La version de concert de la Damnation de Faust présentée à l’auditorium Rainier III de Monte-Carlo dans le cadre du 150ème anniversaire de la disparition d’Hector Berlioz nous faisait grâce de la tour de verre futuriste des décors surréalistes de la Furia dels Baus de 1999 à Salzbourg ou de la mission spatiale sur Mars imaginée par Alvis Hermanis en 2015 pour l’Opéra Bastille avec une distribution plus que prestigieuse regroupant Jonas Kaufmann, Bryn Terfel et Sophie Koch dans ce même rôle de Marguerite où nous la retrouvons en terre monégasque.
Quelle sérénité de se concentrer sur la musique, les voix et les chœurs, protagonistes à part entière de l’œuvre. Sous la direction de leur chef Stefano Visconti chaque intervention est remarquable, juste, s’amplifiant sur un paroxysme musical au moment du « Pandoemonium » et des onomatopées sauvages et diaboliques issues de l’imagination romanesque de Berlioz. L’orchestre, sous la direction du chef japonais Kazuki Yamada, directeur apprécié de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, soutient avec vigilance, précision, bienveillance mais aussi avec force les inflexions rémanentes des préoccupations personnelles que le compositeur a voulu transcrire dans ces scènes tirées de la traduction par Gérard de Nerval du Faust 1 de Goethe.
Plus inspiré en première partie (on regrette ensuite deux aigus en voix de fausset plus qu’approximatifs), Jean-François Borras détaille avec une diction exemplaire les tourments de Faust, qui se voit damné par Berlioz et non pas sauvé par Marguerite comme le veut le Faust 2 de Goethe repris par Gounod.
Sophie Koch est Marguerite, rôle dont elle est accoutumée et dont elle cisèle les balades et complaintes d’une voix juste, longue mais qui a perdu de la rondeur de son timbre de mezzo soprano tirant désormais vers celui de soprano. A saluer la prestation exemplaire de Frédéric Caton interprétant (sans partition), « scénarisant » chaque ligne du rôle de Brander dont il est totalement maître.
Et Erwin Schrott apparaît, Mephisto attirant tous les regards, il fait une entrée très remarquée, partition fermée à la main, qu’il délaissera préférant nous régaler de ses exploits vocaux, entamant des joutes musicales avec les chœurs, avec Faust, avec le chef, omniprésent sur la scène, pratiquement toujours debout, au cœur de l’action même s’il n’intervient pas.
Si l’on hésitait à qualifier La Damnation de Faust d’opéra, d’oratorio, voire de concert, c’est indéniablement ce titre de « légende dramatique » qui convient le mieux à l’œuvre, légende dont Irwin Schrott aura été le héros d’un soir en Principauté, diable d’homme, qui nous aura transportés non pas en Enfer mais au Paradis.
Catherine Pellegrin
17 décembre 2019