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HOMMAGE À PAULINE VIARDOT par MARINA VIOTTI au Festival Berlioz – La Côte-Saint-André

HOMMAGE À PAULINE VIARDOT par MARINA VIOTTI au Festival Berlioz – La Côte-Saint-André

vendredi 25 août 2023
Festival Berlioz ©Bruno Moussier 
Pauline Viardot (1821 – 1910), sœur de Maria Malibran décédée très jeune et fille du célèbre ténor Manuel Garcia, fut d’abord considérée comme « diva manquée » par Hector Berlioz, avant que celui-ci ne lui voue une grande admiration « La voix de Mlle Garcia, d’une pureté virginale, égale dans tous les registres, juste, vibrante et agile… ». Le Festival Berlioz de La Côte-Saint-André a souhaité rendre hommage à la cantatrice, en montant un programme tiré du CD du label Aparté paru en septembre 2022 « A tribute to Pauline Viardot » (… pas vraiment en français dans le texte !), réalisé par Christophe Rousset et son orchestre Les Talens Lyriques, ainsi que la mezzo-soprano Marina Viotti. 

La première partie du concert comporte à vrai dire peu de chant, contre beaucoup de passages instrumentaux, dont d’ailleurs les trois Ouvertures des opéras proposés. Dans celle d’Orphée et Eurydice, on y apprécie les belles couleurs baroques de la formation, les contrastes et le généreux mordant des attaques des pupitres de cordes impulsés par Christophe Rousset. Celle de la Semiramide de Rossini claironne en revanche avec une puissance qui paraît un peu démesurée par moments, sans parler des cors pas toujours parfaits d’intonation et d’une curieuse sonorité de cors de chasse à courre par séquences…, ni du piccolo à la limite dans ses traits de virtuosité. Ces réserves sont également vraies pour l’Ouverture de La Favorite de Donizetti, qu’on peut trouver un peu grandiloquente en termes de décibels. Dans ces conditions, la grande scène « Ô mon Fernand » de Léonor est détaillée par Marina Viotti avec style et musicalité pour sa cantilène, mais la chanteuse a tendance à se faire couvrir sur certains passages de la cabalette qui suit.

Avant cela, le programme démarre avec « Amour, viens rendre à mon âme » tiré d’Orphée et Eurydice de Gluck, air d’une redoutable difficulté par la vitesse d’exécution de ses vocalises finales. La voix est moelleuse dans le récitatif d’introduction et le texte ciselé par une diction d’une grande application. Même si les vocalises sont un peu moins impeccables qu’au disque (… mais on peut s’essayer à plusieurs prises pour un enregistrement !), on goûte ici à son ample expressivité et son admirable musicalité, bien mise en évidence dans les grands intervalles de la cadence finale « Je brave le trépas ». L’agilité se révèle plus fluide au cours de « Bel raggio lusinghier » de Semiramide , d’une jolie pulpe vocale et aux nombreuses variations dans les diverses reprises. 

Nos petites réserves émises à l’issue de la première partie s’envolent à tire-d’aile après l’entracte. En premier lieu, parce qu’après un extrait symphonique des Troyens, « les Entrées des Constructeurs, Matelots et Laboureurs », Marina Viotti est constamment présente sur scène pour enchaîner les airs. Ensuite, il s’agit d’extraits doux, élégiaques, très douloureux le plus souvent, pour lesquels l’orchestre joue en un idéal équilibre acoustique avec la soliste, en distillant une musique poétique aux agréables nuances. Dernier élément, la voix de la mezzo suisse est à présent bien chauffée et trouve son plein épanouissement. 

Dans la scène finale de Didon des Troyens « Je vais mourir… Adieu fière cité », la prononciation du texte se révèle à nouveau prodigieuse, le timbre est riche, splendide et égal en qualité sur toute la tessiture. La reine de Carthage souffre ici dans sa chair jusqu’à la dernière note longuement tenue sur le souffle « … ma carrière est finie ». L’air de Marie-Magdeleine de Jules Massenet « Ô mes sœurs » qui suit (rôle créé par Pauline Viardot en 1873) est pour nous la plus belle merveille de la soirée, émis avec une profonde douceur dans le timbre, élégance du phrasé et un sens intense donné aux mots, bref une délicatesse qui enchante l’oreille et l’esprit comme rarement. Puis on revient au thème des préparatifs du suicide avec Sapho de Gounod et son très douloureux « Ô ma lyre immortelle » où l’interprète varie cette fois les nuances, une phrase prise tantôt piano, tantôt forte, soit deux passages qui impressionnent tout autant.

Les artistes accordent deux bis à l’issue de ce programme, d’abord Rosina pour « Una voce poco fa » et un lien avec Pauline Viardot peut-être à rechercher au sein de la famille, en se rappelant que son père Manuel Garcia fut le créateur du premier Almaviva du Barbiere di Siviglia. La voix de Marina Viotti est en tout cas ici à son sommet pour les passages d’agilité, produisant une vocalisation d’une fluidité à toute épreuve, tandis que sa musicalité d’exception lui permet à nouveau les plus excitantes variations dans les reprises. Puis « J’ai perdu mon Eurydice » conclut en ramenant le calme parmi le public. Quelques spectatrices fredonnent en effet gentiment autour de nous à l’entame de l’air, mais c’est le calme total qui gagne petit à petit, en particulier au cours du dernier couplet quasiment chuchoté par la mezzo dans un silence absolu.
La soirée mythique s’achève dans une déferlante d’applaudissements !

Irma FOLETTI
25 août 2023

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Direction musicale : Christophe Rousset
Orchestre : Les Talens Lyriques
Marina Viotti, mezzo-soprano 

PROGRAMME :
Christoph Willibald Gluck / Hector Berlioz : Orphée et Eurydice :
Ouverture
« Qu’entends-je ?… Amour, viens rendre à mon âme »
Ballet des Ombres heureuses

Gioacchino Rossini, Semiramide :
Ouverture
« Bel raggio lusinghier »

Gaetano Donizetti, La Favorite :
Ouverture
« L’ai-je bien entendu ?… Ô mon Fernand… Venez cruels »

Hector Berlioz, Les Troyens :
Entrées des Constructeurs, des Matelots, des Laboureurs
« Ah, ah, je vais mourir… Adieu fière cité »

Jules Massenet : 
Marie-Magdeleine : « Ô mes sœurs »

Charles Gounod,
Sapho : « Où suis-je ?… Ô ma lyre immortelle » 

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