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Gala de danse classique et contemporaine des Ecoles Brigitte Lipari (Arles-Tarascon) et Michèle Lucibello (Nîmes) au Théâtre Municipal de Tarascon

Gala de danse classique et contemporaine des Ecoles Brigitte Lipari (Arles-Tarascon) et Michèle Lucibello (Nîmes) au Théâtre Municipal de Tarascon

samedi 25 mai 2024

©Sandrine Renauld

C’est dans l’écrin magnifique du théâtre à l’italienne de Tarascon que « Danse en corps », l’école de danse fondée, en 1984, par Brigitte Lipari – membre du ballet national de Marseille pendant les années glorieuses de Roland Petit et du ballet de l’Opéra de la même scène à l’époque du regretté Pedro Consuegra – à laquelle vient s’adjoindre pour l’occasion « Nemausa Danse » dirigé par Michèle Lucibello – créatrice en 1967 du « Jeune Ballet du Languedoc » – a présenté à un public nombreux et enthousiaste un programme d’une grande qualité artistique.

En mêlant avec intelligence et rigueur les disciplines Classique et Contemporain, le gala de « Danse en corps » renforcé, le temps d’une soirée, par l’école « Nemausa Danse », permet de constater avec bonheur que la muse Terpsichore s’est penchée favorablement sur le berceau provençal des deux côtés du Rhône !

C’est ainsi que, le temps d’une soirée et pour la plus grande joie de leurs familles et de leurs amis, plusieurs niveaux de jeunes danseuses et danseurs, – dont certains sont intégrés à un programme Danse-Etude – se succèdent sur l’émouvante scène du théâtre de Tarascon, « bonbonnière » où se sont longtemps produits, au cours du dernier siècle, de grandes gloires de l’art lyrique, de l’Opérette et de la Variété.

Dans un dense programme composé à la fois d’extraits de grands ballets classiques (Don Quichotte de Minkus, La Belle au bois dormant de Tchaïkovski, La Sylphide de Løvenskiold) – dont certains bien injustement oubliés (La Jolie fille de Gand, Le Diable à quatre, délicieuses compositions d’Adolphe Adam) – de chorégraphies originales (signées Brigitte Lipari, Valentine Point-Lipari, Claire Angibeau ou Rodrigue Calderon) écrites à partir de grandes pièces symphoniques (L’Arlésienne de Bizet), concertantes (Les Quatre saisons de Vivaldi) ou lyriques (La Veuve joyeuse de Lehár, Sang viennois de Johann Strauss fils), mais aussi de musique électronique (Valentin Stip), de slam (Grand Corps Malade), de musique expérimentale (Ólafur Arnalds) ou de chansons/mélopées contemporaines (Mon Amour par Slimane, Viking melody par Ekaterina Shelehova), l’œil et l’oreille sont à la fête !

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©Sandrine Renauld

Tout d’abord, parce qu’avec l’exigence et la bienveillance qui la caractérisent depuis tant d’années, Brigitte Lipari est encore, ce soir, à la manœuvre pour veiller à ce que le beau mot de « Qualité » puisse se manifester tant chez de jeunes débutantes qui n’ont que quelques années de danse à leur actif que chez celles et ceux – même si hélas, pour ces derniers, ils restent peu nombreux ! – dont la directrice artistique suit l’évolution – des corps et des sensibilités – depuis déjà bien longtemps ! Ainsi, dès le lever de rideau, l’œil et l’oreille sont à la fête lorsque dans des costumes bucoliques impeccables (comme le seront, plus tard, ceux évoquant l’Ecosse mythique de La Sylphide) huit danseuses et un danseur redonnent aux partitions pimpantes d’Adolphe Adam – célébrées autrefois – leurs lettres de noblesse, par la fluidité et l’homogénéité du geste et du pas. Ce sont les qualificatifs qui viennent également sous la plume pour qualifier l’exquise adaptation des extraits du « Carillon » de L’Arlésienne, dans la chorégraphie sensible qu’en présente Valentine Point-Lipari, en particulier dans le mouvement lent où les jeunes interprètes viennent récupérer à l’avant-scène des cerceaux de fleurs pour les mêler à leurs gracieux mouvements : Qui a dit que le kitsch n’est pas empreint de poésie ?

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©Sandrine Renauld

On sait, en outre, Brigitte Lipari très attachée aux choix musicaux des chorégraphies de ses spectacles et on ne boudera pas son plaisir aux accents délicieusement sucrés des opérettes de Paul Lincke au programme ou des ballets de Riccardo Drigo1, compositeur qui permettra d’apprécier non seulement un travail de pointes techniquement en place chez les niveaux 3 et 4 de l’Ecole mais, également, de donner à un port de tête, un mouvement de main, un sourire naturel chez certaines de ces jeunes filles toute l’importance essentielle qui est attendue ici pour que la réussite de la pièce soit totale ! C’est également avec les chorégraphies signées pour l’occasion par Rodrigue Calderon – non seulement ancien danseur de l’Opéra National de Paris mais également artiste lyrique dont les premiers rôles dans Kiss me, Kate ou dans La Veuve joyeuse sont encore bien présents à notre souvenir ! – que cette soirée trouve toute son originalité : quelle belle idée de faire ainsi évoluer, canne en main et air canaille de dandy, le fort dynamique et bien dansant Flavien Angelle – dix huit ans à peine – dans l’air de Danilo, extrait de La Veuve joyeuse2 ou encore les jeunes Jade Chabanel et Ilona Jacquot dans un « Pas de deux » dansé sur l’une des valses de l’opérette Sang viennois3 !

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©Sandrine Renauld

Traitant avec tout autant de rigueur artistique la musique électronique de Valentin Stip, d’Ólafur Arnalds ou de titres de variété tels que Mesdames ou Mon Amour (chanson de Slimane représentant la France à l’Eurovision 2024), les chorégraphies de Valentine Point-Lipari permettent d’applaudir la parfaite synchronisation du travail sur les corps effectué avec huit des jeunes danseuses les plus avancées de l’Ecole Lipari. Dans une scénographie où des bancs seront utilisés comme accessoires à l’expression, ces huit filles successivement en pantalon noir/chemisier blanc puis en robe aux couleurs mordorées emportent le spectateur sur une vague où l’élan du groupe et la parfaite vibration de ses membres rappellent un instant les chorégraphies d’un Bob Fosse. Un très beau moment.

Il faut, enfin, insister sur la beauté esthétique des éclosions chorégraphiques qui prévalent dans les finals des deux parties de ce fort beau gala : tout d’abord, sur des classiques puisant chez Bach, Mozart et Vivaldi, l’ensemble du corps de ballet rivalise de beauté dans une chorégraphie splendide – signée par mère et fille Lipari – à la gestuelle reposant sur la pure simplicité du geste : là encore, quel superbe port de tête et mouvement de bras chez certaines de ces demoiselles ! ; ensuite, pour terminer en feu d’artifice, à partir d’un matériau musical moderne puisant dans le folklore d’Europe du nord (Danheim et Ekaterina Shelehova), ces mêmes jeunes femmes, maintenant en blazer crème et pantalon noir, libèrent soudain toute leur énergie dans des volutes, spirales et déhanchements mêlant idéalement esthétique de gymnaste et geste de belle portée poétique.

On est heureux d’ouvrir, pour la première fois, les colonnes de « Résonances lyriques » à un spectacle de danse de cette qualité artistique.

Hervé Casini
25 mai 2024

1 Riccardo Drigo (1846-1930) : compositeur vénitien et chef d’orchestre parti à la cour impériale de Saint-Pétersbourg où il connaîtra la gloire en dirigeant tous les grands noms du ballet du théâtre Mariinsky au premier rang desquels l’illustre Anna Pavlova !

2 Une magistrale interprétation du baryton bien trop oublié Willy Clément (1918-1965)

3 …avec en prime ici la voix de la grande soprano Andrée Esposito !

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