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Opéra de Monte-Carlo : C’est magnifique !  Concert de Roberto Alagna 36 ans après ses débuts en Principauté

Opéra de Monte-Carlo : C’est magnifique !  Concert de Roberto Alagna 36 ans après ses débuts en Principauté

lundi 1 décembre 2025

©OMC – Marco Borrelli

La première apparition de Roberto Alagna à l’Opéra de Monte-Carlo remonte à janvier 1989. À cette époque, on y affiche La Traviata de Verdi, mais Fernando de la Mora le ténor initialement engagé tombe malade. On fait alors appel, en dernière minute, à un jeune chanteur de 26 ans pour le remplacer : Roberto Alagna. Ce soir-là, il chante pour la première fois en Principauté, aux côtés de la soprano Nelly Miricioiu et du baryton Piero Cappuccilli, sous la direction de Lawrence Foster et dans une mise en scène de Pier Luigi Pizzi.

Ce coup d’éclat marque le début d’une longue fidélité entre le ténor franco-sicilien et la scène monégasque. Il reviendra notamment pour La Bohème de Puccini en mars 1990, puis pour Roberto Devereux de Donizetti en janvier 1992 avant d’interpréter L’Amico Fritz de Mascagni en 1999, Il Trovatore de Verdi en 2001, Cyrano de Bergerac d’Alfano en 2008, Adriana Lecouvreur de Cilea en 2017, Luisa Miller de Verdi en 2019 (à l’Auditorium Rainier III), Tosca de Puccini en 2024 (au Grimaldi Forum).

Le 1ᵉʳ décembre 2025, Roberto Alagna retrouvait donc l’Opéra de Monte-Carlo, trente-six ans après ses débuts in loco, pour un nouveau triomphe. Un parcours exceptionnel qui illustre la longévité et la vitalité d’un artiste dont la voix, toujours lumineuse et ardente, semble défier le temps…

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©OMC – Marco Borrelli

Roberto Alagna, l’éternelle jeunesse du chant

Voici un artiste qui semble en effet bénéficier du privilège rare de l’éternelle jeunesse.
Quarante ans de carrière, et pourtant, ni le temps ni la fatigue des scènes du monde entier ne semblent avoir eu prise sur Roberto Alagna. La voix demeure vaillante, la présence intacte, l’élan toujours aussi communicatif. Chez lui, la passion du chant n’a jamais été une posture : elle reste un moteur vital.

Il suffit de parcourir quelques jalons de son été 2025 pour mesurer l’intensité d’une activité qui défie toute notion de repos.
Ainsi en juin il était le Chevalier Des Grieux dans Manon à l’Opéra Bastille, le 18 juillet, il incarnait Mario dans Tosca dans le vaste amphithéâtre de plein air du Festival Puccini de Torre del Lago, avant de se retrouver, quelques jours plus tard, au cœur de l’immensité des Arènes de Vérone : le 26 juillet, il endossait l’uniforme de Don José dans Carmen, et le 27, sans autre transition celui de Radamès dans Aida ! Peu d’artistes peuvent se vanter d’une telle endurance dans deux rôles aussi exigeants, tant vocalement que scéniquement surtout en pareil lieu !

L’automne l’a vu ensuite se plonger dans un répertoire plus rare : celui de Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai à l’Opéra de Turin, où il confirma, une fois encore, la noblesse et la puissance expressive d’un chanteur qui ne cesse d’élargir son horizon.
Et déjà, 2026 s’annonce sous le signe de nouveaux défis : dès janvier, Alagna endossera le rôle de Calaf dans Turandot au Royal Opera House de Londres avant d’en reprendre l’interprétation au Metropolitan Opera de New York en mai.

Entre ces rendez-vous lyriques, il continue d’embraser les grandes salles françaises, du Palais des Congrès à Paris aux Zéniths de province, avec son  Boulevard des Italiens, témoignage d’un amour constant pour la chanson de sa deuxième patrie.
Enfin, un nouveau projet se profile : une comédie musicale consacrée à Caruso, dont les premières maquettes d’enregistrement sont déjà en préparation.

À l’heure où bien des carrières s’essoufflent, Roberto Alagna, lui, semble chanter comme au premier jour : avec le même éclat, la même générosité, le même dynamisme, le même enthousiasme et ce feu intérieur qui, depuis quatre décennies, continue de rallumer les cœurs des spectateurs.

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©OMC – Marco Borrelli

Un pari audacieux sous les ors de la Salle Garnier à Monaco

Le titre sonnait comme une promesse : C’est magnifique ! Et la soirée le fut à plus d’un titre et le ténor invité de prestige de l’Opéra de Monte-Carlo, y présentait un concert à son image : généreux, éclectique, résolument tourné vers le cœur du public (avec un micro pour ses toutes premières chansons puis sans micro tout le restant de la soirée). Ni récital d’opéra traditionnel ni simple divertissement, ce programme offrait un voyage à travers les musiques qui ont façonné l’imaginaire du chanteur : mélodies napolitaines, standards internationaux, opérettes de Francis Lopez avec en filigrane l’écho d’un parcours singulier, celui d’un artiste ayant su concilier la noblesse du chant lyrique et la chaleur populaire de ses origines.

Dans une salle Garnier comble, l’événement s’inscrivait dans la saison 2025-2026 de la maison monégasque dirigée par Cecilia Bartoli : une saison éclectique marquée par l’ouverture et la curiosité. Ce récital s’annonçait comme un prolongement de cette politique : faire dialoguer les genres, abolir les frontières, et rappeler qu’avant d’être un sanctuaire, l’opéra fut un lieu de vie et d’émotion directe à destination d’un public populaire.

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©OMC – Marco Borrelli

Entre deux mondes : la musique du cœur

Le programme, concocté par Roberto Alagna et José Pick à la tête du Golden Pick Orchestra, déroulait une mosaïque de titres où se mêlaient la grande chanson et la petite symphonie intime.
De«
  C’est magnifique » à « My Way », en passant par « Bella Ciao » ou « Caruso », le ténor revisitait un demi-siècle de chansons emblématiques comme « Granada », « Piensa en mi »,            « Because »,  «  Parla piu piano » et les incontournables airs napolitains : « O sole mio», « Core’ngrato » et « Funiculi Funicula ».

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©OMC – Marco Borrelli

La direction de Pick, souple et colorée, enveloppait le chanteur d’un écrin orchestral raffiné, évitant les arrangements étriqués de variétés pour retrouver le souffle des grands orchestres de studio des années 1950. Quelques touches jazzy, une guitare espagnole, un accordéon tendre : tout concourait à créer une atmosphère de cabaret élégant, mi-parisien mi-napolitain.

Mais l’essentiel était ailleurs : dans la sincérité absolue d’un artiste chantant « ce qu’il aime », loin des contraintes du grand répertoire. « Je voulais partager les chansons que j’écoutais enfant avec mes parents », confiait Alagna dans la perspective de ce concert : et c’est bien ce sentiment filial et fraternel qui traversa la soirée.

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©OMC – Marco Borrelli

Une voix souple et une émotion intacte

Trente années de carrière n’ont pas entamé la solidité de l’instrument : la projection reste ample, la diction limpide, l’émission rayonnante, l’aigu assuré. Dans « O Sole Mio » ou « Core ’ngrato », Alagna retrouve l’ardeur des cabarets napolitains : voix de plein air, vibrato généreux, accent sincère. Dans « My Way » ou «  Piensa en mi », il joue la carte de la confidence, l’articulation claire, le phrasé délicatement parlé-chanté : une justesse d’intention rare chez un chanteur venu du monde lyrique. Le récital s’impose ainsi comme une leçon d’humilité : Alagna n’imite pas Sinatra, il raconte sa vie à travers les mots d’un autre.

L’accompagnement du Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo apportait par moments une texture quasi cinématographique, amplifiant la dimension de spectacle sans jamais la dénaturer. Les choristes eurent aussi la part belle avec Carmina Burana et Nabucco.

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©OMC – Marco Borrelli

L’art du “crossover” maîtrisé»

Il est toujours périlleux, pour un ténor d’opéra, de s’aventurer sur les terres de la chanson : trop souvent la ligne lyrique y paraît surdimensionnée, ou au contraire forcée vers un style « variété » artificiel. Ici, rien de tel. Le secret réside sans doute dans la fidélité à soi-même : Alagna ne cherche ni à se travestir en crooner, ni à « faire populaire » ; il chante avec la même sincérité que dans Cavalleria rusticana ou Pagliacci.

La frontière entre opéra et chanson s’efface alors : seule demeure la voix humaine, au sens le plus vrai du terme. Et l’on comprend soudain que le “crossover” n’est pas un compromis, mais un prolongement naturel du chant, lorsqu’il reste nourri d’authenticité.

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©OMC – Marco Borrelli

Une soirée de mémoire, de transmission et de complicité

Ce C’est magnifique ! résonne aussi comme une déclaration d’amour à la mémoire. Mémoire d’une enfance italienne en banlieue parisienne, mémoire des refrains entendus dans les bals ou les cafés, mémoire d’un temps où la chanson était un art de vivre.
Le public, conquis, retrouvait dans ce répertoire l’écho d’une époque où Luis Mariano, Tino Rossi, Charles Aznavour faisaient rêver les foules sans hiérarchie entre « variété » et « classique ».

Alagna, en rendant hommage à ces figures, rappelle que la chanson fut souvent la première école du belcanto populaire : l’école du souffle, de la ligne, de la diction. L’émotion n’est pas feinte : l’artiste touche un point de vérité pure, loin de toute grandiloquence.

Pour conclure son récital, Roberto Alagna a tenu à rendre hommage à un répertoire qu’il affectionne tout particulièrement : celui de l’opérette française. Il a ainsi offert au public un bouquet final composé d’airs de Francis Lopez, parmi lesquels « L’amour est un bouquet de violettes » extrait de Violettes impériales, « La Belle de Cadix », « Rossignol de mes amours » et, bien sûr, l’incontournable « Mexico » tiré du célèbre Chanteur de Mexico, qui fit jadis la gloire de Luis Mariano.
D’ailleurs, bien des points communs rapprochent les deux ténors : la même énergie solaire, la beauté rayonnante du timbre, la clarté du registre aigu et cette générosité communicative du sourire.

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©OMC – Marco Borrelli

Toujours attentive et enthousiaste, Cécilia Bartoli, directrice de l’Opéra de Monte-Carlo, est venue elle-même rejoindre Roberto Alagna sur scène, fidèle à sa jovialité coutumière. Ensemble, ils ont recréé un délicieux moment de complicité avec Angelina de Louis Prima – que le ténor transforma malicieusement en Cécilia – dansant et s’enlaçant sous les applaudissements d’un public conquis.

Dernier clin d’œil du destin : trois mois, presque jour pour jour, séparent leurs débuts respectifs sur la scène monégasque. En janvier 1989, Roberto Alagna y faisait ses premiers pas dans le rôle d’Alfredo de La Traviata de Verdi, tandis qu’en mars de la même année, Cécilia Bartoli y incarnait une pétillante Rosina dans Le Barbier de Séville de Rossini. Trente-six ans plus tard, ces deux artistes d’exception se retrouvaient enfin réunis dans la même soirée, sous les ors du Grimaldi Forum, pour célébrer la musique, la joie et une amitié scellée par le temps.

Oui, décidément… C’était magnifique !

Christian JARNIAT
1er décembre 2025

Direction musicale : José Pick
Ténor : Roberto Alagna

Golden Pick Orchestra
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo (chef de choeur  : Stefano Visconti) 

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©OMC – Marco Borrelli

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