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Flamboyante rentrée lyrique de l’Orchestre de Radio France portée majestueusement par Asmik Grigorian et Mikko Franck

Flamboyante rentrée lyrique de l’Orchestre de Radio France portée majestueusement par Asmik Grigorian et Mikko Franck

vendredi 15 septembre 2023
Crédit : Christophe Abramowitz / Radio France 

L’orchestre de Radio France a choisi de faire sa rentrée avec un programme proposant une création mondiale mais aussi deux magnifiques œuvres emblématiques du répertoire romantique sous la baguette de son directeur musical Mikko Franck, rejoint par la soprano la plus brillante de sa génération, la lituanienne Asmik Grigorian. 
Un concert retransmis en direct sur France Musique, mais également en simultané dans le pays d’origine de la chanteuse grâce à l’Union Européenne de Radio-Télévision. A l’effectif au grand complet de l’orchestre s’adjoignait également les enfants de la maîtrise de Radio France conviés pour l’occasion.

La soirée débute, comme il est de tradition, par une création mondiale commandée par la Maison de la Radio et de la Musique l’année précédente. Le toulousain Benjamin Attahir, né en 1989, est l’un des compositeurs contemporains actuels les plus doués. Il nous convie à la découverte des quatre premiers versets de son Stabat Mater. Pas de soliste dans cette œuvre mais uniquement un chœur d’enfants magnifiquement exécuté par la Maîtrise de Radio France préparée par Sofi Jeannin. La douceur céleste de ses voix blanches et l’énergie juvénile confère à la partition un caractère tout particulier qui contraste souvent avec l’écriture contrapuntique attribuée aux vents. Le solo de tuba ou de clarinette basse apporte une sensualité particulière peu commune dans ce type d’ouvrage. Comme l’indique avec beaucoup de justesse le programme de salle, le compositeur « joue avec les codes de la musique classique et sérielle en les renouvelant ».

La soirée se poursuit avec les Quatre derniers lieder de Richard Strauss, ces merveilleux chants d’adieu composés en 1948 par le compositeur alors agé de 84 ans et dont la santé décline. Après quelques secondes cocasses où le chef s’est aperçu, au moment d’aborder ces pages sublimes, qu’il n’avait pas la partition, c’est bien dans une atmosphère mélancolique, apaisante et recueillie que l’auditoire s'est trouvé plongé.
Dès les premiers instants de Frühling (Printemps), il est évident que nous sommes chez Strauss. Par l’orchestre évidemment, mais aussi et surtout par la voix. La diction d’Asmik Grigorian est parfaite et son timbre sied idéalement aux couleurs des poèmes mis en musique par le Maître. Incandescent, aérien souvent, entêtant et à la limite de l’ivresse, c’est un printemps crépusculaire certes, mais un printemps qu’on ne souhaiterait jamais quitter. 
September (Septembre) fait basculer l’auditorium dans une ambiance plus contemplative. Le soprano de la chanteuse lituanienne prend tout son temps pour nous détailler les motifs de ce jardin. L’atmosphère est admirablement retranscrite par chaque mot, chaque syllabe ciselée avec un art accompli alors que le cor, majestueux, vient comme couronner cette sensation de plénitude. 
Avec Beim Schlafengehen (L’heure du sommeil), Strauss nous invite clairement à la mélancolie. Asmik Grigorian quant à elle, nous convie au sublime. Le poème sombre de Hermann Hesse donne lieu à quelques moments suspendus : le solo de violon (Ji-Yoon Park remarquable tout au long de la soirée) et la réponse de la soliste avec un « Seele » de toute beauté. 
Enfin, Im Abendrot (Au crépusucule) – premier des quatre lieder par date de composition- tel un chant du cygne vient clore cette œuvre unique. Tout au long de ce dernier lied la voix d’Asmik Grigorian, s’efface intelligemment pour presque s’évanouir, et laisser place comme un hommage, à la musique de Strauss : le crépuscule, l’apaisement, la mort, le murmure de la forêt, des oiseaux…
On aimerait écouter et partager cette musique à l’infini, main dans la main. 
Asmik Grigorian insolente de facilité, dans une posture de quasi recueillement et Mikko Franck, aussi à l’aise dans la partition que le sont les musiciens autour de son pupitre forment un merveilleux duo ! 
De très belles versions sont parues au disque ces dernières années (Lise Davidsen ou Rachel Willis-Sørensen par exemple), il y manquait peut-être l’étincelle Straussienne pour en faire des références. Il est fort probable que notre tandem de la soirée puisse nous l’offrir. Rendez-vous est pris en février 2024 pour une publication sous le label Alpha !

En deuxième partie de soirée, la sixième et dernière symphonie de Tchaïkovski, sûrement la préférée de Mikko Frank, est dirigée de main d'orfèvre avec une profonde sensibilité, quasiment par cœur, le chef chantonnant en outre les parties de chaque instrument. La communion avec les musiciens est absolument évidente et donne à voir des scènes de complicité touchante, notamment lorsque ce dernier s’éloigne de son pupitre pour être au plus près d’eux. Le maestro se met alors à danser avec les envolées des cordes. Il terminera en larmes ce concert dont l’intensité dramatique de l’interprétation restera sans égale.

C’est donc porté par l’énergie transmise par les musiciens lors de cette soirée de rentrée riche en émotion que le public de l’auditorium de Radio France a du se reconnecter au réel en partant cependant avec de doux songes dans cette agréable nuit étoilée au parfum encore estival.

Aurélie Mazenq
15 Septembre 2023

BENJAMIN ATTAHIR
Stabat Mater – versets I à IV (commande de Radio France – création mondiale)

RICHARD STRAUSS
Quatre derniers Lieder

PIOTR ILYITCH TCHAÏKOVSKI
Symphonie no 6 « Pathétique »

ASMIK GRIGORIAN soprano
MAÎTRISE DE RADIO FRANCE
SOFI JEANNIN cheffe de chœur
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MIKKO FRANCK direction

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