Ah, on se souviendra de cette Valse de Ravel, dirigée à Monaco par Charles Dutoit ! Grandiose, voluptueuse, vertigineuse, elle s’acheva par une standing ovation de l’Auditorium Rainier III. Le public n’en revenait pas. Le chef légendaire qui venait de diriger devant lui était âgé de 88 ans. Fier et droit à son pupitre, il avait conduit le magnifique Philharmonique de Monte-Carlo avec une énergie de jeune homme, déchaînant ses musiques comme Neptune suscitait ses tempêtes. Il contrôlait tout. Pas une mesure, pas un rythme, une nuance, une attaque, un ralenti, un changement de tempo qui ait été fait sans sa volonté.
A tous les pupitres, les solos surgissaient comme des fusées de feux d’artifice : ici les trompettes de Matthias Persson et Gérald Rolland, la flûte d’Anne Maugue ou le cor d’Andrea Cesari, là le hautbois de Matthieu Petitjean, la clarinette de Marie-B. Barriere-Bilote ou le basson d’Arthur Menrath. Bien sûr, il y avait l’indispensable soutien rythmique du timbalier Julien Bourgeois et de son pupitre de percussions. Et, en première ligne, les interventions remarquées du violon solo David Lefèvre.
En plus de La Valse, on eut droit à Petrouchka de Stravinsky. L’orchestre étincela, flamboya, au gré des épisodes de l’histoire carnavalesque dans laquelle le polichinelle russe est tué par le maure, son rival dans l’amour de la ballerine. Du piano montèrent les remarquables interventions de Simon Zaoui.
Il ne faudrait pas pour autant oublier la brillante performance, en début de concert, de Gautier Capuçon dans le Concerto de Dvorak. Le plus célèbre de nos violoncellistes français qui jouera pour la réouverture de Notre-Dame de Paris, interpréta ce concerto en guerrier plutôt qu’en rêveur. Cela eut belle allure. Il donna en bis un prélude de Chostakovtich avec la complicité des violoncellistes de l’orchestre entraînés par Thierry Amadi.
A la fin du concert, la violoniste Camille Ameriguian-Musco reçut un cadeau inattendu : un bouquet de fleurs offert par Charles Dutoit en personne, accompagné par une ovation de tout l’orchestre. Elle donnait là son dernier concert, après quarante deux ans passés au Philharmonique de Monte-Carlo. Tout au long de ces années, elle brilla non seulement par son talent de musicienne mais aussi par la classe et l’élégance de sa personne. Terminer sa carrière sur un tel concert : quelle apothéose !
André PEYREGNE
1er décembre 2024