Au Sud de Marseille dans le massif de Marseilleveyre en bordure du Parc National des Calanques, entre la Pointe Rouge et la Grotte Rolland le lieudit « Campagne Pastrée » abrite le Théâtre des Calanques. A l’origine en 2008 un chapiteau y avait été édifié dans lequel la compagnie théâtrale a résidé et joué pendant 10 années. 2017 a vu l’avènement d’un nouveau théâtre en bois se substituant au chapiteau et comportant 420 places avec un grand plateau de 21 mètres d’ouverture sur 21 mètres de profondeur. Au théâtre est attachée une troupe permanente dirigée par Marion Coutris et Serge Noyelle.
Un projet artistique diversifié et un laboratoire permanent d’écriture
La compagnie théâtrale a formé un projet artistique diversifié axé sur les pratiques artistiques en lien avec les territoires et l’environnement. Son travail de création repose sur le principe d’un échange et d’un laboratoire d’écriture permanent mené par plusieurs artistes dont les champs d’investigation sont complémentaires.
Fondé sur une réflexion poétique, une expérience physique de l’espace, un surréalisme revendiqué, c’est un théâtre où les niveaux d’expression se juxtaposent : scénographie, composition musicale, texte et dramaturgie constituent le tissu d’une recherche théâtrale qui travaille toujours à l’élaboration de nouvelles configurations de convocation des spectateurs, et d’univers plastiques empreints d’une radicalité picturale.
Dans le paysage culturel français, le Théâtre des Calanques se révèle comme l’une des compagnies les plus actives en termes de coproductions avec des structures européennes et internationales. De l’opéra à des performances de land-art, de la chorégraphie au cirque, du théâtre de rue à des expériences intimistes, la compagnie recherche sans cesse de nouvelles passerelles scénographiques où le spectateur voyage, découvre et élabore une réflexion ouverte sur les esthétiques du théâtre.
Le théâtre en résidence à Marseille a mis en place un système assez inédit de tarification, ainsi intitulé : « A votre bonne volonté ». Chaque spectateur paie le prix de la place à sa seule bonne volonté avec un minimum de 1 euro.
Un répertoire de théâtre, de danse et de chant lyrique
Le répertoire du Théâtre des Calanques tourne autour du théâtre, de la danse et du chant lyrique. Pour le volet théâtre il affiche notamment des œuvres telles que Macbeth de Shakespeare, Tartuffe de Molière, La Cerisaie d’Anton Tchékhov, En attendant Godot de Samuel Beckett. Par ailleurs la création est également un point fort dans la perspective de « Marseille capitale de la culture ». Outre le théâtre et la danse, il convient de souligner la part notable d’activité relative aux chants lyriques avec des créations opératiques comme BaroKKo (2019) ou encore Les Mariés de l’Apocalypse (2022) (Livret de Marion Coutris et musique de Marco Quesada). Cette activité lyrique a été confiée au contre-ténor Rémy Bresse et à Marco Quesada auxquels on doit l’une des dernières créations du théâtre La Porte d’Ensor (2024).
Diversification régionale et tournées à l’étranger
Les spectateurs viennent de divers horizons, bien sûr pour une grande partie de Marseille, des environs mais aussi de villes avoisinantes comme Avignon et Arles. La saison va de septembre à juin et chaque pièce y est donnée pendant une dizaine de représentations. Parmi les autres activités : des contes pour enfants ainsi que des itinéraires en forme de déambulations théâtrales à travers la campagne comme dans les Alpilles, le Ventoux ou la Camargue où 150 artistes participent à ce processus. Sur le parcours sont formulées diverses propositions de théâtre, de danse et de musique auxquelles sont intégrées les « Fanfaronnades » : conjonction de 5 fanfares de très haute qualité.
Le théâtre ne se borne pas à un lieu installé à Marseille et rayonnant dans la région car les tournées à l’étranger occupent une grande partie de l’activité dans des pays tels que la Hollande, l’Allemagne, la Russie, les Pays Baltes ainsi que la Chine où la compagnie se produira encore pour la sixième année consécutive proposant pour cette nouvelle incursion dans ce pays : En attendant Godot. En Chine, les représentations ont lieu dans des théâtres d’une capacité de 1200 places, y compris dans des grands théâtres comme Pékin ou Shangaï. Pour les occidentaux cela peut paraître curieux mais il faut savoir que les chinois sont très friands de théâtre et que ceux qui y viennent sont généralement très cultivés et connaissent parfaitement les œuvres et les auteurs. Bien évidemment, comme la compagnie joue en français, il y a des surtitrages.
La dernière création du Théâtre des Calanques : La Porte d’Ensor (mars 2024)
Note d’intention de Serge Noyelle, metteur en scène :
« Jeune plasticien et metteur en scène, j’ai été fasciné par le tableau de James Ensor Les masques scandalisés (1883). Une œuvre énigmatique, un tableau théâtral. Une porte s’ouvre, et apparaît un homme ou plutôt une femme, lunettes noires, un bâton à la main, un masque inquiétant. Devant elle, un homme est assis à une table, avec, lui aussi, un masque sur son visage, les mains posées à côté d’une bouteille. Par la suite, ce tableau m’ouvrira la porte à d’autres peintres comme Magritte, Spilliaert, Delvaux, Munch… Et de m’apercevoir à ce moment-là que ces peintres nous proposent, sensiblement, une dramaturgie et une théâtralité.
En retour, la théâtralité peut elle aussi suggérer une forme de peinture allégorique. C’est donc en hommage à James Ensor, que j’ai conçu cette création, qui représente un champ de liberté esthétique et l’opportunité de réunir 10 artistes, danseurs et danseuses, acteurs et actrices, chanteur lyrique et musiciens. Une porte s’ouvre et se referme. Des hommes habillés en noir entrent, et sortent. Il y a dans cet acte un secret, une étrangeté, une curiosité. Qui sont ces personnages ? Qu’y a-t-il derrière cette porte ? Comme toutes les autres, elle recèle un secret. Puis cette porte s’ouvrira encore et défileront indéfiniment des figures cérémoniales, des cortèges, des visions parfois tragiques, parfois oniriques, ou drôles : toujours picturales. »
Note d’intention de Marion Coutris, autrice du texte et de la dramaturgie
« Un théâtre de l’irréel, La Porte d’Ensor évoque peut-être l’énigme qui conduit le spectateur à l’univers du peintre, il est l’entrée d’un royaume étrange, c’est aussi le dedans et le dehors d’un petit théâtre, le symbole d’un passage secret vers l’incarnation de personnages masqués ou travestis, d’une identité vers l’autre. Quel est ce monde que l’on laisse derrière, dans la pénombre, lorsqu’on s’avance, méconnaissable, vers l’espace mis en lumière d’un intérieur artificiel, lui-même regardé par les yeux des spectateurs ? Entre la porte et la porte il y a un voyage imaginaire qui nous permet de nous déplacer depuis le conscient vers l’inconscient, et d’y accepter nos terreurs et nos désirs, comme en rêve. Élément scénographique si souvent utilisée par les dramaturges classiques, la porte est aussi un lieu en soi, où se déroule la fable. Spectateur, lecteur, on est souvent « devant la porte », celle qui distribue les pièces de la maison, la porte d’entrée du palais, la porte de la chambre, et cet entre-deux nous laisse à foison imaginer les actes parfois innommables, souvent « in-montrables » qui se passent derrière la porte. Mais le monde de James Ensor nous parle de la révolte des objets, de la mort, de l’enfance, ses rires et ses angoisses, de l’illusion sociale, d’une esthétique de carnaval noir, de la beauté d’une lumière qui jaillit des paysages. C’est pourquoi, cheminant avec le peintre, sensibles à sa révolte intérieure, et à ses fulgurances, nous avons eu envie de parcourir et d’inventer des espaces mentaux si singuliers, pleins de douceur et de furie, attirants et effrayants, radicaux et populaires, grotesques et beaux : magnifiques d’humanité distordue. La matière dont est faite nos songes est la même dans le monde entier. Voilà pourquoi le théâtre qui met en jeu les corps, les musiques et les mots dans le cadre d’un espace scénique fermé, est le lieu de la métamorphose et des révolutions : mentales, esthétiques, sociétales. S’y rejouent encore et toujours le récit de nos vies, de nos amours et de nos peurs dans un tourbillon qui ressemble à un cortège de carnaval.»
Texte et dramaturgie : Marion Coutris
Mise en scène et scénographie : Serge Noyelle
Composition musicale : Marco Quesada, Patrick Cascino et : Monteverdi, Purcell, Vivaldi, Haendel
Adaptation lyrique et accordéon : Rémy Brès-Feuillet
Régisseur général : Thibault Arragon de Combas
Lumières : Serge Noyelle et Cédric Cartaut
Vidéo : Cédric Cartaut
Son : Bastien Boni Régisseur général : Thibault Arragon de Combas
Régie générale : Thibault Arragon de Combas
Bande sonore : Patrick Cascino (piano), Didier Lévêque (accordéon), Magali Rubio (clarinette), Marco Quesada (guitare), Charly Thomas (contrebasse)
Distribution
Rémy Brès-Feuillet, Marion Coutris, Pascal Delalée, Nino Djerbir, Andrés García Martínez, Camille Noyelle, Hugo Olagnon, Leonardo Santini, Geneviève
Sorin, Bellkacem Tir.
Co-production Théâtre des Calanques et Groupe 444
