Pour son 40e anniversaire, le Festival de Ramatuelle – rendez-vous culturel désormais incontournable de l’été provençal – propose une programmation théâtrale d’envergure, mettant à l’honneur de grands succès parisiens récemment applaudis. On retrouve ainsi sur cette scène des œuvres emblématiques telles que Le Cercle des poètes disparus, ou encore Les Liaisons dangereuses.
En parallèle de cette alléchante programmation théâtrale, le festival accueille également un volet musical baptisé « Les Nuits Classiques », placé sous la direction artistique de Jean-Michel Dhuez, figure bien connue des auditeurs de Radio Classique. Ce prolongement musical permet d’ouvrir encore davantage le festival aux diverses formes d’expression artistique, tout en conservant une exigence de qualité.
Parmi les spectacles particulièrement attractifs des Nuits Classiques figure notamment Offenbach et les Trois Empereurs1 création originale qui a déjà rencontré un franc succès à Paris (sur un texte – et une mise en scène – de Christophe Barbier écrit avec un art consommé des dialogues percutants et du rythme du vaudeville). Son adaptation dans le cadre du Festival de Ramatuelle revêt un intérêt tout particulier, puisqu’il s’agit de transposer ce spectacle à la scénographie volontairement sobre (un piano, une table, quelques accessoires) sur une scène de plein air, bénéficiant d’un cadre naturel exceptionnel et d’un subtil travail de lumières. Ce changement d’échelle et de contexte donne une dimension nouvelle à cette œuvre musicale et théâtrale, qui gagne encore en intensité et en charme dans l’écrin du théâtre de verdure ramatuellois.
En marge de l’exposition Universelle de 1867 Offenbach propose son opéra-bouffe : La Grande-duchesse de Gérolstein sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Hortense Schneider, dans le rôle-titre, contribue à en faire un triomphe. Elle aurait même visité l’exposition en franchissant la porte réservée aux têtes couronnées se faisant annoncer par son équipage : « Madame la Grande-duchesse de Gérolstein. »
Jacques Offenbach est convoqué par le ministre de l’Intérieur qui lui demande de se produire devant trois empereurs et d’interpréter pour eux les meilleurs extraits de ses principaux chefs d’œuvre. Il convie pour ce faire Hortense Schneider. Corrélativement surgit soudain un mystérieux personnage qui prétend être le tsar et vouloir percer les secrets du génie musical d’Offenbach. Sont évoqués, avec autant d’esprit que de malice, les intrigues de la Cour impériale et les mœurs des salons parisiens.
Sur cette amusante trame nous assistons à un délectable moment de théâtre musical entre le compositeur de La Belle Hélène, la diva adulée – à qui les grands de monde offrent des rivières de diamants – et le prétendu tsar de toutes les Russies : Alexandre II. Christophe Barbier incarne à merveille un Offenbach à la fois grincheux, désinvolte, débonnaire, éloquent et volubile. L’acteur nous régale par la versatilité de son personnage et la palette interprétative qu’il parvient à utiliser à cette fin.
Quel bonheur que de retrouver la lumineuse Pauline Courtin après son Eurydice d’Orphée aux enfers au Festival d’Aix-en-Provence et sa Gabrielle de La Vie parisienne à l’Opéra de Nice ! Toujours aussi séduisante, remarquable actrice et excellente chanteuse, proposant pour chaque héroïne une facette différente et une couleur distincte en maîtrisant idéalement tout le répertoire du « petit Mozart des Champs Élysées » avec une aisance souveraine, des notes aiguës de colorature d’Eurydice aux graves charnus d’Hélène. Et quel régal de l’écouter, avec son articulation parfaite et sa diction accomplie, dans La Périchole, La Grande Duchesse de Gérolstein, Pomme d’Api ou encore dans la valse « Ô Paris, gai séjour » des Cent Vierges de Charles Lecocq !
Ce duo électrisant et complice est complété par Vadim Sher aussi pianiste virtuose qu’habile comédien.
Le public a répondu à ce spectacle exquis par des applaudissements enthousiastes et par des jets de coussins sur le plateau, entérinant une tradition bien établie en ces lieux.
En première partie le ténor Léo Vermot-Desroches a offert un beau récital de quatre airs (œuvres de Massenet (Manon), Gounod (Roméo et Juliette), Donizetti (Lucie de Lammermoor – version française-) et Offenbach (Les Contes d’Hoffmann)
Christian Jarniat
30 juillet 2025
1On pourra voir ce spectacle dans le cadre des Afterworks le 16 janvier 2026 à l’Opéra de Nice et le 8 Mars 2026 à Musical Guest à Mandelieu.