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Le roi D’Ys à l’opéra de Marseille

Le roi D’Ys à l’opéra de Marseille

mardi 13 mai 2014
Inva Mula et Florian Laconi- Photo Christian Dresse

Il fut un temps pas si lointain où les théâtres de province, à l’instar des théâtres nationaux, jouaient régulièrement « Le Roi d’Ys » que certains qualifiaient, à juste titre, de « Lohengrin français ». L’œuvre d’Edouard Lalo suscitait alors le même engouement que « Faust » « Carmen » ou « La Bohême ». Malgré la désaffection survenue dans la deuxième partie du XXème siècle (la dernière représentation à l’Opéra de Paris remonte à 1967) la spectaculaire ouverture de l’opéra continue à être fréquemment exécutée dans les concerts symphoniques. Par ailleurs, les amateurs d’art lyrique connaissent au moins la fameuse aubade de Mylio du 1er tableau de l’acte III : « Vainement ma bien aimée » qui demeure au répertoire d’à peu près tous les ténors, lesquels l’ont souvent enregistrée dans leurs récitals.

La résurrection récente du « Roi d’Ys »

Après la période d’oubli de ces dernières décennies, « Le Roi d’Ys » a retrouvé une certaine faveur de nos scènes nationales à commencer par l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne en mars 2007 sous la baguette de Laurent Campellone, avec dans les principaux rôles Nathalie Manfrino, Nona Javakhidze, Florian Laconi, et Olivier Grand. Quelques mois plus tard, en octobre 2007, le Capitole de Toulouse montait à son tour l’ouvrage d’Edouard Lalo avec une superbe production de Nicolas Joël, actuel directeur de l’Opéra de Paris (décors d’Ezio Frigerio et costumes de Franca Squarciapino). Inva Mula y incarnait Rozenn aux côtés de la Margared de Sophie Koch, du Mylio de Charles Castronovo et du Karnac de Franck Ferrari (signalons sa reprise à l’occasion de l’inauguration du Théâtre National de Chine à Pékin en 2008). Quant à la production de Saint-Etienne, mise en scène par Jean-Louis Pichon, elle a dans un premier temps fait escale à l’Opéra Royal de Wallonie (Liège) en avril 2008, avec au pupitre Patrick Davin. Parmi les interprètes : Guylaine Girard, Giuseppina Piunti, Sébastien Gueze, Werner van Mechelen. Cette représentation a fait l’objet d’un enregistrement vidéo captée en direct et publiée par la firme Dynamic.

Le Roi d’Ys à l’Opéra de Marseille

C’est la production de Saint-Etienne qui a été retenue par l’Opéra de Marseille. Le musicologue André Segond rappelle, dans le programme de salle, que depuis 1890 l’ouvrage faisait partie de la saison lyrique marseillaise avec une fréquence de représentations assez impressionnante jusqu’en 1953 où il fut joué au Théâtre Silvain. A partir de cette date, il ne fit plus que deux apparitions sporadiques sur la scène lyrique phocéenne en 1969 et en 1994.

Monter cet opéra pose un certain nombre de problèmes techniques sur le plan de la mise en scène, notamment au 2ème tableau de l’acte III où l’on doit voir la mer envahir la cité bretonne d’Ys, après que, par vengeance, Margared et Karnac aient ouvert les écluses qui protègent la ville des flots. Alexandre Heyraud a choisi la voie de la stylisation, optant pour un environnement de roches sombres et suintantes, et accentuant l’impression de huis clos dans lequel se déroule le drame. Les costumes de Frédéric Pineau indiquent clairement à l’attention des spectateurs, qui sont les habitants d’Ys (en verts mordorés) et les soldats de l’armée de Karnac (en rouge vif). Au tableau final, les flots bouillonnent sous forme d’une épaisse fumée tandis que la pluie frappe protagonistes et chœurs en un puissant déluge.

Des artistes dont le style vocal rend justice à l’opéra français

A l’Opéra de Marseille, Inva Mula reprend le rôle de Rozen dans lequel elle s’était illustrée au Capitole de Toulouse. La soprano albanaise fait à nouveau preuve des qualités qu’on lui connait : finesse d’interprétation, clarté du timbre et facilité à maitriser les sons filés. Sa fréquentation du répertoire français (Marguerite de « Faust », les rôles titres de « Thaïs », « Mireille » ou « Manon ») lui permet en outre de servir avec le style requis cette musique et ce chant français. Béatrice Uria-Monzon (Margared) est ici à son aise dans un emploi qui se situe entre la tessiture de mezzo-soprano et celle de falcon. Nous avions déjà entendu Florian Laconi à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne en Mylio. Son excellent Roméo dans « Roméo et Juliette » de Gounod à l’Opéra Théâtre d’Avignon, il y a très exactement un an, aux côtés de la soprano Sonya Yoncheva, pouvait nous laisser espérer qu’il rééditerait dans un rôle qui requiert à peu près les mêmes exigences, sa remarquable prestation. Tel fut bien le cas, car Mylio est exactement dans ses cordes : l’émission est franche, le timbre de la plus belle eau, l’extrême aigu aisé et la demi teinte à sa portée. Avec Roberto Alagna il est l’un de ces rares ténors à avoir une maitrise parfaite de l’articulation française. A notre sens, il convient que Florian Laconi s’attache à demeurer dans ces emplois de ténor lyrique en se gardant bien – comme nombre de ses collègues – de céder prématurément à la tentation d’aborder des emplois dramatiques beaucoup plus lourds qui souvent mettent en péril l’instrument vocal.

En Karnac, Philippe Rouillon impressionne par l’ampleur de la voix et la véhémence des accents. Il est dans la lignée des grands barytons français comme Ernest Blanc, Robert Massard ou encore Alain Fondary et c’est tout dire ! Nous avons une fois de plus particulièrement apprécié Nicolas Courjal dans le rôle du roi, toujours en constants progrès et qui peut désormais se prévaloir d’une fort belle carrière. Il peut être considéré, dans la nouvelle génération, comme l’une des basses sur laquelle on peut compter pour à peu près tout le répertoire qui va de Rossini à Strauss en passant bien entendu par les nombreux emplois offerts par le répertoire français.

La vibrante direction musicale de Lawrence Foster

L’orchestre a, dans « Le Roi d’Ys », une place significative, d’abord par la brillante ouverture que nous avons ci-dessus évoquée, mais encore par une musique sublime qui fait alterner accents vigoureux et mélodies enchanteresses. Pour qui se passionne pour l’opéra français, c’est une partition qu’on ne se lasse d’écouter et qui constitue véritablement un fleuron de l’art lyrique. A la baguette, Lawrence Foster sait lui donner force, tendresse et poésie et les instrumentistes de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille savent lui répondre avec éloquence ainsi d’ailleurs que les chœurs dont l’implication dans cette œuvre ne saurait échapper à quiconque. Au final un beau succès particulièrement apprécié par le public marseillais.

Christian Jarniat
13 mai 2014

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