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Opéra de Monte-Carlo : La Clemenza di Tito avec Cécilia Bartoli et une distribution haut de gamme

Opéra de Monte-Carlo : La Clemenza di Tito avec Cécilia Bartoli et une distribution haut de gamme

vendredi 24 janvier 2025

©OMC-Marco Borrelli

Dans le cadre du Festival Mozart proposé par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et l’Opéra de Monte-Carlo, l’Opéra Garnier affichait La Clemenza di Tito créée à Prague au Théâtre des États, le 6 septembre 1791 à l’occasion des célébrations du couronnement de Léopold II roi de Bohème. Le livret de Caterino Mazzolà inspiré de Métastase et de Suétone narre la trahison de Sesto, jeune patricien romain et la révolte fomentée à l’encontre de l’empereur Tito. Pourtant une amitié sincère unissait de longue date les deux hommes. Mais Sesto, éperdument amoureux de Vitellia laquelle aspire à devenir impératrice pour venger son père assassiné depuis un certain nombre d’années par Tito, cède aux instances de cette dernière en s’impliquant dans une conspiration destinée à détruire l’empire. En dépit de cette trahison, Tito finira par accorder son pardon incarnant ainsi la magnanimité d’un souverain sage et généreux.

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©Marco Borrelli

La scénographie de Ben Baur transpose l’action de nos jours avec notamment des costumes contemporains. Le décor unique représente l’intérieur d’un palais stylisé avec, à cour et jardin, des murs en demi-cercle et au centre une arcade munie d’un rideau sur lequel  s’inscrivent,  au fur et à mesure, les titres des diverses séquences de l’action : « Delizia » (« Délice ») car le début de l’œuvre nous invite à la fête et à la danse, « Potenza » (« Puissance ») pour bien marquer l’impact de l’empereur sur sa cour, « Tradimento » (« Trahison ») avec pour conséquence le palais du Capitole ravagé et réduit en cendres, et bien sûr « Clemenza » (« Clémence ») pour le dénouement dans la mesure où l’ouvrage se termine par le pardon de l’empereur.

Au Festival de Salzbourg d’abord pour Pentecôte puis l’été dernier – déjà avec Cécilia Bartoli – le metteur en scène Robert Carsen,  s’était livré à une transposition de l’action à notre époque, modifiant de surcroît profondément le sens de la scène finale du deuxième acte ainsi que le rapporte notre correspondant Luc Henri Roger dans son article du 5 août 20241  : « après que Vitellia a renoncé à l’amour et au pouvoir, elle change brutalement son fusil d’épaule ; ses partisans ont envahi la scène et les tribunes d’arrière-scène, Sesto est arrêté, Vitellia prend le pouvoir et fait assassiner Tito. Inutile clemenza, le pardon a été inutile. Terrible miroir de notre temps, la conclusion de Carsen s’alimente des tristes réalités des dictatures contemporaines. La probité, le désintéressement, le sens du service et du bien public, la clémence ne sont pas d’actualité. L’ont-ils jamais été ? »

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©Marco Borrelli

La néerlandaise Jetske Mijnssen suit à Monte-Carlo un chemin parallèle a celui de Robert Carsen : mise en scène, comme on l’indiquait, transposée à notre époque et, en outre, conclusion également distincte de celle du librettiste d’origine : Tito après avoir brandi un revolver menaçant son entourage, se suicide. Ce geste peut s’avérer psychologiquement compréhensible : son meilleur ami, son plus proche confident l’a trahi, a conspiré contre lui et a incendié son palais et Vitellia, la femme qu’il s’apprêtait à épouser, le hait. Elle est en outre, le cerveau de la conspiration pour venger son père qui, jadis, a été détrôné et assassiné par Tito. Comment ce dernier pourrait il trouver dans l’avenir un sens à sa propre vie, entouré de tels proches, même en ayant fait preuve de clémence ?

Comme au Festival de Salzbourg les musiciens du Prince-Monaco officient dans la fosse sous la baguette de leur chef titulaire Gianluca Capuano qui dirige avec autant de ferveur que d’implication l’œuvre de Mozart.

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©Marco Borrelli

La distribution haut de gamme rend justice à l’œuvre.

Bien évidemment on ne peut qu’admirer la virtuosité de la directrice de l’Opéra de Monte-Carlo, Cécilia Bartoli, qui se révèle comme toujours une admirable technicienne du chant après une carrière déjà longue de 38 années où elle aura abordé une multitude de rôles aussi bien dans le répertoire baroque, que dans celui de Mozart ou encore dans celui des compositeurs belcantistes et plus particulièrement Rossini. L’extension exceptionnelle de sa voix du grave à l’aigu lui a permis de servir avec une agilité déconcertante ces divers répertoires. Devenue l’une des artistes les plus célèbres et les plus appréciées dans le monde lyrique, elle assume également la direction artistique du Festival de Pentecôte de Salzbourg, tout en développant des programmes interprétés en parallèle avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne. Son Sesto (rôle travesti) interprété à de nombreuses reprises au long de sa carrière démontre, une fois de plus, son art consommé du chant et du théâtre suscitant, comme il fallait s’y attendre, l’enthousiasme du public monégasque.

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©Marco Borrelli

A ses côtés nous avons retrouvé avec plaisir le ténor Giovanni Sala, que nous avions tout particulièrement apprécié dans le rôle de Cassio d’Otello de Verdi au Festival d’Aix-en-Provence, puis il y a quelques mois, à la Scala de Milan dans un fringant Prunier de La Rondine de Puccini. Contrairement à certaines voix mozartiennes de ténor qui sont quelquefois étroites, frêles et nasales, chez lui la beauté du timbre prédomine clair, ardent, incisif quand il le faut. Et comme le comédien vaut le chanteur, le rôle de Tito prend avec lui tout son sens.

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©Marco Borrelli

Mané Galoyan fait valoir une superbe voix de soprano lyrique, puissante, aux aigus parfaitement assurés, donnant tout son relief vocal et dramatique à l’incarnation de Vitellia.

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©Marco Borrelli

Anna Tetruashvili, dans le deuxième rôle travesti, celui d’Annio, déploie une grâce évidente et un art du chant consommé

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©Marco Borrelli

Belles prestations également de la raphaëloise Mélissa Petit en Servilia et de Péter Kálmán- déjà apprécié à plusieurs reprises sur cette scène – dans le rôle de Publio. Chœurs toujours aussi impeccables sous la houlette de Stefano Visconti .

On se doit de souligner l’homogénéité de cette distribution ainsi que la qualité des artistes qui, une fois de plus, viennent corroborer, si besoin était, que la scène monégasque demeure celle d’un grand théâtre lyrique international.

Christian Jarniat

24 janvier 2025

1https://resonances-lyriques.org/festival-de-salzbourg-2024-la-clemenza-di-tito-ou-le-pardon-inutile/

Direction musicale : Gianluca Capuano
Mise en scène : Jetske Mijnssen
Décors et Costumes : Ben Baur
Lumières : Bernd Purkrabek
Chef de chœur : Stefano Visconti
Assistante à la mise en scène : Kim Mira Meyer
Chef de chant : David Zobel
Assistant aux lumières : Dino Strucken

Distribution :

Tito : Giovanni Sala
Vitellia : Mané Galoyan
Sesto : Cecilia Bartoli
Servilia : Mélissa Petit
Annio : Anna Tetruashvili
Publio : Péter Kálmán

Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo
Les Musiciens du Prince-Monaco

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