 2021) et Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach (en 2022) – a, de nouveau, utilisé pour cette troisième incursion un procédé destiné à immerger le public dans l’œuvre. En effet pour La Veuve Joyeuse le Baron Mirko Zeta accompagné de son épouse Valencienne débarquaient en limousine devant l’Opéra de Nice pour rejoindre l’ambassade du Pontevedro en traversant tous les niveaux du théâtre. A l’entracte, le hall comme les foyers de l’Opéra se voyaient occupés par divers personnages qui proposaient des animations. Il en était d’ailleurs de même pour Orphée aux enfers où les spectateurs pouvaient croiser les joyeux protagonistes de cet opéra-bouffe. Rien d’étonnant alors à ce que Benoît Bénichou réitère cette démarche pour Le Barbier de Séville de Rossini.

En outre le metteur en scène part, pour la circonstance,  d’une idée originale qui consiste à se référer à l’esprit de la trilogie de Beaumarchais. Comme on le sait parfaitement dans Le Barbier de Séville, le vieux docteur Bartholo, tuteur ombrageux, cloître en sa demeure sa pupille la jeune Rosine dont il entend bien faire son épouse. Cette dernière se sent davantage attirée par un étudiant qu’elle croit pauvre, en l’occurrence Lindor, lequel se révélera à l’épilogue être le riche Comte Almaviva. Par une série de subterfuges Rosine, avec la complicité de Figaro, se retrouvera in fine entre les bras de son brillant soupirant qui ne tardera pas à l’épouser.

Dans le second volet, Le Mariage de Figaro, Rosine découvrira, après quelques années de mariage, l’infidélité de son époux. Elle est devenue certes comtesse, mais déjà désabusée par les circonstances peu amènes de la vie. Ces deux volets sont extrêmement célèbres sur le plan du théâtre comme sur le plan de l’opéra, Le Barbier de Séville ayant été mis en musique par Rossini et Paisiello et Le Mariage de Figaro, sous le titre Les Noces de Figaro, par Mozart.

Le troisième volet, La Mère coupable, beaucoup moins connu tant sur le plan du théâtre que sur celui de la musique (même si Darius Milhaud lui consacra un opéra en 1966) s’éloigne de la comédie pour nous faire pénétrer dans un véritable drame marqué non seulement par l’infidélité du Comte mais par la mort du fils aîné des époux dans un duel. Par ailleurs, la Comtesse a mis au monde un enfant adultérin, fruit de ses amours avec Chérubin, ce qui naturellement n’a fait qu’accentuer les dissentiments du couple, d’autant que le Comte veut exiler cet enfant illégitime en dépit de la douleur de sa mère.

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©Dominique Jaussein

Benoît Benichou s’empare donc du thème de La Mère coupable pour constituer une sorte de prologue à son Barbier de Séville. La Comtesse très vieillissante empreinte de souvenirs douloureux comme de deuils successifs, enfermée dans un quadrilatère de verre qui lui sert de boudoir et de chambre à coucher, va revivre son passé : celui du Barbier de Séville empli des émois d’une jeune fille en fleurs éperdument amoureuse de son séducteur. Un passé néanmoins ” revisité ” et teinté d’amertume à travers le prisme du chemin d’une longue vie qui ne fut pas toujours parsemé de roses. 

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©Dominique Jaussein

Tous les personnages du Barbier de Séville vont, tour à tour, lui réapparaître comme un songe parfois grinçant ici traité de manière psychédélique. Tout d’abord,et pour instruire le public de son intention, Benoît Bénichou fait projeter un extrait filmé de la dispute entre le Comte et son épouse où la souffrance de la Comtesse apparaît à la fois comme la détresse d’une mère déchirée et d’une femme trompée. Ceci pour éclairer précisément par contraste la vision de cet heureux passé qui flotte désormais entre rêve et cauchemar. Tous les personnages du premier volet de cette trilogie sont habillés de blanc avec survêtements transparents pareils à des fantômes errants. La Comtesse tantôt les contemple depuis l’intérieur de son appartement tantôt apparaissant parmi eux dans des tenues différentes comme pour s’intégrer à ce passé lointain.

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©MCP

Benoît Bénichou vient encore souligner l’idée de ce parti pris en convoquant les spectateurs (ou du moins partie de ceux que cette démarche a intéressé ou amusé) à venir sur le plateau où ils sont accueillis par la Comtesse à l’une de ces soirées qu’elle organise pour passer le temps et dissiper sa mélancolie. Le metteur en scène souligne : « On sent une réelle tristesse chez cette femme qui a été si pétulante dans sa jeunesse mais qui se rend compte qu’elle avait été un rien naïve !!! Quand elle se replonge dans ses souvenirs la temporalité se perd au profit de quelque chose d’abstrait …Rosine âgée est une dame blasée, assez déprimée et elle a l’impression d’avoir raté sa vie ou plutôt peut-être passé à côté ».

A cour et jardin sont installés deux petits comptoirs de bar où pendant l’heure précédant le spectacle, les invités peuvent consommer des boissons tandis qu’un DJ (en l’occurrence une jeune femme, casque sur la tête) diffuse une musique très pop-rock. Le devant de la scène est fermé par un tulle transparent de telle sorte que les personnes conviées sur le plateau peuvent apercevoir la salle et les gens qui s’y installent tandis que les spectateurs contemplent de leur côté la fête chez la Comtesse, le tout constituant un étrange prélude de ce Barbier de Séville. Peu à peu le plateau se vide et l’opéra commence dans les conditions évoquées ci-dessus du rêve de la Comtesse. Si les costumes blancs évoquent le 18ème siècle, à la  fin de l’opéra l’ensemble des protagonistes se trouvent réunis à l’avant-scène en costumes contemporains, tandis que la Comtesse, après avoir tout au long de l’ouvrage contemplé son passé, avale un cachet mortel qui la trouvera inerte aux ultimes mesures de l’opéra.

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©MCP

Benoît Bénichou adopte alors un parti pris qui correspond de manière parallèle au prologue à savoir qu’à la dernière note de la partition de Rossini, succède à nouveau, de manière très amplifiée, la musique pop-rock au moment où chacun des artistes vient saluer en esquissant des pas de danse – voire quelques figures acrobatiques – dans une salle surchauffée à l’identique d’un concert de rock et ponctué par des mains qui claquent en cadence le tout appuyé par une batterie de projecteurs automatiques qui croisent leurs faisceaux comme dans une boîte de nuit ou dans une salle accueillant un concert disco.

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©Dominique Jaussein

La distribution de ce Barbier de Séville rassemble de jeunes chanteurs internationaux dont certains ont déjà une carrière affirmée. On peut en premier lieu apprécier la virtuosité de Dave Monaco qui s’est forgé une spécialité dans les rôles de ténors rossiniens et particulièrement dans celui du Comte Almaviva qu’il a chanté encore récemment au Théâtre de la Fenice de Venise ainsi qu’au Mai Musical Florentin. Il possède un timbre typique à celui des emplois du maître de Pesaro, doté d’aigus aisés et percutants qui lui permettent notamment d’assurer au dernier acte l’air et la cabalette  redoutables « Cessa di piu resistere » habituellement omis dans de très nombreuses productions de l’œuvre de Rossini en l’état de ses évidentes difficultés. La mezzo soprano norvégienne Lily Jørstad reprend avec un indéniable abattage cette Rosina qui lui permit de partager à la Scala de Milan l’œuvre de Rossini avec de prestigieux partenaires tels que Léo Nucci et Ruggero Raimondi, l’Opéra de Vienne et l’Opéra de Munich l’ayant aussi accueilli dans ce rôle.

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©Dominique Jaussein

Après Sigurd à l’Opéra de Marseille, on retrouve en Bartolo Marc Barrard qui reprendra cet emploi la saison prochaine à l’Opéra de la cité phocéenne. Notons encore le Figaro au timbre clair de Gurgen Baveyan et bien entendu le Basile d’Adrian Sampetrean favorablement remarqué avec raison dans plusieurs productions de l’Opéra de Monte-Carlo. Les interventions de Cristina Giannelli  en Berta, ainsi que le “local de l’étape” Thibaut Desplantes en Fiorello complétaient efficacement une distribution dont l’homogénéité était le maître-mot .

Comme à l’accoutumée on a pu apprécier les lumières de Mathieu Cabanes particulièrement imaginatives, suggestives et virtuoses.

Le public a applaudi la direction de Lucie Leguay claire et sans les surcharges que l’on entend parfois dans cet ouvrage.  .

Christian Jarniat

2 mai 2025

Direction musicale : Lucie Leguay
Mise en scène : 
Benoît Benichou 
Assistant à la mise en scène :
Loïc Mobihan
Décors : 
Christophe Ouvrard 
Costumes : 
Bruno Fatalot 
Lumières :
 Mathieu Cabanes 
Vidéo : 
Laurent La Rosa 

Distribution :

Il Conte Di Almaviva : Dave Monaco 
Bartolo : 
Marc Barrard
Rosina :
Lilly Jørstad
Figaro : 
Gurgen Baveyan 
Basilio : 
Adrian Sampetrean 
Berta :
 Cristina Giannelli 
Fiorello : 
Thibaut Desplantes
Un officier : 
Enrico Gaudino

Orchestre Philharmonique de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice

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