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Formidable Parsifal à l’Opéra de Francfort !

Formidable Parsifal à l’Opéra de Francfort !

jeudi 19 juin 2025

© Monika Rittershaus

Ce Parsifal de l’Opéra de Frankfurt fait partie des nouvelles productions de la saison et nous avons assisté à la dernière des huit représentations, depuis la première du 18 mai dernier. Ancienne mezzo-soprano (nous l’avions entendue pour notre part en 1986 au Théâtre de l’Athénée !), Brigitte Fassbaender s’est reconvertie, avec succès, dans la mise en scène depuis une trentaine d’années.

Avant le début de la représentation, plusieurs tableaux de Claude Monet tirés de sa série de la cathédrale de Rouen sont projetés sur le rideau de scène. Montsalvat dans les Pyrénées qui déménagerait en Normandie ? Le dramaturge du spectacle Konrad Kuhn explique dans le programme de salle qu’il a vu une relation entre d’une part ces tableaux, ainsi que ceux réalisés par le peintre dans ses jardins de Giverny à proximité de la Seine, et d’autre part la première scène champêtre de Parsifal où coule l’eau pour le bain du roi, les variations de lumières sur la façade de la cathédrale et sur la surface du fleuve pouvant changer comme les leitmotiv wagnériens… dont acte ! Ce procédé de projection, repris en début de chaque acte, constitue en fait le petit point mystérieux d’un spectacle linéaire pour le reste passionnant et parfois novateur.

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 © Monika Rittershaus

Le rideau s’ouvre sur une sorte de pensionnat à l’anglaise au vu des costumes des jeunes chevaliers, en culottes courtes et cravatés, tandis que Gurnemanz range les serviettes de bain marquées du blason d’un calice. La scénographie sombre de Johannes Leiacker place l’action entre deux parois latérales qui partent en fuite vers un fond de scène minéral en forme de grand rocher noir, un tableau de paysage lacustre et un autre petit rocher au sol complétant le dispositif. Le baume d’Arabie donné par Kundry pour Amfortas est ici une boîte de médicament, dont celui-ci lit attentivement la notice. Autre clin d’œil, Kundry donne une petite bouteille de San Pellegrino à Parsifal pour se désaltérer, après son arrivée plutôt caricaturale en perruque blonde et veste à plumes du cygne, dont le cou et la tête pendouillent de l’habit. La transformation vers la salle du château se fait à vue au moyen du plateau tournant, pour se retrouver dans un vaste volume où repose au fond un calice géant, comme à l’intérieur d’une grotte. Et c’est avec des bretzels que l’assemblée communie… comme pour donner l’envie au public de les imiter aux bars pendant l’entracte !

On retrouve cette topographie au deuxième acte, mais un podium éclairé par deux projecteurs sur les côtés a remplacé le Graal, le trou de la grotte étant fermé au fond par une peinture bucolique. Nous sommes ici au théâtre, ou peut-être dans un studio photo où les Filles-Fleurs viennent en robes de mariées et développent une gentille chorégraphie sensuelle… qui ne passionne guère Parsifal ! Klingsor ne parvient pas à frapper Parsifal de sa lance et n’a pas d’autre moyen de la lui donner, un peu penaud. Puis le décor au fond s’écroule pour faire place à des lumières aveuglantes, accompagnées de fumée.

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 © Monika Rittershaus

On retrouve au III le décor de l’entame, mais un peu déstructuré, avec une paroi qui subsiste à gauche et la vision sur l’envers du décor à droite, le tableau du fond ayant perdu ses couleurs. La scène finale nous montre ensuite la grande salle de Montsalvat, cette fois totalement minérale en rocher noir, le Graal placé toujours au centre dans l’ouverture de grotte au fond. Les chevaliers ont bien vieilli, tirant à présent vers des zombies en habits militaires, visages maquillés de blanc et noir. La fin est en forme de happy end : les chevaliers trinquent au champagne en se débarbouillant le visage et Amfortas et Kundry partent bras dessus, bras dessous après avoir échangé un petit bisou.

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 © Monika Rittershaus

Pour ce qui concerne la distribution vocale, quatre des six rôles principaux – Amfortas, Gurnemanz, Titurel et Klingsor – sont remarquablement défendus par des chanteurs actuellement en troupe à l’Opéra de Francfort. Endossant les habits de Wotan dans l’actuel Ring de Munich, ainsi que d’ailleurs pour un remplacement fait cette saison dans le Rheingold de l’Opéra de Paris, Nicholas Brownlee en Amfortas est, entre autres, un baryton wagnérien accompli. On entend la souffrance dans la voix, en même temps qu’on voit son visage blafard, ses cernes rouges et ses lents déplacements. Ses Erbarmen ! Erbarmen ! sont poussés à pleine voix, le premier en embrassant Kundry et le second tenu très longuement dans une folle énergie.

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 © Monika Rittershaus

Couronne sur la tête et manteau royal, Titurel paraît en encore moins bon état en poussant son déambulateur, la voix caverneuse aux allures d’outre-tombe d’Alfred Reiter caractérisant au mieux la fin proche du vieux roi. Mais c’est le Gurnemanz de l’autre basse Andreas Bauer Kanabas qui fait la plus forte impression, aux belles et profondes résonances dans le grave et disposant d’un long souffle pour délivrer toutes ses interventions, parfois très longues comme au troisième acte. Pour compléter les voix graves, le baryton Iain MacNeil est un Klingsor en haut-de-forme et queue-de-pie davantage manipulateur que graveleux. Le grain de voix possède du mordant et les extensions vers l’aigu sont aisées.

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 © Monika Rittershaus

En Parsifal, le ténor Ian Koziara possède un médium confortable et large, mais le registre aigu manque régulièrement de métal pour véritablement éblouir. Ceci est flagrant en fin de troisième acte, où le chanteur prend intelligemment quelques notes en voix de tête. On précise qu’on croit reconnaître Wotan lorsqu’il entre en scène dans ce même acte final, chapeau en feutre à larges bords, lunettes noires et lance à la main. Le timbre de Jennifer Holloway en Kundry peut rappeler par séquences celui de la grande titulaire du passé Waltraud Meier, avec tout de même une moindre générosité de moyens. On ne retrouve pas, par exemple, chez la mezzo américaine la démesure de certains aigus ou l’animalité des cris de sa consœur allemande. Mais l’engagement est total, et le lachte dans son récit du II impressionne fortement. Les rôles secondaires sont aussi bien pourvus, on remarque le ténor à la voix claire et bien concentrée Andrew Bidlack en troisième écuyer et Nombulelo Yende parmi les Filles-Fleurs, en troupe à Francfort et qui tenait un peu plus tôt dans la saison le rôle-titre de L’Enchanteresse de Tchaïkovski.

Et la musique conduite par le directeur musical de l’Opéra de Francfort Thomas Guggeis est justement un enchantement. Dès les premières mesures, le charme des cordes, le brillant des cuivres, l’expressivité des bois, la cohésion de l’ensemble, l’équilibre entre pupitres, la solide architecture construite en même temps qu’elle permet de distinguer les détails de la partition, absolument tout séduit dans cette interprétation. Le chef fait jouer avec enthousiasme les climax de l’ouvrage, rendant certes la tâche par instants un peu plus difficile à certains solistes sur scène, mais l’auditeur n’attend-il pas avec gourmandise ces merveilleux tutti majestueux de l’ouvrage ? Le chœur apporte également une contribution de grande qualité, mais semble moins étincelant en comparaison des formidables musiciens du Frankfurter Opern- und Museumsorchester.

Irma FOLETTI
19 juin 2025

Direction musicale : Thomas Guggeis
Mise en scène : Brigitte Fassbaender
Décors et costumes : Johannes Leiacker
Lumières : Jan Hartmann
Chorégraphie des Filles-Fleurs : Katharina Wiedenhofer
Dramaturgie : Konrad Kuhn
Chef des chœurs : Gerhard Polifka

Amfortas : Nicholas Brownlee
Titurel : Alfred Reiter
Gurnemanz : Andreas Bauer Kanabas
Parsifal : Ian Koziara
Klingsor : Iain MacNeil
Kundry : Jennifer Holloway
Erster Gralsritter : Kudaibergen Abildin
Zweiter Gralsritter : Sakhiwe Mkosana°
Erster Knappe : Idil Kutay°
Zweiter Knappe : Nina Tarande
Dritter Knappe : Andrew Bidlack
Vierter Knappe : Andrew Kim°
Klingsors Zaubermädchen : Clara Kim / Idil Kutay° / Nina Tarandek / Nombulelo Yende / Julia Stuart° / Judita Nagyová
Stimme aus der Höhe : Katharina Magiera

Chor der Oper Frankfurt

Frankfurter Opern- und Museumsorchester

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