A plusieurs reprises la thématique de « Broadway » a été au centre de la programmation du Festival d’Opérette et de Comédie Musicale de Nice sous des formes différentes et en divers lieux.
Les organisateurs avaient décidé de proposer un spectacle totalement différent de celui donné à l’Opéra voici quelques semaines et c’est donc le Grand Auditorium du Conservatoire de Nice qui accueillait donc, cette fois-ci, ce florilège de « musicals » pour deux représentations. Pari risqué pour remplir, à deux reprises, plus de 700 fauteuils d’autant que le lieu est relativement excentré. Pour autant, ce challenge a été parfaitement réussi car, tant pour le samedi que pour le dimanche, la salle était pleine, aussi bien au parterre qu’au balcon, offrant ainsi la démonstration que la comédie musicale provoque un indéniable engouement auprès du public. Le succès était en outre au rendez-vous et ce pour plusieurs raisons dont la moindre n’était pas le rythme avec lequel s’enchaînaient fort judicieusement les divers numéros musicaux du programme. Le metteur en scène et chorégraphe, Serge Manguette, par ailleurs élégant présentateur, avait, avec beaucoup de discernement, choisi de faire alterner les séquences romantiques avec celles plus explosives, voire sensuelles (d’où le titre du spectacle), ainsi que les passages chantés et ceux dansés.
Le public est également friand des claquettes qui sont un peu la marque de fabrique des grands standards de Broadway ainsi que des films musicaux de l’Age d’Or d’Hollywood. Pour cela il fut comblé avec « Top Hat » d’Irving Berlin, célèbre film de 1935 avec Fred Astaire (transformé en musical en 2011 à Londres). Le jeune Francesco Faggi délivre en effet un époustouflant « Puttin’ on the Ritz » qui lui vaut une ovation, rejoint plus tard par Pietro Mattarelli et Mattia Massa dans « Good Morning » de « Chantons sous la pluie », tout aussi éblouissant sur le plan de la danse. Mais Francesco Faggi (vainqueur d’un concours international de comédie musicale qui lui a valu un séjour à Broadway) démontre aussi qu’il est un excellent chanteur dans les airs de « Jekyll and Hyde » de Frank Wildhorn et « Newsies » d’Alan Menken, ainsi que dans un émouvant « Maria » de « West Side Story ». Toujours pour les claquettes quelques extraits de « 42e Rue » d’Harry Warren, notamment le fameux numéro qui ouvre cette comédie musicale comme le célèbre final qui conclut l’œuvre avec, en vedette, la très jeune Laura Frasconi qui entre seulement dans sa seizième année (elle aussi lauréate d’un concours international) et dont on doit souligner le stupéfiant abattage et la virtuosité dans la danse. Cette jeune fille est en outre dotée d’une voix au timbre superbe qui a fait grande impression, aussi bien dans « A New life » de « Jekyll and Hyde », dans l’air de Minnie d’ « Hello Dolly » ! et, bien entendu, dans « 42e Rue ». Une telle maturité d’expression comme la sûreté de la ligne de chant est tout aussi rare qu’émouvant pour pareille artiste à cet âge. Et puis il y a Giulia Tosoni qui a acquis, d’ores et déjà, en tant qu’artiste de variétés, une certaine réputation en Italie et dont le tempérament se distingue tout particulièrement dans « All that jazz » de « Chicago » comme dans « Cabaret » et « Hello Dolly ! » Elle est entourée de tout le ballet d’Arte Danza University : une troupe aussi précise qu’enthousiaste.
Le bonheur est aussi venu des deux invités français qu’on ne présente plus en raison de leur notoriété : Julien Salvia et Julie Morgane. Le premier est connu aussi bien en sa qualité de compositeur que d’interprète et ses interventions dans « My Fair Lady », « Sunset Boulevard » ou encore « Kiss Me Kate » sont des modèles du genre, mélange de professionnalisme, de présence et de charme. Quant à Julie Morgane, on demeure admiratif par sa maîtrise à la fois du chant et de la danse qui en font aujourd’hui de nos plus sûres valeurs de l’opérette et de la comédie musicale. Elle sait passer, de manière assez stupéfiante, de la fraîcheur quasi-angélique de Maria de « La Mélodie du bonheur », à la sensualité de braise de Roxie de « Chicago » sans oublier la langueur du tango de « So in love » de Cole Porter. Et ses duos avec Julien Salvia sont de grands moments, comme le merveilleux « Faisons semblant » de « Show Boat » de Jerome Kern, le tendre « Un moment » d’ « Hello Dolly ! » l’attachant « Tomorrow » d’ « Annie » de Charles Strousse, l’hilarant « Aladdin » d’Alan Menken ou encore le somptueux « Tea For Two » de « No, No, Nanette », chanté, dansé avec séquence de claquettes accompagnée par tout le ballet. Au final toute la troupe est longuement ovationnée pour le percutant « New York, New York » de John Kander.
Nathalie Agomeri
19 et 20 janvier 2019