Lorsque le soir fut venu sur les jardins de Cimiez à Nice, une jeune religieuse fit son entrée dans le cloître. Elle chanta : « Les joies célestes m’appellent ! Alleluia ! » Et le tendre écho de cet alleluia fit vibrer les murs séculaires du cloître. Peut-être, dans les étages du monastère, les moines franciscains accueillirent-ils avec bonheur la nouvelle de cette venue. Dans le cloître, une foule se tenait silencieuse. Puis elle éclata en bravos.
La jeune religieuse était, en fait, le personnage d’une mélodie (lied) de Schubert, que la très bonne cantatrice Delphine Haidan venait de chanter. On se trouvait à l’un de ces merveilleux concerts qui sont donnés tout l’été dans le cloître de Cimiez en marge de l’Académie internationale d’été de Nice.
Ce soir-là, Delphine Haidan chanta à ravir une série de lieder de Schubert (dont La Jeune fille et la mort ou Marguerite au rouet). Cette cantatrice a non seulement une belle voix de mezzo, égale, veloutée, bien timbrée, mais elle porte en son chant tout le sens de la musique et de l’esprit de Schubert. Il y a de l’humain au travers de ses vocalises. C’est ainsi qu’elle nous fait vibrer. Elle eut en la pianiste Marie-Joséphe Jude une accompagnatrice d’élite, associant un brio de soliste à une complicité de partenaire. Que tout cela fut beau !
Au cours de cette soirée, on entendit aussi, sous les doigts de la pianiste russe Valentina Igoshina et du belge Johann Schmidt , une belle interprétation de la divine Fantaisie pour quatre mains du même Schubert.
Ce fut enfin l’apothéose de la douce et tendre Sonate Arpeggione, à nouveau de Schubert. Une délectation totale dans l’interprétation des Demarquette père et fils – le père Henri au violoncelle, le fils Victor au piano ! Là encore, l’esprit de Schubert était là…
Mais voilà qu’au milieu de ce concert Schubert, se glissa le Concertino pour harpe de Germaine Tailleferre. On l’accueillit volontiers ! Ce fut l’occasion de découvrir une œuvre toute en brio, en sensibilité, en raffinement, en élégance – bref une vraie belle « musique française » du début du XXème. siècle. Elle fut jouée à ravir par Marie-Pierre Langlamet, soliste du Philharmonique de Berlin. C’est toujours un éblouissement de l’entendre.
Entre Schubert et Tailleferre, entre Franz et Germaine, et entre les artistes qui se succédèrent, cette soirée fut un régal.
André PEYREGNE
7 août 2024