« Nabucco » fut le premier vrai triomphe de Verdi, une subtile alchimie entre les réelles qualités musicales de l’ouvrage et les tendances politiques de ses compatriotes qui aspiraient à la liberté et à l’autonomie est à l’origine du grand succès de la partition. Et le célébrissime chœur « Va pensiero » constitue un tube incontournable maintes fois adapté dans toutes formes de répertoires. Il fut d’ailleurs repris tout à fait spontanément par l’immense foule qui assistait aux obsèques du compositeur à Milan. Sur la scène niçoise le metteur en scène Jean-Christophe Mast opte pour un dispositif peuplé de formes géométriques, escaliers et tubes, noyées dans un environnement très sombre, très à la mode. Le très classique clivage noir et blanc opposera les babyloniens et les hébreux. Masques et cuirasses pour les premiers, tissus et cotons grèges pour les seconds. Cette conception s’avère assez réussie et le spectacle fonctionne de manière lisible, se parant même d’une certaine esthétique grâce aux audacieux costumes de Jérôme Bourdin et aux lumières affutées de Pascal Noel.
Vocalement les décibels sont au rendez-vous avec un casting qui privilégie souvent la vigueur de l’expression au détriment de l’élégance de style. Serguei Murzaev campe un Nabucco tout en puissance et sans nuances et, dans le même registre, Raffaella Angeletti s’inscrit dans la lignée des Abigaille dont les paroxysmes confinent au déchirement. On trouve plus de musicalité chez Evgeny Stavinsky qui dessine un Zaccharia au ton altier et volontaire et surtout chez Julie Robard-Gendre où sa Fenena arbore un chant aux contours clairs et au timbre de belle couleur. Les chœurs des Opéras de Toulon et Nice, réunis et bien préparés pour un ouvrage qui leur fait la part belle, délivrent une prestation efficace et incisive demeurant à la hauteur de leur réputation. Dans la fosse la baguette de Gyorgy G. Rath, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice, exprime une lecture classique et vigoureuse de l’ouvrage, épousant totalement le souffle épique et biblique du livret et n’hésitant pas à souligner les aspects les plus « frustes » des harmonies verdiennes. Le public, conquis par la pertinence de la mise en scène et la puissance musicale des interprètes, a réservé une belle ovation à ce spectacle.
Yves Courmes
8 juin 2018