Jason part à la conquête de la Toison d’or ; il y parvient grâce à Médée, qui accepte par amour de trahir les siens et de le suivre jusqu’en Grèce, où ils élèvent leurs deux enfants.
Il la répudie cependant, pour épouser Dircé, fille du roi Créon, en échange du précieux trésor.
La vengeance de Médée sera implacable : elle fera empoisonner Dircée et punira son infidèle compagnon en sacrifiant leurs enfants.
Le personnage de Médée fascine depuis Euripide et n’a cessé depuis d’être mis en lumière par de nombreux auteurs et musiciens – dont Corneille, Lully ou Charpentier.
Femme monstrueuse ou femme blessée, démon ou victime selon les époques, la version de Cherubini voit le jour en pleine fièvre révolutionnaire.
L’œuvre est refusée par l’Opéra-Comique, qui la juge trop tragique pour figurer au répertoire de l’institution.
Elle sera créée sous le Directoire au Théâtre Feydeau (réputé pour la splendeur de ses mises en scène) mais ne rencontrera pas le succès escompté.
Après la fusion des deux théâtres, l’Opéra-Comique ne la reprendra jamais, laissant Cherubini se réorienter vers la comédie et la direction du Conservatoire national de musique.
Laurence Equilbey revient aujourd’hui à la salle Favart – qu’elle connaît bien, pour y avoir dirigé Ciboulette et la Nonne sanglante.
La version originale de cette Médée, qui a initié le romantisme musical européen, répare par son entrée tardive dans cette prestigieuse salle l’injuste éviction subie.
Marie-Ève Signeyrole relève le défi ambitieux de mettre en scène ce mythe, plus que controversé. Partition chantée et copieux texte en alexandrins exigent, de la part des artistes, une virtuosité toute particulière.
Notre avis :
L’occasion était tentante de découvrir un ouvrage véritablement Opéra-Comique, puisque le parler et le chanter étaient réunis dans cette version de Médée de 1797.
La mixité entre la tragédie en musique et la tragédie dramatique renforce ici la gravité du sujet sans lui ôter l’efficacité voulue par le musicien.
La mise en scène contemporaine nous offre des effets séduisants (belles lumières signées Philippe Berthomé), des costumes élégants dessinés par Yashi – le tout rehaussé par les inévitables vidéos auxquelles nous sommes maintenant habitués dans les productions d’opéra (entre autres).
Joyce El-Khoury, soprano libano-canadienne, nous charme par le grave de sa tessiture et par son intensité de jeu : elle campe une somptueuse Médée qui restera dans les mémoires !
Face à elle, Julien Behr (l’infidèle Jason) ne cesse au fil des saisons de se bonifier vocalement. Quel chemin parcouru depuis Ciboulette !
L’élégant Edwin Crossley-Mercer incarne un magnifique Créon, tandis que Lila Dufy (Dircé) – apparemment souffrante – peine hélas à convaincre pleinement.
La fidèle servante Marie-Andrée Bouchard Lesieur, mezzo-soprano, fait des étincelles et nous épate par sa présence qui fait d’elle une artiste plus que prometteuse.
Le plateau musical constitué par Insula orchestra, ainsi que par le chœur Accentus (dirigés avec brio par Laurence Equilbey) offrent un moment unique et magique de musique.
Nul doute que les représentations à venir trouveront une fluidité (parfois absente les soirs de première) : tous les ingrédients se trouvent réunis pour cela !
Philippe Pocidalo
8 Février 2025.
Direction musicale : Laurence Equilbey
Mise en scène, conception, vidéo : Marie-Ève Signeyrole
Distribution :
Médée : Joyce El-Khoury
Jason : Julien Behr
Créon : Edwin Crossley-Mercer,
Dircé : Lila Dufy
Néris : Marie-Andrée Bouchard Lesieur
Orchestre, Insula orchestra • Choeur, accentus