Carlo Goldoni(1707-1793), LE Molière italien, se retrouve souvent inscrit sur les scènes françaises ; valeur sûre, ses pièces sont légères, habilement troussées, caustiques et résolument modernes.
Le sous-titre du spectacle s’intitule Scènes de la vie d’opéra.
Le metteur en scène Laurent Pelly assisté d’Agathe Mélinand – sa traductrice et fidèle adaptatrice – nous ont condensé deux œuvres du génie de la comédie italienne : L’Impresario de Smyrne et Le Théâtre Comique.
Le décor semble d’emblée explicite : un gigantesque cadre de scène doré étrangement posé de guingois(décalé comme vont l’être nos protagonistes) s’offre à nos yeux étonnés et déjà amusés.
On aperçoit en fond des silhouettes qui ne seront autres que les trois musiciens de l’Ensemble baroque Masques (clavecin,violon et violoncelle). Ils interviendront tout au long du spectacle en interprétant des pages de musique ancienne des 17 et 18ème siècle.
On le sait un peu moins mais Goldoni, en dehors du théâtre, a écrit toute sa vie des livrets d’opéra pour notamment Vivaldi, Scarlatti et Haydn pour ne citer qu’eux.
Cette passion pour la musique lui rapportait même beaucoup plus que ses pièces !
L’intrigue se résume ainsi : nous nous trouvons à Venise chez des chanteurs d’opéra, tous assez fauchés et en quête de nouveaux engagements.
Leurs imprésarios promettent d’hypothétiques contrats qui tardent à arriver; la tension monte, la noirceur de leurs costumes est à l’image de leur humeur.
Tous en émoi, ils viennent d’apprendre l’arrivée imminente d’un turc chargé de ramener à Smyrne une troupe lyrique, même si la musique lui est complètement inconnue.
C’est l’effervescence, sopranos, ténors et castrats en mal de contrat vont rivaliser de stratagèmes et de perfidies pour arriver à leur fin.
Goldoni qui connaît tous les travers de ce petit monde s’en donne à cœur joie pour tous les croquer et les moquer sans retenue.
Jeunes ou moins jeunes, mensonges, hypocrisies et autres mesquineries seront de mise pour obtenir cette fameuse promesse d’engagement.
Laurent Pelly habitué à monter des spectacles pétillants et virevoltants excelle de nouveau.
Entourée d’excellents jeunes comédiens chanteurs, Natalie Dessay incarne une prima donna convaincante sur le déclin et retrouve ainsi son metteur en scène avec qui elle a, par le passé, partagé tant d’aventures sur scène d’Offenbach à Donizetti.
Le spectacle résolument doux-amer semble drôle à premier abord mais se révèle cruel et réaliste, burlesque hommage à ce bûcher des vanités comme le précisent Agathe et Laurent.
Et l’on constate que depuis cette époque rien n’a changé !
L’élégante scénographie toujours au rendez-vous avec ces inséparables compères ne déçoit pas ; la musique et le théâtre font ici bon ménage et nous régalent.
Philippe Pocidalo
2 mai 2024.
Tognina, Chanteuse vénitienne : Natalie Dessay :
Annina, Chanteuse bolognaise : Julie Mossay
Lucrezia, Chanteuse florentine : Jeanne Piponnier
Ali, marchand de Smyrne et Nibio, impresario : Eddy Letexier
Carluccio, castrat : Thomas Condemine
Pasqualino, ténor et ami de Tognina : Damien Bigourdan
Le Comte Lasca, ami des chanteuses et des chanteurs : Cyril Collet
Maccario, pauvre et mauvais poète dramatique : Antoine Minne
Le serviteur d’un hôtel, un souffleur, et quelques animaux…
Violoncelle : Mélisande Corriveau/Arthur Cambreling
Clavecin : Olivier Fortin
Violon : Paul Monteiro
L’Ensemble baroque MASQUES dirigé par Olivier Fortin
Scénographie : Laurent Pelly & Matthieu Delcourt
Lumière : Michel Le Borgne
Son : Aline Loustalot
Assistanat à la mise en scène : Laurie Degand
Confection des costumes : Julie Nowak, Manon Bruffaerts et l’Atelier du Théâtre de Liège