A 39 ans Benjamin Bernheim a atteint une notoriété exceptionnelle dans l’univers de l’art lyrique et pour un artiste français, né à Paris, on ne peut que se réjouir de cette réussite prodigieuse qui honore notre pays.
Un ténor à la prestigieuse carrière lyrique internationale
Énumérer les scènes sur lesquelles il s’est produit constituerait un catalogue interminable. Qu’il suffise de citer quelques unes des plus éminentes qui l’ont accueilli : Opéra de Vienne, Scala de Milan, Royal Opera House de Londres, Opéra de Paris, Metropolitan Opéra de New York ; Opéras de Berlin, Munich, Dresde ou Zurich ; Festival de Salzbourg et tant d’autres encore…
Son répertoire éclectique va de Mozart à Richard Strauss en passant par les compositeurs belcantistes (Bellini,Donizetti), Verdi, Tchaïkovski, Puccini et les œuvres lyriques des musiciens français dans lesquelles il excelle : Gounod (l’électrisant Roméo aux côtés de la fascinante Juliette d’Elsa Dreisig dans la mise en scène de Thomas Jolly à l’Opéra de Paris en juin 2023. Un Roméo qu’il a repris en mars 2024 au Met avec Nadine Sierra). Autres compositeurs qu’il affectionne : Massenet et Offenbach (le protagoniste des Contes d’Hoffmann l’un de ses emplois fétiches qu’il a chanté à Hambourg, Paris, Salzbourg1, New York (avec retransmission cinématographique dans le monde entier)
Parmi les nombreuses distinctions reçues par le ténor soulignons celle de « Meilleur chanteur 2024 » décerné par la prestigieuse institution des « International Opera Awards ».
Il a été invité à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris au stade de France pour chanter « L’Hymne à Apollon » de Gabriel Fauré puis à la clôture des Jeux Paralympiques et enfin lors de la cérémonie de la réouverture de Notre-Dame de Paris ou il a interprété l’«Ave Maria» de Schubert accompagné par l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Gustavo Dudamel.
La parfaite adéquation avec le répertoire français fruit d’un exceptionnel travail d’élocution
Dans de nombreuses interviews, Benjamin Bernheim défend son amour profond pour le répertoire lyrique français.
Il déclarait lors d’un entretien sur la Radio Télévision Suisse en décembre 2024 :
« Ce que je veux amener sur scène, c’est permettre au public d’entendre chaque mot. Et quelle que soit la langue, le français, l’allemand, le russe et l’italien, que les gens qui parlent la langue de l’opéra que je chante n’aient pas besoin de regarder les surtitres et puissent comprendre que j’ai vraiment fait un travail d’élocution, un travail de voix, de mise en bouche. C’est un travail de longue haleine ». On en a parfaitement conscience en l’entendant chanter avec une implication et une ferveur qui n’appartiennent qu’à lui !
Outre l’art lyrique, l’ambassadeur accompli de la mélodie au disque et sur scène
Benjamin Bernheim a enregistré en août 2024 pour la firme Deutsche Grammophon un album en solo intitulé Douce France inspiré par sa longue fréquentation de la mélodie : Mélodies & Chansons contenant notamment 6 extraits des Nuits d’Eté de Berlioz, Le Poème de l’amour et de la mer de Chausson, 4 mélodies de Duparc ainsi que 3 chansons : « Les Feuilles mortes » de Joseph Kosma, « Douce France » de Charles Trenet, « Quand on a que l’amour » de Jacques Brel, sur des arrangements de Guy-François Leuenberger accompagné par Carrie-Ann Matheson pianiste, chef d’orchestre et pédagogue de renommée internationale (et depuis janvier 2021, directrice artistique du San Francisco Opera Center et du Merola Opera Program). Elle a collaboré avec de nombreux chanteurs d’opéra tels que Rolando Villazón, Jonas Kaufmann, Piotr Beczała, Diana Damrau, Thomas Hampson et Joyce DiDonato…
Préalablement à cet enregistrement Benjamin Bernheim avait donné un récital à la Scala de Milan en octobre 2023 avec au programme Chausson et Duparc, des mélodies italiennes de Mascagni et Pizetti et celles de Puccini reprises à Monte-Carlo (avec en sus à Milan « Morire » variante de l’air« Parigi è la città dei desideri » chanté par Ruggero dans La Rondine) et en novembre 2024 à l’Opéra Garnier de Paris le même récital qu’a Monte-Carlo mais avec Les Nuits d’été de Berlioz au lieu des mélodies espagnoles et italiennes
Le récital à l’Opéra Garnier de Monte-Carlo : un moment de grâce musicale et vocale ineffable !
Pour le récital à l’Opéra de Monte-Carlo, on retrouvait « L’Invitation au voyage », « Chanson Triste » et « Phidylé » de Duparc, et Le Poème de l’amour et de la mer de Chausson auxquels se rajoutaient « L’Absent » de Charles Gounod, « L’Heure Exquise » de Reynaldo Hahn et les mélodies de Frédéric Mompou, Joaquin Turina et Alberto Ginastera ainsi que celles de Giacomo Puccini dans lesquelles on pouvait reconnaître des passages de Manon Lescaut (l’air de de Grieux du premier acte « Donna non vidi mai » et le quatuor du 3ème acte de La Bohème.)
L’univers musical français convient idéalement à la clarté de son timbre. La perfection de sa diction (un modèle difficilement surpassable !) son extrême sensibilité et son raffinement interprétatif font de Benjamin Bernheim un immense artiste.
Au piano, Carrie-Ann Matheson sa partenaire privilégiée l’accompagnait de son toucher admirable. Tout se joignait ici en une sublime osmose : beauté sonore ineffable, élégance du phrasé, style idéal et suprême musicalité.
En conclusion de son récital le ténor interprétait « Les Feuilles mortes » de Joseph Kosma, « Douce France » de Charles Trenet et « Quand on a que l’amour » de Jacques Brel. Les grands chefs-d’œuvre n’ont pas d’âge et transcendent les formes comme les genres. . Benjamin Bernheim le démontre à merveille et avec quelle éloquence !2
Dans une interview avant son récital à l’Opéra de Paris le ténor s’exprimait en ces termes sur ces chansons de Kosma, Trenet et Brel : « Je chante la mélodie française de compositeurs tels qu’Henri Duparc, Hector Berlioz ou Ernest Chausson comme je chante la chanson française. Pour moi il n’y a pas de différence quel que soit le courant musical : c’est du texte en fait et la chanson française, que ce soit Brassens, Aznavour, Kosma,Trenet ou Brel, ce sont de très beaux textes, c’est de la belle poésie mise en musique »
Vous avez mille fois raison Benjamin Bernheim ! La musique est « toute une » lorsque à la fois elle séduit l’esprit et touche le cœur !
En bis, Benjamin Bernheim a interprété avec un art consommé (et de subtils pianissimi) la romance de Nadir des Pêcheurs de Perles « Je crois revoir encore…. » ainsi que l’air de Werther « Pourquoi me réveiller ». ll doit chanter dans quelques semaines l’oeuvre de Massenet au Théâtre des Champs-Élysées entouré de prestigieux partenaires à savoir Marina Viotti (Charlotte), Stéphane Degout (Albert) et Sandra Hamaoui (Sophie).
Christian Jarniat
9 février 2025
1Voir notre article sur Les Contes d’Hoffmann au Festival de Salzbourg dans notre chronique « Opéra »
2Rappelons que la cantatrice Patricia Racette, titulaire de grands rôles de soprano au Metropolitan Opera de New-York (Butterfly, Mimi, Tosca, Violetta) – 48 h après avoir interprété à l’Opéra de Monte Carlo le rôle d’Anna Maurrant dans Street Scene de Kurt Weil au mois de février 2020 – avait offert sur cette même scène un récital au programme duquel figuraient des chansons d’Edith Piaf : «Milord», «Padam, Padam», «La Vie en rose» et, pour terminer son récital, un poignant «Mon Dieu» de Charles Dumont et Michel Vaucaire repris en bis.
Ténor : Benjamin Bernheim
Piano : Carrie-Ann Matheson