Après La Périchole en 2020, Yves Coudray s’attaque à un autre ouvrage de Jacques Offenbach, un peu moins représenté sur nos scènes : Les Brigands.
Saison chargée pour notre metteur en scène : il vient en effet de monter avec succès à l’Odéon de Marseille La Grande-Duchesse de Gérolstein (avec Laurence Janot dans le rôle- titre).
Créé en septembre 1869, Les Brigands constituent le dernier véritable succès pour le musicien, avant le séisme franco-prussien de 1870.
L’ouvrage bouscule autant la géographie que les convenances, puisque le brigandage a force de loi et que l’armée fait de la figuration.
La société toute entière est égratignée, Offenbach et ses librettistes s’en donnent à cœur joie : on y raille la finance, la futilité des têtes couronnées, ainsi que la vanité de la diplomatie et l’inefficacité de la force publique.
Nous nous trouvons transportés au début de l’acte 1 dans un paysage de montagne, où sévissent les redoutables brigands de la bande de Falsacappa – qui ne craignent nullement les carabiniers. Il s’avère urgent de renflouer les caisses, le chef de bande et ses acolytes vont devoir user de maints stratagèmes pour arriver à leurs fins.
La suite sera véritablement rocambolesque, et comme dans toute bonne opérette les amoureux Fiorella (fille de Falsacappa) et Fragoletto seront unis pour le meilleur.
Chaque production des Tréteaux Lyriques nécessite deux années de travail. Ce sont au total une quarantaine de chanteurs-comédiens-danseurs totalement bénévoles, amateurs ou semi-professionnels qui animent cette troupe dynamique, agrémentée d’un orchestre de 20 musiciens issus d’une formation dédiée. Il s’agit aujourd’hui de celui du théâtre de Rungis.
Nous retrouvons avec plaisir parmi les solistes Delphine Hivernet, qui incarnait avec brio Périchole en 2020 ; elle forme un couple attachant avec son fiancé Fragoletto, rôle interprété traditionnellement par une soprano.
Cette dernière (Juliette Hua) nous a semblé plus à l’aise dans les parties parlées que dans le chant.
Le jeune ténor Didier Chalu campe un chef des brigands au timbre solide, qui dirige sa bande de brigands avec humour, au son du bruit des bottes… des bottes des carabiniers.
La production se révèle comme toujours soignée et colorée : costumes chatoyants, décors astucieux, on sent le travail de chacun pour ravir les spectateurs – qui se divertissent au rythme d’une Espagne d’opérette (particulièrement bien restituée dans le fameux tableau des Espagnols).
Yves Coudray, entouré de Francesca Bonato pour les chorégraphies, réussit une fois encore le pari de présenter un spectacle de qualité sur une scène un peu exiguë, mais qu’importe : la magie du roi du second Empire opère toujours !
Rendez-vous pris en 2026… pour un nouvel ouvrage d’Offenbach ?
Philippe Pocidalo,
18 janvier 2024.