C’est avec curiosité que le public monégasque a découvert cette partition d’un Verdi qui avait déjà composé « Nabucco » et « Attila » mais était encore bien loin de sa maturité créative. De fait, « I Masnadieri » s’inscrit dans la lignée des deux premiers opéras de Verdi, accusant un style donizettien et révélant déjà une habileté certaine dans la composition des duos et autres ensembles, mais la veine mélodique demeure très en retrait de ses autres ouvrages.
Jean-Louis Grinda avait, comme toujours, réuni une distribution de qualité avec, dans les rôles principaux, quatre voix de premier plan. Nicola Alaimo survole des débats dans le rôle de Francesco, impressionnant vocalement et scéniquement dévastateur, le baryton italien fascine par sa facilité dans les aigus et son aptitude à faire gronder le tonnerre d’une voix dont la puissance semble sans limite. Ramon Vargas lui donne, en Carlo, une belle réplique aux sonorités argentées, tout comme Alexei Tikhomirov qui campe un Massimiliano de solide envergure.
Roberta Mantegna arbore l’agilité qui sied à Amalia et une belle projection, mais l’acidité du timbre vient quelque peu contrarier la douceur angélique sensée caractériser le personnage. Dans la fosse Daniele Callegari fait parfaitement ce que l’on attend de lui pour une partition dont l’aspect symphonique est très peu fourni. Il accompagne donc au mieux les chanteurs au gré des formules rythmiques convenues utilisées par le jeune Verdi.
La mise en scène sobre et classique de Leo Muscato illustre bien les ravages du conflit familial et le monde en déliquescence évoqué dans la tragédie de Schiller.
Au final, l’intérêt de découvrir une partition méconnue en peut en masquer les faiblesses et « I Masnadieri » n’est certainement pas l’ouvrage le plus dense et le plus accompli de Verdi, même si l’on discerne ça et là quelques amorces d’intonations et d’airs qui vont conduire le maître de Bussetto au Panthéon des musiciens.
Yves Courmes
19 avril 2018