Ernest Reyer (1823-1909) : un compositeur qui mérite d’être redécouvert
Le nom d’Ernest Reyer n’évoque aujourd’hui que de vagues souvenirs chez un grand nombre de mélomanes. Il fut pourtant l’un des compositeurs les plus respectés de la scène lyrique française au XIXe siècle. Ami de Berlioz, il incarne une figure singulière du romantisme musical français, entre tradition classique, souffle épique et exotisme sonore. Admiré par Wagner, les deux hommes se sont rencontrés au moins une fois à Triebschen, près de Lucerne, où Wagner résidait à l’époque. Lors de cette rencontre, Wagner a accueilli Reyer avec chaleur, en reconnaissance du soutien que le compositeur marseillais lui avait prodigué pour ses œuvres. Reyer a d’ailleurs relaté cette visite dans ses écrits.
Né à Marseille en 1823, Louis Étienne Ernest Rey, dit Reyer, s’oriente d’abord vers le droit avant de céder à sa passion pour la musique. Autodidacte, il se forme en autodiscipline, grâce aux conseils de son cousin Louis Niedermeyer. Rapidement, il s’impose dans les cercles musicaux parisiens. Son originalité : une synthèse entre le grand opéra français hérité de Meyerbeer et le goût du pittoresque et de l’exotisme, très en vogue dans la seconde moitié du XIXe siècle. Toutefois Reyer donnera sa pleine mesure dans l’opéra. S’il compose aussi de la musique symphonique et des pièces vocales, c’est surtout la scène qui révèle la puissance dramatique et orchestrale de son style.
La Statue (1861) conte lyrique orientaliste situé à Bagdad qui séduit par son mystère, son atmosphère onirique et ses touches exotiques préfigure des œuvres comme Lakmé ou Thaïs. D’un ton plus grave Érostrate (1862) s’inspire d’un récit antique sur la folie destructrice d’un homme en quête de célébrité. Sigurd (1884) adaptation française du mythe nordique de Siegfried est son chef-d’œuvre. La fresque orientale Salammbô (1890) mêle sensualité, violence et lyrisme flamboyant.
Reyer s’accomplit par ailleurs comme critique musical élégant et érudit notamment au Journal des Débats.
Les récentes redécouvertes de Sigurd et les nouvelles lectures de Salammbô redonnent voix à ce compositeur raffiné, qui mérite mieux que l’oubli.
Redécouvrir Reyer, permet de redonner une place au romantisme français dans toute sa grandeur, loin des clichés, avec une exigence formelle et une audace de coloriste qui n’ont rien à envier à ses contemporains.
Citons à cet égard le commentaire de Piotr Kaminski dans son ouvrage Mille et un opéras : « (cette œuvre) apparaît mâle et puissante, poétique et colorée… riche en opportunités théâtrales… et vocales… en tout point digne de reprendre sa place au répertoire. »
Sigurd l’œuvre la plus connue d’Ernest Reyer
En 1876, Ernest Reyer fut admis à l’Académie des Beaux-Arts, succédant à Berlioz et à Félicien David, mais il ne s’était pas encore imposé comme compositeur d’opéra. Après des années de malchance, le succès vint à la fin de sa vie, en janvier 1884, avec Sigurd, opéra en 4 actes et 9 tableaux d’après le Nibelungenlied et les récits mythologiques contenus dans Les Eddas.
La réputation de Reyer repose essentiellement sur Sigurd. En dépit de cette fragilité ce seul titre constitue l’une des œuvres les plus impressionnantes de la fin du XIXe siècle en France. Comme la Tétralogie monumentale de Wagner, elle s’inspire de la légende nordique de Siegfried et Brunehild, sans pour autant subir l’influence de l’ Anneau du Nibelung : son langage ou sa structure ne sont pas particulièrement wagnériens.
A noter que le nom de l’héroïne, tel que figurant sur la partition originale de Sigurd, s’orthographie ainsi : « Brunehild » ( sans e final ni tréma sur la lettre « u »)
Reyer et ses librettistes anticipent dans leurs travaux les deux derniers volets de la Tétralogie de Wagner
Le livret de Sigurd fut rédigé d’une part, par Camille du Locle (1832-1903) – qui avait également rédigé le livret de Don Carlos de Verdi pour la version française initiale donnée à l’Opéra de Paris en 1867 – et d’autre part par Edouard Blau (1836-1906), à qui l’on doit le texte d’Esclarmonde et de Werther de Massenet.
Reyer esquissa initialement Sigurd en 1862, à une époque où aucune partie du Ring de Wagner n’avait été encore représentée. Il l’acheva en 1867 (soit deux ans avant la création de L’Or du Rhin en 1869 à Munich )
Ceci démontre, contrairement à ce que certains peuvent penser, que Reyer s’était inspiré de la Légende des Nibelungen avant Richard Wagner puisque Siegfried fut créé en 1876 ainsi d’ailleurs que Le Crépuscule des Dieux.
Les influences musicales qui imprègnent l’œuvre de Reyer
Les influences musicales qui imprègnent Reyer sont principalement celles de Weber (1786-1826), du grand opéra français de Meyerbeer (1791-1864), de Berlioz (1803-1869) et accessoirement de Verdi (1813-1901), de Gounod (1818-1893), de Massenet (1842-1912). On peut considérer que ce sont surtout ces musiciens qui l’ont inspiré et que si Reyer devait quelque chose à Wagner, ce serait davantage vers Lohengrin (1850) qu’il conviendrait de se tourner.
Ernest Reyer se situe au carrefour de plusieurs esthétiques : le grand opéra français, le goût de l’orientalisme, mais aussi un art du récit musical très personnel. En cela, il préfigure des compositeurs comme Dukas, Roussel ou même Ravel.
Il faut donc écouter Sigurd en évitant surtout d’établir une quelconque comparaison avec le Ring de Wagner (même si l’inspiration textuelle porte sur des sources littéraires communes) monument que le musicien marseillais ignorait nécessairement – les dates parlent d’elles mêmes – quand il composait son opéra.
La création de l’œuvre à Bruxelles en 1884 puis à l’Opéra de Paris en 1885
L’œuvre a attendu de nombreuses années avant de pouvoir être jouée dans son intégralité. En effet, au cours de sa longue gestation, l’orchestration des différents fragments progressait très lentement. Une fois terminés, diverses salles de concert les accueillirent. Le projet original de monter l’œuvre à l’Opéra de Paris ayant échoué, la création de Sigurd eut lieu au théâtre de la Monnaie à Bruxelles le 7 janvier 1884 avec Julien Jourdain (Sigurd), Rose Caron (Brunehild), Maurice Devries (Gunther), Rosa Bosman (Hilda), Blanche Deschamps-Jéhin (Uta), Léon Gresse (Hagen)
Dans les mois qui suivirent Sigurd fut joué avec beaucoup de succès au Royal Opera House de Londres, en version italienne (juillet 1884) puis à l’Opéra de Lyon (janvier 1885) et à l’Opéra de Monte-Carlo (mars 1885). Plus tard on le trouve encore à l’affiche du French Opera House de la Nouvelle-Orléans (1891) et à la Scala de Milan (1894).
Entre temps l’Opéra de Paris, constatant la viabilité de l’œuvre de Reyer, la monta le 12 juin 1885 avec Henri Sellier (Sigurd), Rose Caron (Brunehilde), Jean Lassalle (Gunther), Rosa Bosman (Hilda). Elle recueillit un franc succès. On note des représentations à l’Opéra de Paris notamment en 1891 (centième représentation) avec Henri Sellier, en 1905 avec Auguste Affre, en 1923 avec Paul Franz et en 1934 avec José Luccioni (soit au total 252 représentations).
Soulignons que, contrairement à des idées reçues, Georges Thill n’a jamais chanté le rôle de Sigurd (seulement quelques extraits discographiques) et si César Vezzani a souvent endossé en province le costume du héros mythique il n’a, pour autant, jamais foulé les planches de l’Opéra de Paris.
Quelques représentations ultérieures de Sigurd
Sans vouloir être exhaustif on donnera ci-après quelques exemples des représentations de Sigurd :
– A l’Opéra de Nice avant la première guerre mondiale, entre les années 1900 et 1912 : en douze saisons Sigurd a été programmé au cours de 11 saisons sur 13 ! Et après la guerre entre les années 1919 et 1929 l’œuvre de Reyer a été affichée lors de 9 saisons sur 11 !
– L’Opéra de Nancy choisit Sigurd pour inaugurer le nouveau bâtiment en 1919 (à la suite de la destruction de l’ancien ravagé par un incendie en 1906, après une représentation de Mignon)
Dans les années précédant la deuxième guerre mondiale, l’opéra disparaît progressivement des scènes.
– Dans une période relativement proche on retrouve l’œuvre de Reyer à Montpellier en 1994, à Genève en 2013, et à Erfurt en 2015 (voir en annexe les distributions, ces productions ayant fait l’objet d’enregistrements).
– Sigurd réapparaît à l’Opéra National de Lorraine Nancy en 2019 pour le centenaire de son inauguration avec la distribution suivante : Peter Wedd (Sigurd), Catherine Hunold (Brunehild), Camille Schnoor (Hilda), Jean-Sébastien Bou (Gunther), Jérôme Boutillier (Hagen), Nicolas Cavallier (Le Grand Prêtre d’Odin), Marie-Ange Todorovitch (Uta). Direction Musicale : Frédéric Chaslin.
Les représentations à l’Opéra de Marseille entre 1889 et 1995
– La première représentation de Sigurd à l’Opéra de Marseille eut lieu le 28 mars 1889 avec Henri Sellier, Gabriel Soulacroix, Caroline Fiérens, Guillemot, Pirotte (12 représentations et 23 deux saisons après)
– En décembre 1924 à l’occasion de la reconstruction de l’Opéra suite à l’incendie Sigurd s’affiche avec Georges Cazenave, Mathilde Comès, Yves Noël, Jacqueline Royer et Sabran
Avant la seconde guerre mondiale l’Opéra de Marseille ne manquait pas de monter Sigurd avec une énorme machinerie, des chevaux sur scène et des chœurs opulents.
– En janvier 1963, alors sous la direction de Louis Ducreux, l’œuvre d’Ernest Reyer réunit : Gustave Botiaux (Sigurd), HeliaT’Hezan (Brunehild ), René Bianco (Gunther), Jacqueline Silvy (Hilda), Hélène Andrea (Uta), Henri Médus (Hagen), Adrien Legros (Le Grand Prêtre). Direction musicale : Jean Trick, mise en scène : Pierre Héral.
(Le journaliste Alex Mattalia du Méridional-La France souligne à cette occasion que Sigurd réalise la meilleure recette de la saison en termes d’entrée depuis Carmen !)
– En juin 1995, Sigurd revient dans l’opéra de la cité phocéenne (Direction Élie Bankhalter ) avec Alberto Cupido (Sigurd), Françoise Pollet (Brunehild), Jean-Philippe Lafont (Gunther), Cécile Perrin, (Hilda), Viorica Cortez (Uta), Antoine Garcin (Hagen) et Jean-Marc Ivaldi (Le Grand Prêtre). Direction musicale : Dietfried Bernet. Mise en scène : Albert André Lheureux, Coproduction entre l’Opéra de Marseille et l’Opéra de Montpellier (dont on peut retrouver une intégrale vidéo sur You Tube découpée en 4 parties)
Rappelons que le foyer de l’Opéra de Marseille porte le nom d’Ernest Reyer et que son actuel Directeur, Maurice Xiberras, a fait monter Salammbô en septembre 2008 avec Kate Aldrich, Murielle Ogier-Tomao, Gilles Ragon, Sébastien Guèze, Jean-Philippe Lafont. Direction musicale :Lawrence Foster. Mise en espace : Yves Coudray.
L’argument de Sigurd
.Acte 1 – Brunehild, déesse tombée en disgrâce, se trouve prisonnière d’un cercle de feu magique et d’êtres surnaturels sur un mont inaccessible. Au palais, le roi Gunther, roi des Burgondes veut épouser cette guerrière, mais seule une âme pure pourra braver les flammes et l’approcher. Hilda, la sœur de Gunther est éprise de Sigurd, jeune héros au cœur noble et à la force surhumaine. A l’instigation de sa nourrice (Uta), elle donne à Sigurd une potion qui l’amène à ses pieds. Sigurd, Gunther et Hagen se jurent alors fidélité et se mettent en route pour l’Islande, où Brunehild est endormie sur un rocher élevé.
Acte 2- Sigurd accepte d’aider Gunther à conquérir la Walkyrie. En contrepartie Gunther lui promet la main de sa sœur Hilda. Sigurd, doit vaincre les monstres, passer à travers les flammes, et gagner Brunehild pour Gunther en se faisant passer pour lui avec son visage dissimulé par sa visière. Brunehild, en toute innocence, accepte celui qu’elle croit être Gunther comme son sauveur et se donne à lui.
Acte 3 – On doit donc célébrer les noces de Gunther et Brunehild ainsi que celles de Sigurd et Hilda. Mais, un éclair fendant, le ciel Brunehild prend conscience d’un destin qui a été tronqué.
Acte 4 – Par la suite, le secret est révélé par Hilda dans un accès de jalousie, ce sur quoi Brunehild libère Sigurd de l’enchantement de la potion. Il reconnaît alors en Brunehild son épouse ordonnée par les dieux, et ils chantent ensemble un duo d’amour passionné. Mais avant que Sigurd ait pu goûter à ce récent bonheur, il est traîtreusement tué par Gunther durant une partie de chasse. Son corps est ramené au palais, et Brunehild se suicide en se jetant dans le bûcher funéraire. Une apothéose magistrale clôture l’opéra quand les esprits de Sigurd et de Brunehild s’élèvent au paradis.
Sigurd à l’Opéra de Marseille en 2025 pour fêter le centenaire de la reconstruction du théâtre
Une œuvre monumentale fort justement remise à l’honneur
La rareté de Sigurd, résulte notamment de ses exigences logistiques et musicales d’opéra monumental aux accents wagnériens par sa puissance et son souffle épique. Il demeure néanmoins typiquement français sur le plan musical et celui d’une inspiration qui lui est propre.
L’Opéra de Marseille, fidèle à sa tradition de résurrection du grand répertoire lyrique hexagonal (on pense à Salammbô, à L’Africaine, aux Huguenots) signe ici un événement artistique majeur et un geste patrimonial fort. L’œuvre est représentée en cette saison 2024/2025 car elle correspond au centenaire de la reconstruction de l’Opéra de Marseille (1924) détruit le 13 novembre 1919 par un incendie qui ravagea entièrement le théâtre n’épargnant que les colonnes du péristyle et les murs maîtres.
Son directeur actuel Maurice Xiberras indiquait que pour fêter ce centième anniversaire, il ne pouvait pas faire moins que de représenter l’œuvre la plus emblématique du compositeur marseillais Ernest Reyer. Pareille initiative ne peut être que chaleureusement salué !
Mise en scène : une poésie visuelle entre légende et abstraction
Charles Roubaud, habitué des œuvres lyriques à grand déploiement scénique (Aida, Turandot, Samson et Dalila, Nabucco…) s’attache pour pareille saga « grandiose » à donner une lecture de l’action la plus lisible possible et respectueuse du texte en bannissant toute boursouflure ou surcharge décorative et ce en parfaite osmose avec sa décoratrice Emmanuelle Favre et sa costumière Katia Duflot. Fidèle à son esthétique personnelle, il transpose cette œuvre comme il l’a fait par exemple pour Verdi (Le Trouvère aux Chorégies d’Orange) ou Wagner (La Walkyrie à l’Opéra de Marseille) plutôt dans le milieu du 20ème siècle dans les années 1930 /1940).
Le décor imaginé par Emmanuelle Favre, avec des formes géométriques strictes et des grands pans coulissants, évoque de manière fluide palais, temples et forêts grâce à l’appui des vidéos suggestives (avec des effets translucides sur plusieurs plans traduisant une atmosphère onirique) de Julien Soulier et des lumières de Jacques Rouveyrollis le tout contribuant a conférer à l’action une allure et un rythme cinématographique dans un univers surnaturel et poétique mêlant adroitement profane et sacré.
Distribution vocale : un plateau d’artistes français de qualité au service de l’épopée
Sigurd entièrement vêtu de blanc – comme un héros mythique paré de la pureté inhérente aux dieux – trouve en Florian Laconi un interprète doté d’un indéniable panache pour assumer ce rôle écrasant, à la tessiture étendue. Vaillance et clarté du timbre se doublent chez cet artiste d’une articulation parfaite et d’une diction exemplaire, le ténor sachant en outre alterner avec bonheur élans héroïques et nuances dans les passages d’un lyrisme élégiaque.
Depuis 25 ans Florian Laconi s’inscrit incontestablement comme l’un des ténors français pouvant revendiquer une carrière éloquente faisant alterner avec bonheur, une multitude de rôles divers aussi bien dans le répertoire d’opéra que dans celui de l’opérette.
En 2001 à l’Opéra de Metz, il interprétait déjà Iwan du Tzarevitch de Franz Lehár et en 2003 Camille de La Veuve Joyeuse à l’Odéon de Marseille. Aujourd’hui on peut le qualifier de « heldentenor » capable d’aborder des rôles tels que L’Africaine, Samson et Dalila ou la Nonne sanglante de Gounod tout en continuant à servir avec talent et humour Le Brésilien de La Vie parisienne ou Piquillo de La Périchole d’Offenbach.
Catherine Hunold avait déjà chanté le rôle de Brunehild dans la production récente de l’Opéra National de Lorraine Nancy en 2019. Elle possède l’ampleur requise et la maîtrise d’une musicienne accomplie pour ce rôle exigeant, un phrasé noble et des aigus percutants. Quelques notes graves paraissent un peu en retrait mais faut-il vraisemblablement en rechercher la cause dans la puissance de certains passages orchestraux.
Alexandre Duhamel campe un Gunther tantôt autoritaire tantôt intériorisé avec une une voix de baryton expressive.
De Hilda, parfois reléguée au second plan, Charlotte Bonnet fait un rôle marquant : voix au timbre agréablement jeune mais pour autant puissante et solidement projetée, avec une belle présence scénique et des dons de parfaite comédienne acquis dans un large répertoire d’opérette qui vient confirmer, s’il en était besoin, qu’il s’agit là d’une école incontournable non seulement pour le chant mais pour le théâtre ( En France on ne peut que déplorer la manie insupportable et infondée de vouloir « classifier » les chanteurs dans un genre et de les couler dans un moule catégoriel immuable ! Or le chant est « universel » : le ténor Thomas Blondelle n’interprétait-il pas, à un an d’intervalle, un électrisant Edwin dans Princesse Czardas de Kalman au Festival de Lehár de Bad Ischl (2021) et un admirable Parsifal de Wagner à l’Opéra de Berlin (2022) ? ).
Aujourd’hui, Charlotte Bonnet avec une voix de soprano lyrique considérablement étoffée au fil des années, poursuit une très belle carrière d’opéra. Tout récemment ,après Musetta de La Bohème à l’Opéra d’Avignon, elle a enchaîné avec cette Hilda de Sigurd avant de rejoindre la production de Carmen à l’Opéra de Bâle et en juin celle de Opéra de Nice, et d’aborder peu après le rôle de Suzel de L’Amico Fritz dans le rare opéra de Mascagni au Festival Opus Opéra de Gattières en juillet.
Il est réjouissant de voir qu’en cette journée du 6 avril, le public marseillais lui a réservé une ovation méritée lors des saluts. Son quatrième acte, où la tension dramatique est portée à son paroxysme, a subjugué à juste raison les spectateurs.
Nicolas Cavallier dessine un Hagen tortueux en parfait comédien doublé d’un chanteur adroit. On a apprécié la solide prestation de Marion Lebègue parfaite ici, comme à l’accoutumée, en Uta.
La distribution solidement complété par Marc Barrard en Prêtre d’Odin, Gilen Goicoechea, en barde ainsi que par le quatuor des soldats, composé de Marc Larcher, Kaëlig Boché, Jean-Marie Delpas et Jean-Vincent Blot rend un hommage au chant français : beau sujet de satisfaction !
Direction musicale : une fresque sonore intense et remarquablement maîtrisée
Le chef Jean-Marie Zeitouni, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille réussit avec une précision remarquable à éviter toute emphase clinquante susceptible de conférer à la musique de Reyer un aspect prosaïque. Il veille scrupuleusement à la fluidité et à l’équilibre des composantes de la phalange marseillaise : cordes sensuelles et diaphanes, cuivres percutants mais maîtrisés, bois volubiles et habilement colorés mettant en valeur la richesse et les contrastes de la partition de Reyer.
Le Chœur de l’Opéra de Marseille, parfaitement préparé par Florent Mayet, brille par son homogénéité, sa puissance et sa clarté.
Aujourd’hui comme d’ailleurs dans un passé récent, l’œuvre n’est pas représentée dans son intégralité mais avec des coupures, car initialement cet opéra durait 4h30 (comparable à un « format wagnérien »).
Christian Jarniat
6 avril 2025
Direction musicale :Jean-Marie Zeitouni
Mise en scène : Charles Roubaud
Décors : Emmanuelle Favre
Costumes : Katia Duflot
Lumières : Jacques Rouveyrollis
Vidéos : Julien Soulier
Distribution :
Brunhild : Catherine Hunold
Hilda : Charlotte Bonnet
Uta : Marion Lebègue
Sigurd : Florian Laconi
Gunther : Alexandre Duhamel
Hagen : Nicolas Cavallier
Un Prêtre d’Odin : Marc Barrard
Un Barde : Gilen Goicoechea
Irnfrid : Marc Larcher
Hawart : Kaëlig Boché
Rudiger : Jean-Marie Delpas
Ramunc : Jean-Vincent Blot
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Discographie de Sigurd
– César Vezzani, Marcel Journet, Marjorie Lawrence, Germaine Lubin et autres. Compilation de fragments de l’opéra, réalisée entre 1910 et 1934. Malibran Music, Dom Disques
– Gustave Botiaux (Sigurd), Lyne Cumia (Brunehild) et René Bianco (Gunther), avec l’Orchestre symphonique sous la direction de Jésus Etcheverry. Extraits. House of Opera CD9666, enregistré Paris 1960.
– Guy Chauvet (Sigurd), Robert Massard (Gunther), Jules Bastin (Hagen), Andréa Guiot (Brunehild), Andrée Esposito (Hilda), Denise Scharley (Uta), Ernest Blanc (Prêtre d’Odin), Bernard Demigny (Rudiger), Jean Dupouy (Imfrid), Claude Méloni (Hawart), Jean-Louis Soumagnas (Ramunc) et Nicolas Christou (Barde), avec l’Orchestre de l’ORTF dirigé par Manuel Rosenthal. Le Chant du Monde, Harmonia Mundi LDC 27981719, enregistré Paris 1973. (191 minutes)
– Chris Merritt (Sigurd), Monte Pedreson (Gunther), Alain Vernhes (Hagen), Valérie Millot (Brunehild), Michèle Lagrange (Hilda), Hélène Jossoud (Uta), Marcel Vanaud (Prêtre d’Odin), Wojtek Smilek (Barde), sous la direction de Günter Neuhold. House of Opera CD9667, enregistré Montpellier le 6 août 1993. (176 minutes)
– Alberto Cupido (Sigurd), Jean-Philippe Lafont (Gunther), Antoine Garcin (Hagen), Françoise Pollet (Brunehild), Cécile Perrin (Hilda), Viorica Cortez (Uta) et Jean-Marc Ivaldi (Prêtre d’Odin), sous la direction de Dietfried Bernet. House of Opera CD9669, enregistré Marseille le 22 juin 1995. (182 minutes)
– Andrea Carè (Sigurd), Boris Pinkhasovich (Gunther), TiijFaveyts (Hagen), Anna Caterina Antonacci (Brunehild), Anne Sophie Dupreis (Hilda), Marie-Ange Todorovitch (Uta), Khachik Matevosyan (Prêtre d’Odin), Nicolas Carré (Rudiger) et Nicolas Courjal (Barde), avec l’Orchestre de la Suisse Romande sous la direction de Frédéric Chaslin. Emission radio enregistrée à Genève le 23 novembre 2013. (164 minutes)
– Marc Heller (Sigurd), Kartal Karagedik (Gunther), Vazgen Ghazaryan (Hagen), Ilia Papandreou (Brunehild), Marisca Mulder (Hilda), Katja Bildt (Uta), Juri Batukov (Prêtre d’Odin) et Máte Sólyom-Nagy (Barde), avec le Philharmonischem Orchestre Erfurt dirigé par Joana Mallwitz. Émission radio enregistrée à Erfurt le 30 janvier 2015.