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Le producteur niçois Gil Marsalla fait découvrir et vivre le patrimoine musical français à travers le monde !

Le producteur niçois Gil Marsalla fait découvrir et vivre le patrimoine musical français à travers le monde !

jeudi 29 septembre 2022
Photos © Directo Prod.
En quelques années, Gil Marsalla, musicien, producteur et metteur en scène niçois, a réussi à faire du patrimoine musical français, un succès mondial au travers des spectacles qu’il produit et met en scène !
Rencontre avec Résonances Lyriques

 

Acte 1 : La genèse d’une fabuleuse aventure

Comment vous est venu le goût pour la musique ?

Bercé dès mon enfance par la musique, à 14 ans j’étais déjà sur les planches car je faisais partie d’un orchestre de variétés. J’ai néanmoins fait des études de piano au Conservatoire de Nice dans la classe de jazz avec Robert Persi et André Ceccarelli. En sus de cette formation musicale, je me suis inscrit à l’Université de Nice en sciences humaines et j’ai obtenu un DEA en Sociologie et Ethnologie. Je suis fier d’avoir suivi ces deux filières à la fois artistique et universitaire qui m’ont permis une ouverture sur le monde et une accession au métier de producteur de spectacles.

Et votre passion pour la chanson française ?

Dans ma jeunesse, c’est-à-dire dans les années 80, l’heure était musicalement au disco. Quand je faisais partie de l’orchestre de variétés, on jouait de manière très sporadique quelques chansons françaises lesquelles apparaissaient dans l’esprit de certains quelque peu « ringardes ». On sortait en effet des émissions de Maritie et Gilbert Carpentier pour aller vers des clips vidéo. Je n’avais donc qu’une notion relativement étroite de la place de la chanson française. J’ai eu la chance à 19 ans d’aller faire un séjour aux États-Unis. C’est dans ce pays que j’ai pris conscience que les américains avaient une conception – qui m’avait jusque là échappée – de la France en général ainsi que de la musique et de la chanson françaises en particulier (et ceci m’a été confirmé au fur et à mesure de mes voyages). « La vie en rose », par exemple, est pour les étrangers un immense succès représentatif de notre pays et pour eux ce n’est pas « ringard » mais au contraire « classe ». Par ailleurs, les chanteurs français ont laissé une trace très importante aux Etats-Unis en particulier Charles Aznavour, Jacques Brel, Yves Montand, Edith Piaf et naturellement, avant eux, Maurice Chevalier qui a tourné nombre de films musicaux à Hollywood.

Comment expliquez-vous cet engouement des étrangers, et plus particulièrement des américains, pour la chanson française ?

Je retiendrai deux phases : la première lors du débarquement en 1944 en Normandie les mélodies qu’entendaient les G.I étaient celles des chansons d’Edith Piaf. Ils ont « ramené » celles-ci aux États-Unis. Leurs enfants ont conservé cette tradition comme représentative de la culture musicale française. La deuxième phase a eu lieu en 2007 avec le film La Môme que les américains ont appelé La Vie en rose. Ce film a eu un immense succès dans le monde et notamment aux États-Unis. Il a reçu deux Oscars et plusieurs Césars. Il n’a fait que renforcer les souvenirs des anciens et à permis à des générations plus jeunes de découvrir cette icône de la chanson française. De surcroît ce qui est important à souligner c’est que, contrairement à un certain nombre de chanteurs français, des interprètes comme Edith Piaf et Charles Aznavour, Brel, Montand ont pris un risque important en allant s’exporter aux États-Unis où ils ont rencontré un immense succès et les nombreuses reprises de leurs textes et chansons par des stars américaines ont contribué à l'importance de leur carrière à l'international.

C’est ce qui suscité votre envie de tenter cette incroyable aventure ?

Oui, j’ai donc surfé sur la vague du succès du film et je me suis lancé dans cette aventure en créant Piaf ! Le Spectacle aux États-Unis, ce qui m’a permis de constater que le public américain répondait avec un énorme engouement eu égard à ce que représente le potentiel des États-Unis et les vastes salles de spectacle des grandes villes de ce pays. J’ai ainsi pris conscience que le public international assimilait l’art de vivre à la française à Paris ! Paris, c’est Montmartre (avec ses clichés : la guinguette, le réverbère, l’accordéon…) et Montmartre, c’est Édith Piaf ! C’est cette vie de bohème que les touristes du monde entier viennent chercher quand ils sont en vacances à Paris et qui leur procure de magnifiques souvenirs. Et ce sont ces souvenirs qu’ils ont envie de retrouver quand ils sont chez eux…On a également surfé sur une autre vague : celle du 50ème anniversaire de la disparition de Piaf en 2013 qui nous a permis de faire notre première tournée mondiale.

Et le succès a été au rendez vous ?

Personne en France n’avait songé à proposer des spectacles mettant en valeur ce patrimoine et à les exporter. Mes confrères me disait que c’était « ringard », que ça n’intéressait plus personne dans notre pays et que j’allais me « planter »…
Après plusieurs années de travail, le résultat est là : Piaf ! Le Spectacle est devenu en quelques années le plus gros succès mondial francophone avec plus de 600 représentations dans 50 pays et plus d’un million de spectateurs ! 

Et vous avez voulu donner ensuite à Piaf l’ampleur d’un grand spectacle symphonique ?

C’est l’un de mes plus gros challenges. Piaf ! Symphonique a été présenté en avant-première mondiale du 14 au 16 Juin 2019 à l’Opéra de Nice, dans ma ville. Un rêve éveillé pour moi qui passait tout le temps devant cet Opéra et dans lequel je souhaitais, sans oser l’espérer, présenter un jour un spectacle. C’est aujourd’hui chose faite avec cette version symphonique des grandes chansons d’Édith Piaf dont les arrangements ont été confiés à Nobuyuki Nakajima, le célèbre musicien japonais qui s’est notamment illustré avec le sublime Gainsbourg Symphonique ou Dandy Symphonique. C’est une approche différente et pleine de nouvelles couleurs musicales, tout en restant dans l’esprit de l’œuvre originale…Ce projet a pour vocation de rapprocher la grande musique et la musique populaire, à l’heure où de prestigieux ensembles symphoniques du monde entier souhaitent proposer des programmes inédits à leur public et en attirer de nouveaux.

Et au delà de Piaf vous avez voulu rendre un autre hommage à Paris ?

C’est dans le sillage du spectacle sur Piaf que j’ai aussi réalisé une autre production intitulée Paris ! Le Spectacle (2014) que j’aime tout particulièrement. C’est un medley des chansons de l’époque utilisant pour les dialogues uniquement des paroles de chansons. La force et la richesse des mots et des textes de la chanson française permettent aux spectateurs étrangers qui ne parlent pas la langue de Molière de comprendre le spectacle grâce à l’émotion que suscitent ces chansons. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais voulu à l’étranger, contrairement à certains autres spectacles, utiliser le système du surtitrage. Et assez curieusement je n’ai jamais rencontré, dans toutes mes pérégrinations hors de France, un spectateur ou un organisateur qui s’en soit plaint. 
 

Acte 2 : les triomphes internationaux
Piaf a été le premier maillon et en quelque sorte le « catalyseur » d’autres spectacles ? 

Paris ! Le Spectacle a vu le jour en partant d’une idée simple : Quand les touristes viennent à Paris, ils peuvent  aller au Moulin rouge, au Lido, mais ils ne trouvent nulle part où se rendre pour assister à un spectacle musical sur les grandes chansons françaises. Alors j’ai créé Paris ! Le Spectacle pour leur emmener un bout de France et de Paris directement chez eux… C’est ainsi que cette production « cartonne » dans le monde entier et a été affichée à Broadway en 2019 et va repartir en tournée en 2023.
C’est en voyant, lors de mes voyages, le succès que les chansons françaises recueillaient auprès du public international que je me suis conforté dans l’idée de continuer à exporter des spectacles mettant en valeur le patrimoine musical français du XXème siècle.

Avec d’autres interprètes que Piaf ?

J’ai eu la chance de rencontrer Gérard Davoust niçois, et que je considère comme mon parrain dans ce métier. Il fut l’ami de Charles Aznavour, son éditeur exclusif pendant 40 années. Mon succès à l’international a attisé sa curiosité et il a été admiratif de ma démarche. Il a voulu faire ma connaissance et, à la suite de nombreux échanges, nous sommes devenus amis. J’ai eu, grâce à lui, la chance de rencontrer plusieurs fois Charles Aznavour auquel j’ai demandé l’autorisation de faire un spectacle sur sa carrière. Charles m’a d’ailleurs invité à son dernier spectacle au Madison Square Garden à New York et deux jours avant qu’il ne nous quitte, je l’ai à nouveau rencontré avec Jean-Paul Belmondo. Mon seul regret est celui qu’Aznavour n’ait jamais pu voir le spectacle Formidable ! L’Histoire d’une légende (2016) qui rend hommage à cette icône mondiale que j’ai réalisé avec Jules Grison comme interprète et qui a été joué non seulement en France mais encore à l’étranger et qui a tout de suite eu un succès incroyable partout où il a été affiché dans le monde.

Ayant ouvert pour la première fois un marché international très porteur, j’ai compris qu’il fallait l’alimenter chaque année. J’ai donc continué de créer un spectacle par an ! C’est ainsi que Douce France (avec Grégory Benchenafi et Jules Grison), Brel ! Le Spectacle avec Olivier Laurent, Et Maintenant (hommage a Gilbert Bécaud avec Jules Grison et Emily Becaud), Roxane (l’adaptation musicale de Cyrano de Bergerac) ont vu le jour ! Un récital d’ Aznavour Symphonique est en approche pour le centenaire de Charles Aznavour en 2024 qu’on espère présenter à l’Opéra de Nice. 
Avec nos spectacles, nous avons parcouru l’Europe entière, les États-Unis, le Japon, la Chine etc. En 2023, nous aurons plus de 100 dates de tournée à l'international avec tous nos spectacles dont une tournée record de 25 dates en Amérique du Sud pour Piaf ! Le Spectacle

Comment expliquer ces succès planétaires ?

Ma stratégie s’appuie sur le magnifique patrimoine français que tout le monde nous envie. Le spectacle Piaf repose sur la puissance des mots et chacune de ses chansons est une véritable histoire en quelques minutes avec un vrai scénario, une réelle dramaturgie. Mais on peut en dire autant pour les chansons de Charles Aznavour et Gilbert Bécaud par exemple. Il y a aussi la manière dont les artistes interprètent et jouent sur scène grâce à cette école française de la musique basée sur les nuances du jeu.
« Les quatre mousquetaires » Edith Piaf, Jacques Brel, Gilbert Bécaud et Charles Aznavour ont des répertoires musicaux connus dans le monde entier et qui s’exportent bien. L’idée est de rendre hommage à chacun d’eux, d’autant que les chanteurs américains ont repris leurs grands standards comme Elvis Presley, Neil Diamond, Ray Charles etc.
J’ai donc constitué à l’étranger autour de mes spectacles, un public fidèle et des partenaires qui suivent mes projets Et nous ne sommes, sans doute, qu’au début de l’aventure artistique et humaine.

Quelques mots sur les critères artistiques de production de vos spectacles ?

La question est d’autant plus pertinente  que les programmateurs français boudent ce genre musical, essence même de notre culture. J’ai produit tout seul Piaf ! Le Spectacle à l’Olympia à Paris ainsi qu’un nombre important de dates en France à guichets fermés. Preuve s’il en faut qu’il y a encore un public en France pour ce genre. Nous venons récemment de faire une tournée au Pérou dans des salles importantes comme par exemple à Lima et à Bogota où nous avons pu réunir en quelques représentations près de 10.000 personnes !

L’intérêt de produire soi-même ses propres spectacles est non seulement d’avoir la maîtrise du temps mais encore de ne pas être dépendant de certains agents internationaux. Toutes les productions partent de Nice qui est notre lieu de résidence artistique avec des musiciens et des techniciens niçois et azuréens. Nos spectacles sont faciles à exporter car ils sont légers du point de vue de la scénographie et de leur réalisation. Nous bénéficions aussi de spectacles au répertoire intemporel simples et efficaces avec cette « French Touch » où la poésie musicale et scénique est omniprésente  et c’est en ce sens que nous nous différencions par exemple des américains. 

Quelles sont vos éventuelles contraintes budgétaires pour la diffusion de vos spectacles ?

À l’inverse des grands groupes du secteur, Directo Prod est une petite équipe polyvalente et très réactive. Pour monter ces spectacles j’ai beaucoup étudié le marché à l’export bien différent du marché français. Le premier critère c’est le prix car la logistique qu’engage un spectacle à l’international peut décourager beaucoup de programmateurs. Inutile de proposer un spectacle trop lourd à gérer au niveau des transports, du temps de montage et, bien sûr, du cachet demandé…c’est « éliminatoire » ! Pour offrir un spectacle de qualité à l’export il faut parfaitement maîtriser les coûts de création et de production. J’ai créé et réalisé ces productions chez moi, à Nice, dans des salles de spectacles, loin donc des tarifs onéreux de la capitale. Je passe aussi beaucoup de temps dans les salons internationaux pour convaincre les agents, producteurs et salles du monde entier de prendre le risque de présenter ces spectacles.

Il semble que vous soyez particulièrement attaché au rayonnement du patrimoine français à l’étranger ?

Mes spectacles sont des véritables vecteurs de communication de la francophonie chère au président Emmanuel Macron. Ils sont peu aidés par les institutions – et c’est regrettable – alors qu’ils développent et diffusent la langue française auprès de millions de personnes dans le monde puisqu’ils sont interprétés en français ! Au départ les institutions ne comprenaient même pas ma démarche. Les commissions d’attributions d’aides sont toutes à Paris et, établi à Nice, il m’est difficile de convaincre et de faire bouger les réseaux à distance pour obtenir des financements. J’ai dû produire mes spectacles sans aides pendant des années…et notamment dans des lieux mythiques et prestigieux comme le Carnegie Hall de New York ! Au vu des résultats qui sont incontestables on commence à nous aider un peu mais ça reste très timide… 

Prochaine étape : ne plus vendre nos spectacles à des agents internationaux mais les produire nous-mêmes quand le potentiel est là pour assurer la pérennité de notre petite entreprise. C’est ce que j’ai commencé à faire en Amérique du Nord et en Europe de l’Est avec succès. Un pari risqué, mais un pari mesuré tant le public international est amoureux du patrimoine musical français et de la France ! Comme une récompense d’un immense travail accompli aux États Unis, IMG Artists, la plus grosse agence artistique en Amérique du Nord, a signé un accord de diffusion de mes spectacles ! Ceci va me permettre une diffusion plus large dans un pays où un spectacle qui n’est pas interprété en anglais n’avait, à priori, aucune chance de réussir !

Après 20 années d’existence et de travail acharné, Directo Productions a été enfin récompensé par : « Le Trophée de L’audace entrepreneuriale » remis par la CCI Côte d’Azur et Nice Matin et a également obtenu la première place dans le « Palmarès du Live du Bureau Export 2019.

Propos recueillis par Christian Jarniat

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