Le Cinquième concerto pour piano de Beethoven et la Symphonie rhénane de Schumann sont au programme du sixième concert d’académie de l’Orchestre d’État de Bavière, placé sous la direction de Vladimir Jurowski, avec le pianiste de renommée mondiale Emanuel Ax en soliste invité. L’orchestre présentera ensuite le même concert à Turin, Lugano et Bologne.
Beethoven avait commencé la composition du dernier de ses cinq concertos pour piano vers 1808-1809 et l’avait dédié à l’Archiduc Rodolphe en remerciement de son soutien financier. Le compositeur lui-même l’avait qualifié de « grand concerto » : au cours des trois mouvements, qui durent bien quarante minutes, Beethoven donne une dimension symphonique à son concerto, instaurant de nouveaux rapports entre le piano et l’orchestre, qui ouvrent la voie au grand concerto pour piano romantique.
Aujourd’hui âgé de 74 ans, le pianiste américain d’origine judéo-polonaise Emanuel Ax est bien connu de la scène munichoise, où il avait fait ses débuts en 1974 à la salle Herkules, accompagnant au piano le violoniste Nathan Milstein. Emanuel Ax exhale une bonhomie chaleureuse dont la simplicité souriante est aux antipodes du vedettariat. On le voit extrêmement concentré, faisant corps avec l’orchestre et son chef, offrant les splendeurs d’une technique magistrale et d’un engagement total dans l’entrelacs des rapports complexes entre le piano et l’orchestre. Rarement a-t-on pu entendre une telle souplesse et une telle fluidité. La virtuosité captivante d’Emmanuel Ax est magnifiquement soutenue par l’orchestre entraîné par la vivacité de la direction précise, vigoureuse et serrée de Vladimir Jurowski. C’est de la magie pure, une conjonction stellaire dont les trois étoiles sont l’Orchestre de Bavière, son chef et l’incomparable Emanuel Ax. Le pianiste donnera encore le Ständchen de Schubert dans la transcription pour piano qu’en donna Liszt, donnant à un moment l’impression d’un dialogue entre deux pianos, le second à la voix plus claire, de la beauté à l’état pur.
La Troisième symphonie de Robert Schumann fut rapidement appelée la Rhénane. Le compositeur qui avait en 1850 quitté Dresde pour Düsseldorf, voulut gagner la sympathie des habitants en célébrant la beauté romantique du fleuve qui baigne la ville dans une symphonie poétique et joyeuse notamment inspirée par les excursions en bateau qu’il y fit en compagnie de sa femme Clara. La joie de vivre se marque surtout dans le premier mouvement et dans le finale dansant au rythme syncopé. Le deuxième mouvement est un scherzo tempéré qui a le caractère folklorique d’un ländler, qu’on associe quelquefois au mouvement ondulatoire du Rhin. Après un troisième mouvement, qui marque une courte transition, apparaît en contraste le quatrième mouvement qui, plus sombre, funèbre et solennel, a des tonalités spirituelles méditatives qu’exprime un choral de cuivres, avec une remarquable partie pour trombones, inspiré par une visite de la cathédrale de Cologne. Ici aussi Vladimir Jurowski et l’orchestre de Bavière ont rendu de manière inspirée la très riche palette des impressions rhénanes de Schumann. On le sait, les années rhénanes ne furent cependant pas heureuses pour le compositeur malade et dépressif qui tentera de trouver la mort dans le fleuve dont il avait si bien su rendre la poésie.
Luc-Henri ROGER
28 mai 2024
Ludwig van Beethoven
Concerto pour piano n°5 en mi bémol majeur op. 73
Robert Schumann
Symphonie n°3 en mi bémol majeur op.97 Rhénane
Bayerisches Staatsorchester
Vladimir Jurowski