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Le retour de la Chauve-Souris à l’Opéra de Munich — Les débuts de Julia Kleiter en Rosalinde

Le retour de la Chauve-Souris à l’Opéra de Munich — Les débuts de Julia Kleiter en Rosalinde

dimanche 23 février 2025

Crédit photographique © Geoffroy Schied

Feras, non culpes, quod vitari non potest

Glücklich ist, wer vergisst, was doch nicht zu ändern ist! 

L’aphorisme latin est extrait des Sentences de Publilius Syrus, un esclave syrien amené esclave à Rome, nommé Syrus d’après sa province d’origine, qui fut éduqué puis affranchi par son maître en raison de ses qualités intellectuelles, de son humour et de ses talents. ” Supporte, sans te plaindre, ce qui ne se peut changer. ” L’esprit de l’antique maxime se retrouve exprimée de manière moins stoïque dans le livret que composa Richard Genée pour la Chauve-Souris de Johann Strauss, elle provient du célèbre couplet “Trinke, Liebchen, trinke schnell” (” Bois ma petite chérie, bois vite “) que chante le maître de chant Alfred à Rosalinde, qui, à son tour, rejoint avec enthousiasme la chansonnette : ” Heureux celui qui oublie ce qui ne peut pourtant pas être changé !”

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Crédit photographique © Geoffroy Schied

La mise en scène très queer de Barrie Kosky a été opportunément programmée pour ce temps carnavalesque où les bals masqués sont organisés dans les maisons d’opéra. Ainsi de celui qu’organise le Prince Orlofsky, pour lequel le costumier Klaus Bruhns a conçu une orgie de déguisements très colorés. Ce ne sont que plumes d’autruches, falbalas et paillettes. Une étonnante coïncidence due aux méandres de la politique allemande et à la récente chute du gouvernement a entraîné de nouvelles élections qui ont eu lieu ce 23 février, jour de la première représentation de la reprise de l’opéra. Il est courant de modifier le livret d’une opérette, notamment dans les parties dialoguées, pour l’adapter à l’actualité : ” Je ne pense pas que nous aurons le gouvernement avant mars. “, avance Eisenstein, entre autres remarques. Dimanche passé, les premières projections des résultats électoraux tombèrent à l’heure de l’entracte.

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Crédit photographique © Geoffroy Schied

On retrouve à deux exceptions près la distribution de décembre 2023* : les nouveaux venus sont Julia Kleiter qui a fait des débuts réussis en Rosalinde et le Kosovar Granit Musliu, un jeune ténor au physique avenant qui avait rejoint l’Opéra studio bavarois en 2021/2022 et qui fait partie de la troupe depuis la saison dernière, qui endosse avec brio le costume du bellâtre Alfred, professeur de bel canto amoureux de Rosalinde. Julia Kleiter dresse avec un grand talent théâtral le portrait d’une grande  mondaine, un peu légère et piquante, avec un soprano doté d’un timbre chaleureux au cuivre mordoré et des lignes vocales très étudiées. Sa Czardas du deuxième acte est des plus entraînantes.

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Crédit photographique © Geoffroy Schied

Les plus grands honneurs de la soirée reviennent à nouveau à qui ravit le public en Eisenstein avec son  talent comique d’une finesse rare, avec le charme amusé d’un humour un peu noir sans être grinçant, très cabarettiste, de ce qu’on appelle le Wiener Schmäh. Viennois d’origine, il n’a aucun mal à colorer son discours et son chant de l’accent viennois, tout en restant compréhensible. Autre grand bonheur de la soirée que celui de retrouver Markus Brück en Dr Falke, spécialement dans son interprétation de “Brüderlein und Schwesterlein” au final du deuxième acte, à la fin de la fête du prince Orlofsky : Falke propose de chanter un chant de louange à la fraternité de la compagnie rassemblée. Katharina Konradi est excellente dans les pitreries de la servante Adèle qui joue les désespérées pour obtenir une soirée libre et aller au bal. Son ” Spiel ich die Unschuld vom Lande ” est un vrai régal de coquinerie et de séduction. Frosch est habilement démultiplié en six acteurs qui jouent le rôle en chenille. Primus inter pares, le talentueux Max Pollak reprend avec succès son long numéro de cabaret de percussions corporelles et de claquettes dont une partie s’exécute en accompagnement de la Pizzicato-Polka. Les transformations du directeur de prison Frank, qui termine en travesti fâcheusement alcoolisé, sont délicieusement interprétées par Martin Winkler.

Une opérette légère et pétillante comme une coupe de champagne qui vient à point nommé pour brûler le bonhomme hiver et nous faire oublier, pour une soirée du moins, les misères du monde. 

Luc-Henri ROGER
23 février 2025

*https://resonances-lyriques.org/une-chauve-souris-dionysiaque-par-le-tandem-jurowski-kosky-a-lopera-de-munich/

Musikalische Leitung : Vladimir Jurowski

Inszenierung : Barrie Kosky

Choreographie : Otto Pichler

Bühne : Rebecca Ringst

Kostüme : Klaus Bruns

Licht : Joachim Klein

Chor : Christoph Heil

Dramaturgie : Christopher Warmuth

Gabriel von Eisenstein : Georg Nigl

Rosalinde : Julia Kleiter

Frank : Martin Winkler

Prinz Orlofsky : Andrew Watts

Alfred : Granit Musliu

Dr. Falke: Markus Brück

Dr. Blind : Kevin Conners

Adele : Katharina Konradi

Ida : Miriam Neumaier

Frosch I : Max Pollak

Frosch II : Franz Josef Strohmeier

Frosch III : Jon Olofsson Nordin

Frosch IV : Giovanni Corrado

Frosch V : Deniz Doru

Frosch VI : Jeremy Rucker

Balltänzer:innen : Antonia Čop, Erica D´Amico, Sonja Golubkowa, Élia Araujo Medeiros, João Da Graça Santiago, Matthew Emig

Bayerisches Staatsorchester

Bayerischer Staatsopernchor

 

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