Mais où cela va-t-il s’arrêter ? Les solistes des festivals sont de plus en plus jeunes. Un record a été atteint cette semaine à la Roque d’Anthéron où le pianiste avait… 14 ans. Il s’appelle Tsotne Zedginidze, est géorgien.
On vit arriver sur scène, sous l’auvent de la célèbre conque du Parc Florans, un gamin en chemise blanche aux pans flottants sur un pantalon noir. Il s’avance avec assurance vers le public, salue impeccablement, se met au piano.
Et là c’est l’éblouissement. La première partie était consacrée à un impromptu de Schubert et à ses propres compositions, la seconde au Gaspard de la nuit de Ravel. Qu’il joue avec panache. Gaspard de la nuit quand les cigales ont fini de chanter et que les mauvais esprits se sont dissipés dans les bois sombres, cela passe encore. (On en a entendu des adolescents virtuoses !) Mais lorsqu’il se met à jouer sa propre musique ou à improviser, cela tient du phénomène.
Concentré sur son clavier, tête baissée, il nous fait entendre une musique inspirée et harmonieuse, savamment structurée, teintée d’émotion. Parfois Debussy n’est pas loin et Rachmaninov pointe le bout de sons nez. Mais tout cela naît de l’imagination d’un ado de 14 ans ! Lorsqu’il se met à paraphraser Wagner, comme Liszt le fit en son temps, on est stupéfait. On est étonné devant la connaissance parfaite que cet enfant a de l’œuvre du maître de Bayreuth. On est admiratif devant son aptitude à jouer en contrepoint les thèmes de la Tétralogie , les superposant à la main droite et à la main gauche.
Lorsque Tsotne s’aventure à interpréter le magnifique 3ème. Impromptu de Schubert, il ose, lui le jeune pianiste, s’écarter de la tradition des grands maîtres qui jouent cette page dans un tempo « allant ». En la déroulant avec lenteur, faisant ressortir des contre-chants plus que de coutume, il fait là encore preuve de personnalité.
Dans l’avenir on risque de beaucoup parler de Tsotne Zedginidze. Retenez bien son nom ! Enfin, si vous le pouvez…
André PEYREGNE
24 juillet 2024