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Hamlet à l’opéra de Marseille

Hamlet à l’opéra de Marseille

mardi 29 novembre 2016
Patrizia Ciofi et Jean-François Lapointe – Photo Christian Dresse

Six ans après, la production d’« Hamlet » signée par Vincent Boussard revenait donc à l’affiche de l’Opéra de Marseille avec, entre temps, une escale en Avignon en 2015. Dieu sait si les bons esprits et les musicologues prétendument avertis ont glosé sur la musique d’Ambroise Thomas jusqu’à dire, comme Emmanuel Chabrier, qu’il y avait « deux espèces de musique : la bonne et la mauvaise et puis celle d’Ambroise Thomas ». Et, pour autant, après avoir vu et entendu cette œuvre à plusieurs reprises non seulement sur les scènes de théâtre en France mais encore en retransmission du Metropolitan Opera de New York, du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, ou encore en vidéo au Théâtre du Liceo de Barcelone, force est de constater que tous les attraits de la partition, où alternent des mélodies parfaitement inspirées et une force dramatique en tous points efficace, placent cette œuvre parmi les grands opéras français. Sa reconnaissance nationale et internationale ces dix dernières années n’est que justice. Il est vrai que tous les ingrédients réunis pour la circonstance étaient de nature à contribuer au succès, le public n’ayant pas, lors de cette dernière représentation à l’Opéra de Marseille, ménagé ses applaudissements.

La scénographie de Vincent Lemaire nous propose le décor unique d’une vaste salle du palais d’Elseneur au Danemark. De très hautes parois, fripées comme dans un phénomène de glaciation avec, à la base, une gangrène noire, signe de putréfaction des lieux, enferment les personnages dans un oppressant huis-clos. Cette sobriété « inquiétante » donne toute sa puissance à un scénario où se côtoient, quasiment de la première à la dernière scène, la folie et la mort. Les protagonistes, tels des survivants hallucinés, courent vers leur destin fatal. On a rarement vu sur une scène une direction d’acteurs aussi méticuleuse, aussi juste, aussi fascinante que celle de Vincent Boussard. Le spectateur est pris dans une sorte de « thriller » qui ne relâche jamais son emprise pendant plus de trois heures. Il faut aussi souligner ce que cet « Hamlet » doit à la direction nerveuse, précise et grandiose de Lawrence Foster à la tête d’un somptueux Orchestre de l’Opéra de Marseille. Belle prestation en outre des chœurs en tous points remarquables.

Comme à l’Opéra d’Avignon, Jean-François Lapointe confirme à nouveau qu’il est sans doute l’un des meilleurs Prince du Danemark que l’on puisse aujourd’hui rêver. L’acteur est constamment concerné d’un point de vue théâtral par sa classe innée et par sa gestique dignent d’un excellent acteur de théâtre. Sur le plan vocal, sa prestation est tout simplement inouïe. La voix sonne glorieuse avec un moelleux de timbre, une ampleur, une diction, une homogénéité de tessiture et des aigus flamboyants qui suscitent l’admiration. Un modèle d’art du chant capable de tout assumer, de la vaillance au moindre murmure. On se réjouit de l’entendre prochainement à l’Opéra de Monte-Carlo en Wolfram de la version française de « Tannhaüser ». Les mêmes qualificatifs pourraient s’appliquer à Patrizia Ciofi, exceptionnelle Ophélie, à la fois légère et diaphane de silhouette et qui, dans la mise en scène de Vincent Boussard, trouve constamment refuge dans ses livres qui lui permettent de fuir l’oppression du monde qui l’entoure. Les pages froissées deviendront fleurs ou oiseaux dans l’extraordinaire scène du suicide où l’héroïne se noie dans sa baignoire après la séquence de la folie qui donne à la cantatrice italienne l’occasion de démontrer toutes ses qualités belcantistes mais aussi l’art d’entrer – jusqu’à se consumer – dans la peau d’un personnage. L’ovation que lui réserve le public est évidemment légitimement et amplement méritée. Sylvie Brunet-Grupposo reprend le rôle de la Reine Gertrude qu’elle avait incarné à Bruxelles dans la mise en scène d’Olivier Py. Sa grande voix et la puissance de son jeu font merveille, dans un rôle hérissé de difficultés vocales, notamment dans cette scène capitale qui l’oppose à son fils. Réunir ces trois interprètes élève l’Opéra de Marseille à un haut niveau international et de cela il faut féliciter son directeur, Maurice Xiberras, toujours soucieux d’offrir à son public ce qu’il y a de meilleur sur la planète lyrique. On retiendra aussi le Claudius de Marc Barrard, le Laërte de Rémy Matthieu : belle allure et parfaite articulation, le spectre caverneux de Patrick Bolleire, ainsi que Samy Camps (Marcelus), Christophe Gay (Horatio), Jean-Marie Delpas (Polonius) et Antoine Garcin et Florian Cafiero (respectivement 1er et 2ème fossoyeur). A noter que ce spectacle était dédié au baryton Bernard Imbert qui avait chanté dans cette production et qui a quitté ce monde le 2 juillet dernier.

Christian Jarniat
29 septembre 2016

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