19h?! C’est l’heure des Contes d’Apéro (1) !!! Gratuits, sans réservations, au cœur de la coulée verte niçoise, ils viennent nous cueillir tous les soirs au gré de nos déambulations estivales. Rires des spectateurs au sortir de cette comédie en prose (2)… Voilà le franc succès d’un été, qui se lève au T.N.N. dans une brise de (La) Méprise, mise en scène par Muriel Mayette-Holtz.
Cocktail de fantaisie, onde de créativité, soupçon d’esthétisme, doigt de malice, nuage de légèreté… Que vouloir de plus ? Tout y est !!!
Insouciance d’une soirée éphémère ? Ne nous méprenons pas ! Car Marivaux, né Pierre Carlet Chamblain en 1688 sous le règne de Louis XIV, élu à l’Académie française en 1742 et cinquième auteur le plus joué de la Comédie-Française, arpente ici moult sujets en un seul acte ! Celui de la timidité dans la conquête amoureuse, avec ce besoin embarrassant de recourir à un intermédiaire, qu’il soit humain ou canin, pour exprimer ses sentiments et gagner l’union. Celui de la vie par procuration (Ergaste, personnage complexé qui se mésestime, se fait le maître d’un beau chien dalmatien, à l’image de ce qu’il souhaite pour lui-même… (dis-moi quel chien tu as, je te dirai qui tu es…?). Celui de la vérité de l’amour (le coup de foudre en relève-t-il ?). Celui encore du rôle et de la force des apparences lorsque l’habit fait le moine (déclarer sur l’heure sa flamme subite à une personne à l’image d’une autre n’est-il pas le signe qu’il ne s’agit pas d’amour mais d’illusion ?). Le sujet également de la jalousie, de la naïveté de l’amour qui rend aveugle; de la discordance des sexes (à l’opposé de la femme, l’homme désire d’abord, découvre ensuite…) et de leurs relations de domination (les femmes, rusées, ces « cerveaux-femelles », mènent les hommes par le bout du nez !). Le thème aussi de l’anthropomorphisme (le « bon chien chien » rend gaga !); de l’avarice (Frontin :« paie en pur don, par galanterie, sois généreux » / Arlequin : « Je ne saurais, car je suis vilain : je n’ai jamais bu à mes dépens »).
Dans une mise en scène superbement loufoque, parsemée d’arrêts sur image, de ralentis, de gestes amplifiés et romancés, de sentiments exacerbés comme sous le feu d’une loupe, Muriel Mayette-Holtz joue des effets du cinéma muet (Arlequin déambule sur la scène à la manière d’un Charlie Chaplin) et du comique clownesque qui mime les émotions en les décuplant, dans une humeur joyeuse et ludique. Elle batifole dans la joie de l’enfance en réveillant l’esprit du dessin animé et celui, romantique à souhait, des amoureux de Peynet (3) réanimés sous nos yeux émerveillés, tels des marionnettes.
Avec une audace malicieuse, la metteuse en scène se permet quelques interludes à la pièce originelle (« Z’avez pas vu Mirza » de Nino Ferrer), mais aussi cette interpellation soudaine du public : « Pouvez-vous faire un choix ?» demande Alexandre Diot-Tchéou, sortant à brûle-pourpoint de son rôle de valet pour questionner les tempéraments féminins de l’assistance sur leur cohabitation quotidienne avec leur homologue masculin !
Dans un décor « illustré » d’un banc et d’un réverbère, la directrice du Théâtre National de Nice lance un clin d’œil à la scène mythique de Singin’ in The Rain (4). En talentueuse chorégraphe de comédie musicale, au rythme poétique de la guitare sèche de Romain Pelsez, elle orchestre la promenade des chiens en carton plat, tresse les intrigues entrecroisées des personnages…
On applaudit l’interprétation et l’imagination cocasse et fertile des acteurs dont le jeu marivaude à souhait !
Excellente nouvelle : cette comédie, qui a du chien, tournera sur les routes maralpines fin août 2024 ! Qu’on se le dise : LA MÉPRIIIIIISE !!!!!! (5)
Nathalie AUDIN
Vendredi 12 juillet 2024
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(1) Les Contes d’Apéro : jusqu’au 4 août 2024: https://www.tnn.fr/fr/les-temps-forts/Les-Contes-d-apero
(2) Pour cette pièce exclusivement, au Théâtre des Franciscains.
(3) Dessinateur humoriste, illustrateur et graveur français, né en 1908 à Paris et mort en 1999 à Mougins, Alpes-Maritimes ; célèbre pour avoir créé en 1942 les deux personnages d’amoureux qu’il a dessinés sur de nombreux supports, dont des timbres-poste.
(4) Chantons sous la pluie, film musical américain réalisé par Stanley Donen et Gene Kelly en 1952.
(5) Dates et lieux des représentations : https://www.tnn.fr/fr/evenements/marivaux-la-meprise
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Mise en scène : Muriel Mayette-Holtz
Composition musicale Cyril Giroux
Distribution :
Clarice : Benedicte Allard
Hortense, sœur de Clarice : Muriel Mayette-Holtz
Ergaste : Laurent Prévot
Lisette, suivante de Clarice : Élise Clary
Arlequin : valet d’Hortense : Gérard Holtz
Frontin : valet d’Ergaste : Alexandre Diot-Tchéou
Guitariste : Romain Pelsez
Production Théâtre National de Nice – CDN Nice Côte d’Azur Avec le soutien de la Ville de Nice et du Fonds de dotation Passionnément Théâtre National de Nice
Crédit photo ©TNN
