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« MOZART SACRÉ ! » pour le concert de la trentième académie du Festival de Sylvanès

« MOZART SACRÉ ! » pour le concert de la trentième académie du Festival de Sylvanès

jeudi 15 août 2019
Anne Calloni et Michel Piquemal – © Abbaye de Sylvanès

Au sein d’une programmation bien remplie et très diversifiée, le concert du 15 août du festival de Sylvanès revêtait, cette année, une dimension particulière puisqu’il célébrait les trente ans d’une collaboration fidèle avec le chef d’orchestre et chef de chœur Michel Piquemal. Alors que des applaudissements nourris d’une abbaye pleine à craquer fêtaient, aux saluts finals, la trentième académie de chœurs et d’orchestre du festival et une performance d’ensemble d’une belle homogénéité, le maestro Piquemal, visiblement ému en s’adressant au public, est revenu sur cette belle aventure d’amitié en musique qu’est celle de Sylvanès et a évoqué, tout comme avant lui Michel Wolkowitsky, son directeur artistique, quelques-unes des personnalités de ceux qui ont soutenu cette manifestation depuis ses débuts et qui, pour certains, ne sont plus là…

Mais n’est-ce pas le propre de la Musique que de permettre au Temps un éternel retour ?… et, comme l’a conclu Michel Piquemal, de se retrouver sans doute encore l’année prochaine… ?

Humilité, recueillement, jubilation, tels sont peut-être les maîtres-mots qui pourraient le mieux caractériser ce programme axé essentiellement autour du Mozart « sacré » avec, au centre, la célèbre « Krönungsmesse (Messe du Couronnement » KV.317) encadrée par les non-moins fameux « Exsultate, Jubilate » K.165 pour soprano et orchestre et « Vêpres solennelles d’un confesseur », et complétée par la Symphonie n°29 en la majeur, l’une des dernières du « cycle » salzbourgeois : autant d’œuvres écrites et exécutées entre 1773 et 1780 (Wolfgang a 17 ans lors de la composition du motet « Exsultate » et en a 24 au moment des « Vêpres »), pendant une période où le musicien passe de la joie la plus éclatante (évidente dans sa symphonie tout comme dans le dernier mouvement du motet où la soprano soliste vocalise sur le seul mot d’Alléluia !) à une période de profond chagrin (mort de sa mère, déception amoureuse avec Aloysia Weber…).

Dès les premières phrases aériennes de l ‘« Exsultate », on sait que l’orchestre « Contrepoint », formé de musiciens professionnels ancrés pour l’essentiel dans la région Occitanie, se mouvra parfaitement dans le propos musical fait de rigueur stylistique, d’énergie joyeuse et tout simplement de bonheur à « faire musique ensemble » que va tenir le maestro Piquemal tout au long de ce concert.
C’est, en particulier, dans la Symphonie n°29 que se sent le mieux cette belle osmose entre chef et orchestre, avec un 1er et un dernier mouvement virevoltants où les impulsions données par un Michel Piquemal vivant la partition jusqu’à la ponctuer par de soudains murmures, donnent à cette phalange une dynamique primesautière qui emporte tous les suffrages.

Le travail immense accompli par le chef et son équipe (on pense en particulier à son adjoint Boris Mychajliszyn) avec les 80 choristes réunis pour cette académie doit amplement être souligné tant il dégage d’émotion et de force, et ce dès le Kyrie de la « Messe du Couronnement » puis dans des moments évidemment attendus tels que le « Sanctus » ou le si lyrique « Hosanna ». En ce qui nous concerne, c’est dans les parties dévolues au sein de la magnifique partition des « Vêpres solennelles d’un Confesseur » (le Laudate Pueri et le Laudate Dominum !)que le Chœur réserve les plus émouvants instants de la soirée.

Écrit pour l’un des plus illustres castrats de son temps, Venanzio Rauzzini, créateur de Cecilio dans « Lucio Silla », « l’Exsultate, Jubilate », dans les trois mouvements qui le constituent, est à la fois un feu d’artifice de vocalises et, dans le « recitativo secco » central, un moment de piété dédié à la Vierge Marie. L’interprète doit donc obligatoirement être en capacité d’exprimer par les couleurs de la voix ces différentes atmosphères et c’est ce que la soprano Anne Calloni s’est employée à faire avec la grande sensibilité musicale et la technique sûre qu’on lui connaissait déjà. Certains pourront préférer dans ce type de grande Aria une voix de « coloratura d’agilité », rompue aux pyrotechnies d’une Reine de la Nuit. Pour notre part, c’est davantage les couleurs plus moirées, la longueur de la voix sur tout l’ambitus et l’homogénéité du registre que nous apprécions dans cette partition dont Anne Calloni, s’inscrivant, selon nous, dans l’esprit de son premier interprète et en totale complicité avec un Michel Piquemal très attentif à sa soliste, a donné une fort belle interprétation.

Si la « Messe du Couronnement » comme les « Vêpres solennelles d’un confesseur » nécessitent les interventions d’un quatuor vocal, les deux œuvres mettent cependant peu en valeur les deux voix masculines (ténor et basse) ni davantage celle de la mezzo, laissant à la soprano les parties les plus vocalisantes (le Kyrie dans la « Messe » et le Beatus Vir dans les « Vêpres »), les diminuendo les plus nuancés (l’Agnus Dei dans la « Messe » et le Laudate Dominum dans les « Vêpres ») et les attaques les plus fulgurantes (le « Dona Nobis Pacem » du même Agnus Dei et le Magnificat des « Vêpres » ). C’est donc, d’une certaine manière, un luxe et un réel plaisir que d’entendre ici, aux côtés d’une Anne Calloni particulièrement concernée, de belles personnalités musicales telles que celles de Frédéric Caton ou Emmanuelle Zoldan, appréciées par ailleurs dans le répertoire lyrique et qui, à l’occasion de certaines phrases qui leur sont dévolues, nous confirment le métier sûr qu’ils possèdent. Avec la participation remarquée et pleine de finesse du ténor Pierre-Antoine Chaumien, déjà entendu ici-même dans le concert de musique sacrée italienne, ce quatuor solide, en particulier dans un « Gloria » de la « Messe du Couronnement » aux accents si percutants, s’inscrit parfaitement dans la dimension d’homogénéité exigée par le chef.

Au terme d’un programme qui aura soulevé l’enthousiasme du public et entraîné de nombreux rappels, chœurs, orchestre et soprano soliste, sous la houlette d’un Michel Piquemal aux anges, bissent le Laudate Dominum : dernier moment de grâce et instant suspendu d’un concert qui n’en aura pas manqué.

Hervé Casini

Jeudi 15 août 2019

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