Au terme d’une saga radiophonique en 20 épisodes retraçant l’historique de l’Orchestre National de France, conclusion en apothéose ce jeudi 27 juin à l’Auditorium de la Maison de Radio-France avec ce concert sous la direction de Cristian Măcelaru, directeur musical depuis septembre 2020, et retransmis en direct sur France-Musique dans le cadre de la célèbre émission animée par Christian Merlin “Au Cœur de l’orchestre“.
On retrouve le célèbre et sympathique animateur rappelant avec talent, érudition mais aussi tant de chaleureuse simplicité neuf décennies des heures glorieuses de cet orchestre qui portait initialement le nom de “Orchestre National de la RTF”.
Clin d’œil-hommage à l’émission avec, en guise d’ouverture, la Danse, extraite de la Suite de Roméo & Juliette de Sergueï Prokofiev, générique bien connu des fidèles auditeurs de Christian Merlin qui, tout le long de la soirée, va enrichir chaque extrait d’une anecdote, d’un souvenir comme la venue de Toscanini en 1935 pour une interprétation féerique du Scherzo du Songe d’une nuit d’été de Felix Mendelssohn que le chef Măcelaru reprend avec sa touche personnelle, aérienne mais néanmoins encrant ses racines dans le terroir, tout à tour affirmée et conquérante dévoilant la vraie nature de Felix Mendelssohn apôtre du romantisme qui combat sa vraie nature en proclamant son héritage du classicisme.
Le temps défile grâce à notre conteur qui resitue la splendide phalange à l’honneur ce soir au fil des grands événements des époques traversées et De l’aube à midi sur la mer extrait de La Mer de Claude Debussy renoue avec le cheval de bataille de l’orchestre ambassadeur de la Musique française d’après-guerre et dont on retrouve, ce soir, les palettes impressionnistes inscrites dans son ADN.
Christian Merlin reprend au fil de ce concert, avec son talent inimitable, quelques points marquants déjà évoqués lors de ses précédentes émissions à la radio pour faire revivre les grands noms qui se sont succédé à la direction : comme Désiré Émile Inghelbrecht, qui a inauguré la tradition de l’orchestre, ou bien les noms de Paray, Martinon ou Désormière, qui va créer cette fascinante Passacaille, tirée de la Symphonie N°1 de Henri Dutilleux, magistralement interprétée devant nous pour la circonstance.
La première partie du concert se conclue avec la Bacchanale de Bacchus & Ariane d‘Albert Roussel, dont le maestro souligne – avec le concours des cuivres rutilants – la démesure dionysiaque.
Apres l’entracte on note le remplacement de Luc Hery par Sarah Nemtanu co-soliste au pupitre de premier violon de l’orchestre et l’arrivée de deux invités autour de Christian Merlin : Liliane Rossi chef d’attaque des seconds violons depuis 1967, entrée en 1965 dans l’orchestre alors ouvert aux femmes (au contraire du philharmonique) et Jacques Fourquet, tromboniste, mémoires vivantes de cette époque, évoquant sous l’impulsion de Merlin des anecdotes savoureuses de leurs collaborations avec les différents directeurs musicaux. L’excellence qui perdure du National pour la musique française est illustrée par l’extrait Un Bal, de la Symphonie fantastique d’Hector Berlioz recevant acclamation du public pour cette vision inspirée et tournoyante du chef roumain et de son orchestre.
Christian Merlin suscite avec finesse récits historiques et petits souvenirs amusants de ses invités dévoilant des controverses peu connues du public à propos de chefs comme Celibidache ou Lorin Maazel et même des différences de points de vue entre les deux anciens instrumentistes, donnant un piquant inattendu au dialogue. On ne se lasse pas d’écouter les évocations de soirées mémorables, notamment à Orange pour le légendaire Tristan & Isolde de Wagner avec Nilsson et Vickers sous la direction de Karl Böhm ou cette fidélité de l’orchestre au basson français dont les couleurs spécifiques se distinguent dans le premier Interlude de Carmen, comme une illustration sonore bienvenue.
Christian Merlin quitte alors ses invités pour un véritable « Au Cœur de l’orchestre », voyageant de pupitres en pupitres pour tendre son micro aux différents solistes, mettant en valeur chaque instrument : ces « seigneurs de l’orchestre » qu’il cite individuellement et dont on mesure le talent à nouveau grâce à un deuxième Interlude de Carmen et le finale de La Feria de la Rapsodie espagnole de Maurice Ravel, sommet interprétatif aux tons vifs et soutenus, une explosion de couleurs ! Suscitant une explosion d’applaudissements des spectateurs…
Le concert se termine « officiellement » nous prévient avec insistance Christian Merlin, par la Rhapsodie roumaine N°1 de George Enescu, d’une beauté souveraine, très « Mitteleuropa », endiablée, tel une invite à une fête tzigane, pièce tenant particulièrement à cœur au maestro … et à l’orchestre sous les acclamations d’un public transporté.
En bis, le finale de l’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky dévoile un autre des morceaux “tubes” de l’orchestre. Puis une surprise attend spectateurs et auditeurs. De nombreux anciens de cette prestigieuse formation quittent la salle pour rejoindre l’orchestre (on note par exemple Guy Danguin, clarinette solo). Explosion sonore avec la Farandole de l’Arlésienne de Georges Bizet qui conclue avec brio cette soirée atypique : un concert festif doublé d’une émission de radio.
On attend désormais avec hâte la célébration du Centenaire de l’Orchestre !
Marie-Catherine Guigues
27 juin 2024
Cristian Măcelaru, direction
Présentation Christian Merlin
Luc Héry et Sarah Nemtanu, violons solos
Orchestre National de France
Sergueï Prokofiev
Danse, Suite de Roméo & Juliette
Felix Mendelssohn
Scherzo, Le Songe d’une nuit d’été
Claude Debussy
“De l’aube à midi sur la mer”, La Mer
Henri Dutilleux
Passacaille, Symphonie N°1
Albert Roussel
Bacchanale, Bacchus & Ariane
Hector Berlioz
Un Bal, Symphonie fantastique
Georges Bizet
Prélude et entracte extraits de Carmen
Maurice Ravel
IV. Feria, Rapsodie espagnole
George Enescu
Rhapsodie roumaine N°1