Il faut, en liminaire, louanger l’Opéra de Toulon pour la poursuite de ses saisons lyriques, somme toute copieuses, alors que le bâtiment situé sur la Place Victor Hugo se trouve toujours en cours de restauration.
Après un spectacle au cours de l’été dernier à l’amphithéâtre de Châteauvallon, un magnifique site de plein air, dans lequel a été applaudie une nouvelle production du diptyque Cavalleria Rusticana/Pagliacci, la saison s’est ouverte au Zénith de Toulon avec La Force du destin de Verdi et se poursuivra dans divers lieux comme le Palais Neptune où seront proposées des extraits de comédies musicales de Sondheim, Bernstein, Rodgers, Gershwin, Kander et Berlin avec des clins d’œil à Puccini et à Rossini (Classical Broadway), et plus tard, les grandes pages de l’opéra allemand avec des œuvres de Wagner, Richard Strauss et Malher. C’est encore le Palais Neptune qui accueillera Nabucco de Verdi en version de concert, tandis que la salle de la Liberté affichera une Petite Flûte enchantée de Mozart et La Belle Hélène d’Offenbach. Les concerts symphoniques auront lieu également au Palais Neptune tandis que des ballets seront donnés à la salle de la Liberté ou au Zénith de Toulon.
La Force du destin, un des monuments parmi les œuvres de Verdi, inaugurait donc la saison lyrique toulonnaise. L’œuvre dure, entracte compris, pas loin de quatre heures. L’acte 3 comporte en effet, le duo entre Don Alvaro et Don Carlo (où les deux hommes se défient) et qui est souvent coupé dans les versions « classiques ».
Il s’agit, en l’occurrence, d’une coproduction entre le Teatro Regio de Parme et l’Opéra Orchestre National de Montpellier Occitanie.
On retrouve pour la mise en scène Yánnis Kókkos, qui depuis plus de 50 ans a proposé nombre de productions aussi bien en France qu’à l’étranger et notamment aux Chorégies d’Orange, à l’Opéra de Paris, à la Scala de Milan mais aussi à la Comédie Française. La scénographie relativement dépouillée déroule une série de panneaux inclinés de forme géométrique au fond desquels sont projetés des visuels qui représentent parfois des halls et couloirs avec une vision en forme de travelling de cinéma ou encore des galeries de cloître quand ce ne sont pas de larges volutes de fumée pour illustrer les scènes de guerre. Les costumes d’époque se mêlent à ceux plus contemporains tandis que la danse souvent utilisée (chorégraphie Marta Bevilacqua) s’inscrit avec bonheur dans cette mise en scène réalisée par Stephan Grögler. C’est au directeur musical de l’Opéra de Toulon Victorien Vanoosten qu’il appartenait de mener à bien cette Force du destin et ce, avec élégance et précision.
Initialement le rôle de Don Alvaro devait être tenu par le ténor géorgien Konstantine Kipiani mais celui-ci souffrant, a du renoncer et, pour le remplacer, l’Opéra de Toulon a fait choix de Samuele Simoncini qui a chanté nombre de rôles dans les principaux théâtres de Lombardie ainsi qu’au Mai Musical Florentin, au Festival Verdi de Parme, mais aussi à Berlin et à Vérone. Tout récemment il a interprété Il Piccolo Marat à Livourne ainsi qu’à l’Opéra d’Angers et de Nantes. Doté d’une voix sonore il assure ce rôle long et éprouvant qui exige la tessiture d’un ténor dramatique (s’y sont illustrés, entre autres, des chanteurs tels que Mario Del Monaco, Franco Corelli ou encore Placido Domingo). La soprano mexicaine Yunuet Laguna à laquelle revient la charge d’interpréter Leonora, un rôle également écrasant, brille particulièrement grâce à une voix d’un très beau timbre assortie d’aigus sonores et de mezza voce parfaitement négociées.
Le trio est complété par Stefano Meo dans le rôle de Don Carlo di Vargas. Il dispose certes d’une voix ample mais tout ce que l’on attend d’un véritable baryton verdien fait souvent défaut qu’il s’agisse de couleurs, nuances et ardeur du phrasé. Une mention spéciale doit être attribuée à l’une des chanteuses françaises qui poursuit une fort belle carrière en l’occurrence Eléonore Pancrazi (appréciée tout particulièrement à l’Opéra de Marseille en Urbain des Huguenots). Elle endosse avec un indéniable brio le rôle de Preziosilla emploi dont les difficultés ne sont point contestables eu égard à la tessiture étendue ici sollicitée.
Dans une salle aussi vaste que celle du Zénith dans laquelle l’acoustique n’est pas spécialement destinée au lyrique, la sonorisation s’avère indispensable. Certes, elle est fort bien réglée avec l’appui d’un système technique sophistiqué qui permet à l’oreille du spectateur une écoute relativement confortable. Néanmoins, difficile en raison de ce système d’amplification de juger objectivement du volume exact des voix de chacun des protagonistes.
Christian Jarniat
20 octobre 2024
Direction musicale : Victorien Vanoosten
Mise en scène et décors : Yánnis Kókkos
Réalisée par Stephan Grögler
Chorégraphie : Marta Bevilacqua
Costumes : Paola Mariani
Lumières : Giuseppe di Lorio
Vidéo : Sergio Metalli
Dramaturgie : Annick Blancard
Distribution :
Marquis de Calatrava : Jacques-Greg Belobo
Donna Leonora : Yunuet Laguna
Don Carlo di Vargas : Stefano Meo
Don Alvaro : Samuele Simoncini
Preziosilla : Éléonore Pancrazi
Père Guardiano : Vazgen Gazaryan
Frère Melitone : Leon Kim
Maître Trabuco : Yoann Le Lan
Curra : Séraphine Cotrez
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon
Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie