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Opéra de Nice Festival d’Opérette et de Comédie Musicale : Chansons de Paris

Opéra de Nice Festival d’Opérette et de Comédie Musicale : Chansons de Paris

Un Paris de carte postale… nostalgique et poétique tout autant que festif

Présentée dans le cadre de la 24ᵉ édition du Festival d’Opérette et de Comédie Musicale de la Ville de Nice, Chansons de Paris à fait salle archicomble à l’Opéra de Nice. On ne peut que s’en réjouir en constatant que le genre « opérette » demeure encore vivant et susceptible d’attirer un large public salué depuis la scène par Melcha Coder, Présidente du Festival, entourée du Maire de Nice, Christian Estrosi et du Directeur artistique de l’Opéra de Nice, Bertrand Rossi

Chansons de Paris est une opérette sur un livret Paul Van Stalle et Charles Tutelier dont la partition est constituée de quelques uns des airs les plus célèbres de « La Belle Époque » et des « Années folles » «arrangés » par le compositeur belge Max Alexys (1890-1967). L’ouvrage a été créé sur la scène du Théâtre de Besançon le 20 novembre 1954 avant de tourner en région. Il a fait escale à Paris, au Théâtre de la Porte Saint-Martin au cours de la saison d’été 1957. Il s’inscrit dans la tradition de l’opérette française légère, joyeuse, nostalgique1.

Une intrigue charmante sur fond d’un Montmartre de la Belle Époque

L’action débute le 14 juillet 1910 à la terrasse d’un café proche de la place du Tertre. On chante, on danse, on boit, on s’amuse face à la maison de deux charmantes jeunes filles : Adrienne et Nichette, cette dernière étant courtisée par Gaétan. Par ailleurs, André de Lussac, étudiant issu de la bonne société provinciale, est amoureux d’Adrienne. Bien entendu, cette situation a ému son oncle Archibald et sa tante Héloïse qui débarquent impromptu de leur province pour mettre bon ordre aux dérives de leur neveu préféré. Si André est prêt à résister à ses parents, Adrienne, plus sage, décide de s’effacer. Elle se lance alors dans une vie parisienne débridée pour devenir une de ces « biches » adulées de la Belle Époque et prend le pseudonyme d’Amandine de Saint-Léger. Mais les deux amoureux d’hier s’aiment toujours d’amour tendre. Après quelques péripéties, ils se retrouveront dans le cadre d’un joyeux carnaval et d’un grand final où Montmartre et Paris tout entier célèbrent l’amour, la joie et la chanson populaire

Max Alexys l’arrangeur de « Chansons de Paris » par ailleurs compositeur et chef d’orchestre

Max Alexys (1890-1967) – de son vrai nom Max Hautier – doté d’un premier prix de violoncelle entame après la première guerre mondiale une carrière solide de chef d’orchestre, principalement dans le milieu du music-hall et de la comédie musicale. Il dirige l’orchestre du théâtre Alhambra de Bruxelles et participe à ce titre, in loco, à la création de No, No, Nanette (Youmans) ainsi que de Rose-Marie (Friml). On le retrouve également à la baguette à Paris dans des salles comme le Théâtre Mogador, la Gaîté-Lyrique et le Casino de Paris ainsi qu’en Grande Bretagne (par exemple au Trocadero de Londres) pour des productions comme No, No, Nanette.

Parallèlement à sa carrière de chef d’orchestre, Max Alexys a composé une dizaine d’opérettes et arrangé plusieurs œuvres lyriques, opérettes et comédies musicales, souvent dans l’esprit populaire/music-hall de son époque. Son rôle d’« arrangeur-nostalgique » d’un répertoire populaire montre qu’il a su faire le pont entre la tradition de la Belle Époque et les publics d’après-guerre, en réadaptant des succès d’antan à un nouveau contexte. Par l’«anthologie» que représente Chansons de Paris, il participe au renouvellement ou à la mémoire d’un répertoire populaire français et européen, en adaptant des airs anciens pour un public moderne.

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©Reine-Marie Koch

Un parcours musical de la Belle Époque aux Années folles

Dans sa version originale Chansons de Paris de Max Alexys comportait plus de quarante numéros musicaux, mêlant interventions chantées, passages purement orchestraux et épisodes chorégraphiques. Véritable fresque musicale, l’œuvre rendait hommage à plusieurs décennies de chansons populaires françaises et européennes.

Pour la version niçoise, présentée en mise en espace avec orchestre sur scène, il n’était guère possible de conserver une telle ampleur : les exigences actuelles du public en matière de durée et de rythme scénique imposent désormais un format plus resserré. La partition a donc été ramenée à une trentaine de chansons, ce qui demeure déjà particulièrement copieux pour une œuvre de ce type.

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©Reine-Marie Koch

On y retrouve l’essentiel des « tubes » de l’époque, soigneusement choisis pour leur représentativité et leur pouvoir évocateur : « Je connais une blonde » (Goetz et Sloane) « Je sais que vous êtes jolie » (Christiné) « Fascination » (Marchetti) « Les mains de femmes » (Berniaux) « Tout ça ne vaut pas l’amour » (Scotto) « Froufrou» (Chatau) « Reviens » (Christiné) « La valse des bas noirs » (Maquis) « Le joli rêve » (Arezzo) et d’autres encore… Cette sélection, qui traverse la Belle Époque et les Années folles restitue avec fidélité l’esprit d’un Paris chantant, tour à tour frivole, sentimental et poétique.

Chansons de Paris groupe
©Reine-Marie Koch

L’orchestre, présent sur le plateau, assure la continuité musicale entre les différents tableaux, tandis que les arrangements réalisés pour cette nouvelle version respectent l’élégance et la couleur orchestrale d’origine, tout en adaptant le tempo à la sensibilité contemporaine du spectateur. On s’aperçoit que parfaitement réorchestré par Max Alexys en chef d’orchestre et arrangeur adroit ces chansons sonnent « modernes » avec des harmonies plus jazzy et des transitions symphoniques pertinentes, tout en gardant la saveur des refrains originaux et l’on découvre que certains spectateurs les fredonnent à voix basse signe d’un évident plaisir. Un bravo tout particulier à l’accordéoniste : Karinne Mussault qui accompagne avec autant de virtuosité que de talent quelques chansons.

Un esprit festif, accessible et populaire retrouvée

La force de Chansons de Paris réside avant tout dans son esprit de légèreté, de joie de vivre, de romance fidèle à l’idée que l’on se fait de la Belle Époque. Les airs célèbres, remis en forme par Max Alexys, offrent une nostalgie séduisante, aidant le public à « plonger » sans complexe dans l’ambiance des cabarets et ruelles parisiennes anciennes au travers d’un collage musical de chansons, valses, refrains et romances populaires qui, sur un livret charmant, exaltent le Paris des cafés-concerts et de Montmartre. L’Orchestre Philharmonique de Nice où alternent cuivres pétillants, bois légers et cordes soyeuses fait preuve d’une belle souplesse stylistique. Sous la baguette allègre de Sébastien Driant la partition de Chansons de Paris bénéficie d’une lecture précise, claire, énergique qui sied au style de la chanson parisienne.

Elle s’accorde à merveille avec la conception théâtrale de Serge Manguette, spécialiste aguerri du genre. Son choix de mise en scène alerte et chorégraphie pétillante étroitement imbriquées s’avère particulièrement judicieux : l’opérette, dans ce type de répertoire, doit viser à un divertissement vivant et chaleureux, avec un léger accent de spectacle de variétés. Serge Manguette privilégie la continuité et la vivacité. Les numéros s’enchaînent avec naturel, ponctués de danse et de scènes de comédie bien réglées.

Cela donne du rythme, du mouvement, de l’interaction, ce qui aide à «vivre » pleinement l’atmosphère montmartroise, les cafés animés, les danses, les quiproquos amoureux essentiels à la légèreté comique de l’ouvrage.
Ce choix correspond en outre parfaitement à la vocation d’ouverture et d’accessibilité prônée cette saison encore par l’Opéra de Nice.

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©Reine-Marie Koch

Distribution et interprétation : dynamisme et élégance

Dans un souci d’efficacité scénique et afin de présenter un spectacle d’une durée raisonnable, le metteur en scène et réalisateur a choisi en resserrant l’action autour de six personnages principaux. Cette condensation ne nuit en rien à la compréhension de l’intrigue : au contraire, elle en renforce la lisibilité théâtrale.

Certaines distributions doubles permettent d’optimiser la dynamique du spectacle : Serge Manguette incarne ainsi à la fois Casimir et Michael, tandis que Gilles San Juan interprète avec aisance Archibald et Gaëtan. Ces changements de rôle, parfaitement assumés, ne perturbent nullement la continuité dramatique et soulignent la virtuosité d’acteurs capables de passer avec naturel d’un personnage à l’autre.

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©Reine-Marie Koch

L’intrigue se concentre principalement sur les deux protagonistes centraux, André et Adrienne.

Rémy Mathieu, dans le rôle d’André, confirme ici ses qualités de « jeune premier » du théâtre lyrique. Après avoir campé avec dynamisme Tom dans No, No, Nanette et brio René dans Le Comte de Luxembourg, il trouve dans ce nouveau personnage un emploi idéal. Son physique élégant, son jeu naturel et raffiné, ainsi que sa voix claire et souple à l’émission fluide et au phrasé impeccable, confèrent à André tout le charme juvénile et la sincérité nécessaires, sans jamais tomber dans la mièvrerie.

Face à lui, Laeticia Goepfert prête à Adrienne une grâce et une vivacité irrésistibles. Artiste accomplie, familière aussi bien du répertoire d’Offenbach que de la comédie musicale, elle déploie ici toute sa palette : abatage, humour, et une aisance scénique souveraine. Sa voix d’un timbre coloré et d’un médium solide, apporte une élégance de ton doublée d’une diction parfaite. Sa ligne de chant conserve le style de l’opérette classique, avec juste ce qu’il faut de coquetterie alliée à une diction exemplaire et une articulation précise qui font merveille dans un genre où la clarté des paroles est essentielle. Excellente comédienne, elle donne au personnage d’Adrienne toute sa crédibilité, oscillant avec finesse entre la fraîcheur de la jeune fille et la coquetterie sensuelle assumée de la femme sûre d’elle.

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©Reine-Marie Koch

Il convient de saluer un authentique exploit, qui tient autant au talent qu’au courage d’une interprète. Priscilla Beyrand, encore alitée et souffrante la veille de la représentation, a fait preuve d’une admirable détermination. Ceux qui ignoraient son indisposition n’ont d’ailleurs rien pu déceler tant son énergie et sa volonté furent intactes.
Toujours aussi pétillante, dotée d’un sens du rythme exemplaire et d’une justesse d’accent populaire qui capte immédiatement la sympathie du public, elle a déployé un dynamisme à toute épreuve. Non seulement sur le plan théâtral et vocal, mais aussi chorégraphique : la comédienne-chanteuse est même allée jusqu’à exécuter un numéro sur pointes, sans la moindre faiblesse apparente.
Un grand bravo donc à Priscilla Beyrand pour ce moment d’abnégation et de professionnalisme ou elle su incarner une Nichette drôle et exubérante.

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©Reine-Marie Koch

L’exubérance n’est pas non plus ce qui manque à Serge Manguette et Gilles San Juan, qui campent respectivement les rôles de Casimir et Michael pour le premier, et Archibald et Gaëtan pour le second. Ils insufflent à ces deux personnages à la fois pittoresques, parfaitement typés et pleins de verve un tempo verbal digne des meilleurs acteurs du théâtre de boulevard d’autant plus admirable que ces deux comédiens doivent, avec une vélocité qu’on salue, changer constamment de personnages et de costumes, sans jamais rompre le rythme ni l’unité du spectacle. On doit saluer également l’abatage d’Isabelle Bourgeais dont les dons de comédienne ne sont plus à vanter et qui campe pour la circonstance une Héloïse aussi drôle que pittoresque.

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©Reine-Marie Koch

Le talentueux ballet omniprésent, comme dans une comédie musicale, vient encore ajouter à l’ambiance festive et au charme de ce moment de joie de vivre.

Et comment, de surcroît, ne pas attribuer une palme toute particulière à Serge Manguette, véritable « homme-orchestre» capable, en quelques jours à peine, de mettre en scène un tel ouvrage, d’en assumer la chorégraphie, de coordonner la lumière avec l’appui précieux de Patrick Bertosade veiller au choix des costumes (canotiers, redingotes, robes pastel, jupes à tournure, plumes et rubans qui respirent la Belle Époque sans tomber dans la caricature) et, de surcroît, d’interpréter l’un des personnages importants de l’opérette. Pouvoir revendiquer tant de casquettes en un temps si court relève d’un exploit artistique et logistique remarquable. Un énorme bravo pour pareille performance peu commune !

Un spectacle de plaisir accueilli avec chaleur par le public

Techniquement bien huilée, visuellement cohérente, musicalement fraîche, la production de Chansons de Paris atteint pleinement son objectif : faire revivre l’esprit de l’opérette française dans ce qu’elle a de plus souriant et de plus accessible : un spectacle de« plaisir », servi avec sincérité, rigueur et entrain qui remplit parfaitement son rôle de divertissement culturel véritable antidote au sérieux et morose climat ambiant.

Le public, a accueilli avec chaleur cette opérette pétillante qui renoue avec l’esprit léger et populaire de la Belle Époque : une production enjouée preuve que le charme du genre n’a rien perdu de son éclat.

Christian JARNIAT
22 novembre 2025

Direction musicale : Sébastien Driant
Mise en scène et Chorégraphie 
: Serge Manguette
Conseillère artistique 
: Melcha Coder

Adrienne : Laeticia Goepfert
André 
: Rémy Mathieu
Nichette 
: Priscilla Beyrand
Casimir, Michael 
Serge Manguette
Archibald, Gaétan 
: Gilles San Juan
Héloïse 
: Isabelle Bourgeais

Ballet : Anna-Louisa Cashmore, Ginevra de Masi, Virginia de Masi, Tamara di Pietro, Fabio Prieto Bonilla, Nicolaos Kafetzakis

Accordéoniste : Karinne Mussault
Orchestre Philharmonique de Nice

1Chansons de Paris a fait l’objet d’un enregistrement discographique avec la distribution suivante : Jean-Marie Joye (André de Lussac), Claudine Granger (Adrienne), Jacques Legrand (Gaétan), Jacqueline Rivoir (Nichette), Jacques Taylès (Casimir/Micaël). Chœurs et orchestre lyrique, direction Jean-Claude Hecht.
1 disque vinyl 30cm DDF 017 (1981)

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