Gattières est un village des Alpes-Maritimes dans lequel, chaque été, est monté un opéra. Cette année, la production est passée à la vitesse supérieure. En effet le choeur et l’orchestre sont, pour la première fois composés de professionnels, fournis par l’Opéra de Nice. Cela change tout par rapport aux années précédentes.
L’opéra de cet été est la Rondine de Puccini. Célébration du centenaire de la mort du compositeur oblige ! Selon nos informations – mais cela n’est peut-être pas tout à fait exact – ayant appris que Gattières aidé par l’Opéra de Nice avait décidé de représenter cet ouvrage, le Metropolitan Opera de New-York, la Scala de Milan et l’opéra de Zurich ont aussitôt décidé de le mettre cette année à leur programme. Pour ne pas être en reste mais redoutant la concurrence de Gattières, l’opéra de Monte-Carlo l’a également programmé à la rentrée… mais uniquement sous forme de concert ! C’était la moindre des choses, étant donné que la création mondiale de cet ouvrage a eu lieu à Monaco en 1917, pendant la Première guerre mondiale. (La Principauté de Monaco est ainsi : elle n’interrompt ses représentations ni en tant de guerre, ni en période de Covid!)
On aurait tort de considérer cette Rondine comme un ouvrage mineur. Il y a tout Puccini dans cette œuvre – son style, ses tournures récitatives, ses airs, ses enchaînements harmoniques, ses modulations. Il y a ces quatre simples notes la-do-la-la qui passent et vous envoûtent – comme il y en a de telles dans Butterfly ou la Bohème. Il y a aussi cet air « Chi bel sogno di Doretta ». Tout le charme de Puccini est là !
L’équipe dirigeante et artistique de Gattières a changé, ayant été placée sous la présidence de Stéphanie Courmes. Ce passage de relais nous donne l’occasion d’évoquer les mérites de l’ex présidente Elisabeth Blanc et du chef d’orchestre Bruno Membrey qui, par leur ténacité et leur talent ont permis au festival de vivre pendant plus de trois décennies.
Le nouveau conseiller artistique Christian Jarniat fait précéder le spectacle d’une conférence sous une tonnelle – une conférence érudite, documentée, intelligente à la mesure de son savoir lyrique encyclopédique. Et c’est parfaitement instruit qu’on peut monter au haut du village assister au spectacle sur la place Grimaldi. Tiens, encore Monaco !
L’homme du spectacle est, en fait, une femme : la cheffe d’orchestre Alice Meregaglia. C’est elle qui mérite les plus beaux éloges. Elle est efficace, souple et précise, attentionnée aux détails de la partition, comme si elle l’avait composée elle-même.
Une femme assure également la mise en scène, Yohanna Fuchs, exploitant au mieux l’espace dont elle dispose : le mur du fond de scène, la montée et l’escalier qui bordent la place, la façade de la maison qui se dresse au dessus.
Quatre jeunes chanteurs de premier ordre tiennent les rôles principaux, qu’ils incarnent de manière « vériste » en tant qu’acteurs. Chiara Polese, dont la voix fraîche est aussi claire que son prénom, fait vivre le personnage de Magda, la femme entretenue.
Emy Gazeilles, jeune soprano à la voix corsée, est séduisante en soubrette mondaine.
Diego Godoy, venu du Chili, voix puissante et colorée, fait belle impression dans le personnage de l’amant éconduit.
Quant à Valentin Thill, au timbre de ténor lyrique, qu’il continue ainsi et sera digne de son homonymie avec le grand Georges.
Louis Morvan fait apprécier, lui, sa belle voix de basse.
On aurait tort d’oublier les voix secondaires, elles sont comme ces fleurs qui enrichissent un bouquet, sans lesquelles celui-ci n’aurait pas le même éclat. Les fleurs en question s’appellent Rachel Duckett, Cécile Lo Bianco, Noelia Ibáñez.
Et c’est ainsi que, grâce à tous, la Rondine, cet été, tourne rond à Gattières.
André PEYREGNE
2 août 2024